Colin Farrell : drôle de Pingouin

photo de couverture © andrea raffin

Dans les années 2000, il était le bad-boy préféré de la presse. Aujourd’hui, Colin Farrell est un acteur solide et un père attentionné. Retour sur le parcours d’un tough guy qui dissimulait une sensibilité insoupçonnée.

Par Sylvain Monier

Longtemps, Colin Farrell fut l’acteur suicidaire du circuit hollywoodien. En mode thanatos, l’Irlandais fumait une centaine de cigarettes nuit et jour, enchaînait les cuites homériques, les tournages sous gueule de bois, tout s’envoyant de l’héroïne, de la cocaïne, des amphétamines… Bad boy certifié conforme, c’était le temps où les paparazzi le chopaient, titubant devant un DAB (distributeur automatique de billets) à 4 du mat’, pour mieux le retrouver, quelques heures plus tard, pris d’un sommeil comateux dans des lieux improbables : comptoirs de bars, entrées d’immeubles, jardins publics… Au choix.

« Pendant des années, je me suis réfugié dans les boissons alcoolisées. J’ai brûlé la chandelle par les deux bouts, jusqu’au jour où je me suis retrouvé face à une flamme qui a failli me consumer pour de bon. C’est alors que j’ai eu une vision. Pas une vision éthylique, non, une vision réaliste et sobre. J’ai vu mon nom gravé sur une pierre tombale. Et devant cette tombe, mon gamin qui pleurait ma disparition. », se souvient le comédien dans les colonnes de Ciné Revue en 2006).

Car le Dublinois a depuis mis (beaucoup) d’eau dans sa Guinness. Totalement straight depuis près de 25 ans, Colin Farrell est devenu un quadra lambda, porteur de verres progressifs et père attentif de deux jeunes garçons. Moins superstar que dans les années 2000, ce comédien talentueux tient formidablement bien la rampe cependant. Il occupe en ce moment, l’affiche de The Batman de Matt Reeves où il se révèle totalement méconnaissable dans le rôle du Pingouin.

Toujours fringant, ce solide gaillard au regard enfantin reste un éternel célibataire incapable de se caser durablement. Les femmes ayant eu, dès les premiers temps de son existence, un rôle crucial. « J’ai grandi avec deux sœurs et une mère ; ces trois femmes ont eu une influence énorme sur moi. Depuis, je recherche le prototype de la femme idéale, » (Gala, août 2012) reconnaît-il.

A 17 ans, Colin est danseur country dans un faux groupe texan, puis postule pour le boys band, Boyzone. Recalé (heureusement pour lui !), il dérive de pub en pub, récitant des vers de Dylan Thomas.

Longtemps, Colin Farrell fut du genre velléitaire hédoniste, ne vivant que pour faire la fête. Loin d’être une lumière à l’école, le jeune homme ne se révèle pas suffisamment motivé pour embrasser une carrière de footballeur pro comme son père et son oncle. A 17 ans, Colin est danseur country dans un faux groupe texan, puis postule pour le boys band, Boyzone. Recalé (heureusement pour lui !), il dérive de pub en pub, récitant des vers de Dylan Thomas.

Au cours de ces pérégrinations alcoolisées, il rencontre Kevin Spacey qui derechef invite ce charmant apprenti comédien en Californie. Il pistonne alors cet handsome devil pour un rôle dans Ordinary Decent Criminal (2000), un polar oubliable, oublié signé Thaddeuss O’Sullivan dans lequel l’impétrant crève l’écran.

Quelques mois plus tard, il est engagé dans Tigerland de Joel Schumacher où il campe cette fois-ci un bidasse rétif à l’autorité. En deux temps, trois mouvements, Colin Farrell devient la next hollywood big thing et décroche tout au long des années 2000 des rôles dans des blockbusters tout en retenant l’attention de grands cinéastes comme Steven Spielberg (Minority Report, 2002), Terrence Malick (Nouveau monde, 2005) ou Michael Mann (Miami Vice, 2006).

Problème : le fait d’avoir eu Kevin Spacey et Joel Schumacher –  gay et sex-addict notoires – comme mentors suscitent les suspicions et les ricanements de certains. Le seul talent de comédien de Colin aurait-il suffit pour le porter au firmament si soudainement ? La nouvelle star va alors s’escrimer à cultiver une image de womanizer histoire de prouver qu’il est « un vrai mec » en séduisant tout ce qui bouge : de la bergère à la princesse, de la jeunette à la femme mûre avec, comme preuve de son hétérosexualité ultime, une sex-tape avec sa copine du moment, la playmate Nicole Narain, qu’il laissera tourner en boucle dès 2003.

Colin amuse la galerie mais Colin commence à perdre le contrôle et si Colin continue à ce rythme, Colin va devenir comme Mickey Rourke à la fin des années 80 : un bouffon triste bon pour la casse.

Dans le même ordre des choses, L’Irlandais cultive à fond son image de Irish bad boy en adoptant une posture rock’n’roll pour le plus grand bonheur du National Enquirer et autres publications people. Sauf que pas toujours ultra-frais, Colin dérape sec dans certaines interviews. Utilisant sans coup férir le mot « fuck » en guise de virgule, il lâche des punchlines qui le font passer pour un crétin congénital. Morceaux choisis : « Jamais de ma vie je ne toucherai à la cocaïne, mais l’héroïne en petite quantité, ça va. » ou encore : « Il ne faut pas grand-chose pour devenir un bad boy, mais je n’en suis pas un. Hitler était un bad boy. » (Voici, août 2012) des propos dont il n’est pas très fier aujourd’hui…

Colin amuse la galerie mais Colin commence à perdre le contrôle et si Colin continue à ce rythme, Colin va devenir comme Mickey Rourke à la fin des années 80 : un bouffon triste bon pour la casse. Deux événement vont alors lui faire réaliser qu’il temps pour lui de changer de braquet.

Courant 2003/2004, un amour d’un soir lui apprend qu’il est le papa d’un petit garçon. A la surprise générale, au lieu de courir chez son avocat, Colin Farrell reconnaît instantanément l’enfant. Dans le même temps, le tournage de Miami Vice marque également un tournant. La star y dérape à fond les ballons. Avec son partenaire de jeu Jamie Foxx, ça ne se passe pas très bien. L’interprète de Ray Charles n’en pouvant plus des atermoiements de Farrell, « cet Irlandais alcoolique ».

De son côté, quand Farrell découvre que Foxx est mieux payé que lui (Oscar d’interprétation pour Ray, oblige), il balance partout que Foxx « a chopé le melon… » (ce qui n’est pas faux). Pas vraiment à son affaire sur le plateau de Miami Vice, Farrell se défonce à qui mieux mieux et termine aux urgences pour overdose. A l’époque, la production évoque un malaise à la suite d’une consommation d’anti-douleurs corollaire d’un mal de dos – inutile de préciser que ces explications firent pouffer de rire le tout-Hollywood… Pour l’acteur d’à peine 30 ans, voici venu le temps de la rehab ! Et Colin de troquer désormais la fréquentation des troquets contre celle des salles de sport.

Dix-sept ans plus tard, Colin est toujours frais comme un gardon. Sa carrière s’est stabilisée en alternant films indépendants dont une fructueuse collaboration avec le cinéaste grec Yorgos Lanthimos

Dix-sept ans plus tard, Colin est toujours frais comme un gardon. Sa carrière s’est stabilisée en alternant films indépendants dont une fructueuse collaboration avec le cinéaste grec Yorgos Lanthimos (The Lobster, 2015 et Mise à mort du cerf sacré, 2017) et des blockbusters à destination de la famille :  Les Animaux fantastiques (2016), Dumbo de Tim Burton (2019), et donc The Batman.

Plus calme et apaisé, il est moins autocentré et très attentif à son entourage, notamment vis-à-vis de son fils aîné James (20 ans), qui souffre d’une maladie génétique très rare (un cas sur 30 000) nommée syndrome d’Angelman. Un trouble sévère du développement neurologique. Pour Colin Farrell, c’est devenu son combat : « J’essaie de me servir de ma notoriété pour alerter le plus de gens possible, explique-t-il. C’est un cas tellement rare, par rapport à l’autisme par exemple, que les chercheurs et les compagnies pharmaceutiques ne veulent investir ni leur temps ni leur argent. Je me bats pour recueillir le maximum de dons et ainsi faire progresser la recherche. »

Ex-bad-boy rangé des bagnoles on apprend en lisant de vieux articles le concernant qu’à l’âge de huit ans, il fantasmait sur Marylin Monroe dont il était amoureux.

Ex-bad-boy rangé des bagnoles on apprend en lisant de vieux articles le concernant qu’à l’âge de huit ans, il fantasmait sur Marylin Monroe dont il était amoureux. Il glissait alors des Smarties sous son lit, accompagné d’un mot précisant que ces confiseries lui étaient destinés et que si Marilyn revenait de l’au-delà pour se servir durant la nuit, il lui promettait de ne le dire à personne. Colin Farrell ? Dès l’origine, le sous-texte était patent : faux bourrin, vrai sensible.

A LIRE EGALEMENT : NOTRE CRITIQUE DE THE BATMAN

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