Le 5 décembre 2017, Johnny le chanteur, l’idole des anciens jeunes tirait sa révérence. SEE s’est penché sur la carrière de Johnny l’acteur et sa filmo. Jojo et le cinéma, c’est maintenant !
Par Mathias Lebœuf
Sa mort, son enterrement, sa succession, sa carrière musicale, sa vie tumultueuse, ses amours, ses emmerdes… qui n’est plus au courant des détails et des frasques, réels ou supposés tels, de la légende de Johnny Hallyday ? Amis, commentateurs, Hallydologues patentés, ont tout dit (et souvent n’importe quoi) depuis cette nuit du 5 décembre 2017 qui a vu disparaître « l’idole de Jeunes » devenus vieux. Il est pourtant un absent resté très peu évoqué dans ce flot verbal et ce déluge panégyrique : Johnny Hallyday acteur.
Avec une filmo de plus de 30 films (apparitions comprises), l’aventure cinématographique de Johnny Hallyday n’aura pas été qu’une simple escapade.
JOHNNY hallyday dans le spécialiste de sergio corbucci – 1969 © carlotta films
Ces chanteurs devenus acteurs
Nombreux sont les chanteurs à avoir mené une jolie carrière parallèle au cinéma : Montand en est l’exemple emblématique, mais aussi Aznavour ou bien JoeyStarr aujourd’hui. Sans oublier l’acolyte de toujours du « taulier », Eddy Mitchell qui peut même se targuer d’avoir remporté le César du meilleur acteur dans un second rôle en 1995.
Avec une filmo de plus de 30 films (apparitions comprises), l’aventure cinématographique de Johnny Hallyday n’aura pas été qu’une simple escapade. Seulement voilà, la plupart de ces long-métrages sont des nanars. Pas de chefs d’œuvre et, il faut bien le dire, peu de films intéressants surnagent.
dans d’où viens-tu johnny de noël howard – 1963 © carlotta films
Qui se souvient (ou a même vu) de A tout casser (1968) de John Berry, (avec Eddy Constantine et Michel Serrault), Le jour se lève et les conneries commencent (C. Mulot, 1981), Le spécialiste (S. Corbucci, 1969) un western spaghetti version sauce qui tache (n’est pas Sergio Leone, ni Clint Eastwood qui veut) ou bien Terminus (1987) méga navet futuriste de Pierre William Glenn ?
Pas faute pourtant d’avoir croisé des réalisateurs de talent. Johnny tournera avec Jean-Luc Godard (Détective, 1984), Costa-Gavras (Conseil de famille, 1985), Patrice Leconte (L’homme du train, 2002) et Claude Lelouch par trois fois à plus de quarante années d’écart (L’aventure c’est l’aventure, 1972 et Salaud on t’aime, 2014 puis Chacun sa vie, 2017). Pas que des manchots de la caméra !
Johnny confie au Parisien que Tarantino est en train d’écrire un scénario pour lui. Rien de moins !
Coté international, le tableau est moins reluisant avec la seule présence du réalisateur hong-kongais, Johnnie (sans Y) To avec qui Johnny (avec Y) tournera Vengeance en 2009. Un four mais une consécration pour Johnny (avec Y) qui rêve de tourner notamment avec des metteurs en scène américains.
En 2009, le chanteur abandonné, par les réalisateurs cette fois, fait courir le bruit qu’il a décliné un rôle dans Inglorious Basterds de Quentin Tarantino, faute d’un calendrier bouclé par le tournage du film de To (non, il n’y a pas de jeux de mot). Mais qu’à cela ne tienne ! Ce n’est que partie remise : Johnny confie au Parisien que Tarantino est en train d’écrire un scénario pour lui. Rien de moins !
Mytho du rocker mégalo ou réalité avortée, l’interprète de Retiens la nuit ne se retrouvera jamais derrière la caméra du cinéaste américain. Ni d’aucun autre, même si notre Jojo hexagonal jure dans les pages de Paris Match que les frères Coen rêvent de le rencontrer.
photo tirée du film jean-philippe de laurent tuel avec fabrice luchini – 2006 mars distribution
S’affranchir de Johnny le chanteur
Un rendez-vous manqué, à l’image de l’impression globale que laisse la rencontre entre le Cinéma et Johnny Hallyday. Mais d’où vient cette sensation de loupé ? Ce sentiment que le chanteur de Vivre pour le meilleur est passé à côté malgré le nombre de fois où il s’est retrouvé devant la caméra, souvent pour le pire ?
Le problème du comédien Hallyday c’est … Johnny chanteur. Comme si Jean Philippe Smet n’avait jamais pu ou su s’affranchir du personnage de Johnny pour rentrer dans la peau de ceux qu’on lui demandait d’incarner. C’est d’ailleurs le thème d’un de ses meilleurs films Jean-Philippe (Laurent Tuel, 2006) où Johnny joue le rôle de celui qu’il aurait peut-être été dans un monde parallèle s’il n’avait pas été l’idole qu’il est devenu dans la réalité.
Pour que Jean-Philippe Smet soit un acteur efficace, c’est à dire qu’il arrive à incarner un personnage en effaçant sa personne, il eut fallu qu’il puisse faire oublier le monstre de scène qu’il est devenu. Une gageure insoutenable !
Il serait facile de dauber ici sur la qualité du talent d’acteur de Johnny Hallyday et de se faire du bien à bon compte, comme c’est si souvent le cas aujourd’hui, en raillant une espèce d’absence, le regard souvent perdu ou vide, la diction empruntée et le jeu monolithique sur la base de trois expressions qu’on ne peut que constater dans certains de ses films.
Mais après tout, Tom Cruise ou Ryan Gosling ne font pas beaucoup mieux ! De l’aveu même d’Eddy Mitchell, « Johnny était un acteur plutôt laborieux. Pas franchement sûr de lui mais travailleur » Avant d’ajouter, que son grand copain était un « mélange entre Sim et Gary Cooper ». Curieux attelage, doublé d’un défi insurmontable : Pour que Jean-Philippe Smet soit un acteur efficace, c’est à dire qu’il arrive à incarner un personnage en effaçant sa personne, il eut fallu qu’il puisse faire oublier le monstre de scène qu’il est devenu. Une gageure insoutenable !
avec antoine duléry et jean dujardin dans chacun sa vie de claude lelouch – 2017 © valérie perrin
Des débuts précoces
Car si Johnny commence sa carrière cinématographique en 1954 (il n’a alors que 11 ans) avec le rôle d’un élève dans Les diaboliques de Henri-Georges Clouzot (excusez du peu !), cette dernière va très vite être phagocytée par la figure du chanteur et de l’idole qui se profile. En 1962, une seconde apparition à l’écran sous la direction de Marc Allégret dans un film à sketch, Les parisiennes, le voit déjà tenir le rôle d’un guitariste séducteur d’une lycéenne incarnée par une toute jeune Catherine Deneuve.
Cette année-là, il enregistre à Nashville et reçoit son premier disque d’or. Johnny est alors en passe de devenir la vedette qu’il sera impossible de faire oublier à l’écran. Qu’à cela ne tienne ! Ce dernier va justement poursuivre sa carrière d’acteur en jouant … son propre rôle dans plusieurs films comme D’où viens-tu Johnny ? (N. Howard, 1963), Cherchez l’idole (M. Boisrond, 1964) ou Les poneyttes (J. Le Moigné, 1967).
« J’ai toujours dit à Johnny que je croyais à l’acteur qu’il est, car il a une passion absolument incroyable pour le cinéma, confie alors le réalisateur. Mais j’attendais qu’il ait la gueule idéale, la gueule de l’emploi. Et c’est vrai qu’il y a aujourd’hui sur son visage toute sa vie qui est écrite. » Claude Lelouch
En 1972, Claude Lelouch, après avoir tourné ses premiers scopitones, le fait également jouer son propre rôle dans L’aventure c’est l’aventure. Mais surtout, le retrouve, en compagnie d’Eddy Mitchell, devant sa caméra plus de 40 ans plus tard, pour Salaud, on t’aime (2013), l’histoire d’un photographe de guerre qui a passé sa vie sur le terrain et qui a eu quatre enfants avec des femmes différentes (!).
« J’ai toujours dit à Johnny que je croyais à l’acteur qu’il est, car il a une passion absolument incroyable pour le cinéma, confie alors le réalisateur. Mais j’attendais qu’il ait la gueule idéale, la gueule de l’emploi. Et c’est vrai qu’il y a aujourd’hui sur son visage toute sa vie qui est écrite. (…) la vie d’un homme qui d’un seul coup a envie de la transmettre aux autres. C’est l’histoire d’un homme qui commence à faire les choses pour la dernière fois. Et quand on commence à faire les choses pour la dernière fois, on les apprécie doublement, triplement ».
Et plus simplement aussi car pour la première fois peut être Johnny semble être à l’aise et s’amuser devant l’objectif en étant lui-même.
avec jean rochefort dans l’homme du train de patrice leconte – 2002 © pathé distribution
Déjà malade, Johnny tournera deux derniers films qui ne dérogeront pas à l’étrange fatalité de sa carrière cinématographique : Dans Rock’n Roll (G. Canet, 2016) et dans Chacun sa vie (C.Lelouch, 2017) il apparaît sous les traits de… Johnny Hallyday.
Pour son dernier film, Claude Lelouch lui donne un même rôle emblématique, mise en abîme allégorique de sa posture d’acteur : Johnny y campe son propre rôle et porte plainte contre un sosie joué par lui-même auprès d’un flic qui refuse de croire qu’il est Johnny Hallyday !
Comme si Jean-Philippe Smet n’avait jamais bien su que faire à l’écran de ce personnage qu’il était devenu, et qui lui imposa d’oublier de jouer.