Alors que son père, acteur hongkongais d’opéra chinois, est en tournée, Bruce Lee naît à San Francisco le 27 novembre 1940. Se scelle ainsi un lien avec l’Amérique qui obsédera la future superstar tout au long de sa courte vie. Retour sur la naissance et l’enfance de la plus grande star du cinéma asiatique avec cet extrait du fabuleux livre de Jean-Pascal Grosso.
Par Jean-Pascal Grosso
Bruce Lee est né sans père. Ou, plus précisément, lorsqu’il voit le jour, le 27 novembre 1940 (année du dragon dans l’astrologie chinoise), à 7h12 exactement (aucun détail n’échappera à ses centaines de biographes), Lee Hoi-chuen, acteur réputé au sein de la Compagnie d’Opéra Cantonais, est parti jouer de l’autre côté des États-Unis, à New York. L’enfant, lui, pousse ses premiers cris à l’hôpital du Chinatown de San Francisco. Isolée, en quête d’espoir qu’elle trouve en cet heureux mais solitaire événement, sa mère le nomme Jun Fan, à traduire par « retourner (au pays) ». Certains auteurs parleront également du terme de « protecteur ».
Le couple formé par Hoi-chuen et l’élégante Grace, issue d’une très riche et influente famille de Hong Kong, était arrivé en Amérique l’année précédente. « Un mois et demi plus tard, racontait-elle, son père me rejoignait à San Francisco. Il a habillé le petit et l’a amené sur scène. Entre Bruce et le spectacle, la connexion s’est faite dès les premières semaines de sa vie. » (in Bruce Lee, The Fighting Spirit, éd. Bruce Lee JKD Club).
Son premier rôle au cinéma est celui d’une fillette
Son premier rôle au cinéma, Bruce Lee – prénom conseillé par le docteur Mary Glover par raison administrative, l’enfant devenant automatiquement, droit du sol oblige, citoyen américain – arrive, lui aussi, dans la foulée. Et dans le rôle d’une fillette pour couronner le tout ! « Pour Golden Gate Girl, qui se tournait dans la région, l’équipe avait besoin d’un enfant. Ce fut son premier rôle à l’écran. Le plus drôle, ajoutait-elle, c’est que ses traits étaient si fins, que longtemps on le prit pour une petite fille » indiqua la maman qui, à la mort de son fils, sera assaillie par les journalistes et les auteurs à qui décrochera les témoignages les plus inédits sur sa prime jeunesse.
Bruce et son fils Brandon
Les jeunes parents décident de retourner à Hong Kong au bout de trois mois et demi. L’ambiance en Amérique n’est pas au beau fixe, les tensions interraciales toujours plus explosives. Dans le quartier chinois, on s’arme. Les États-Unis ne sont pas encore entrés en guerre – la déclaration du président Franklin D. Roosevelt se fera le 8 décembre 1941 – mais, pour la famille, il est grand temps de retrouver le protectorat britannique.
Les Lee retrouvent donc leur appartement de l’interminable Nathan Road de Kowloon – au numéro 218 pour les exégètes les plus pointilleux.
Toujours selon Grace : « Même si, à cette époque, il n’y avait aucun lieu sûr de toute la planète, nous cherchions avant tout la sécurité. » Les Lee retrouvent donc leur appartement de l’interminable Nathan Road de Kowloon – au numéro 218 pour les exégètes les plus pointilleux. Il y a deux filles, Phoebe et Agnes, un autre garçon, Peter, né en 1939, futur directeur-adjoint de l’Observatoire de Hong Kong. Enfin Bruce, le nouveau-né. Robert, l’autre artiste de la fratrie, ne naîtra que huit ans plus tard. Il y a également de nombreux animaux, un vrai bestiaire même (des chiens, des oiseaux, un singe…), dans lequel grandira l’acteur. En dessous de leur habitat prospère a une large boutique.
Le changement de climat est radical pour le bambin. La chaleur, l’humidité, omniprésentes à Hong Kong, rendent le petit malade. Durant de longs mois, il restera sous la surveillance constante de ses parents. « A San Francisco, c’était déjà un enfant très énergique. A tel point qu’à Hong Kong ses parents s’inquiétaient dès qu’il cessait de gigoter » relate Linda Lee.
Une légende tenace veut que le garçonnet, lorsque les avions de l’occupant passaient au-dessus de la baie, leva le poing au ciel de manière revancharde.
« Peut-être qu’à ce moment-là, l’ai-je un peu trop gâté » se souviendra, de son côté, l’inconsolable Grace, disparu en 1996. Le 25 décembre 1941, malgré l’âpre résistance des forces britanniques, indiennes et canadiennes présentes sur place, l’armée japonaise entre dans Hong Kong. Elle ne repartira que trois ans et huit mois plus tard après la capitulation de l’Empereur. Une légende tenace – et Bruce Lee en générera énormément parfois de très farfelues – veut que le garçonnet, lorsque les avions de l’occupant passaient au-dessus de la baie, leva le poing au ciel de manière revancharde. Les premiers soubresauts du Superman chinois à venir. Rien de mieux comme détail pour satisfaire les fans.