Alors que Cruise et Kidman occupent actuellement l’affiche séparément, retour sur les coulisses d’un film culte qui fut à la fois déterminant et fatal pour le couple de stars.
Par Sylvain Monier
Devant la caméra de Stanley Kubrick, Nicole Kidman se concentre sur les premiers albums de Beck qui tournent en boucle au gré de ses ébats érotiques avec le mannequin Gary Goba. « J’avais fait une audition très courte, sans dialogue, avec Leon Vitali. Je savais juste qu’il s’agissait d’une scène avec Nicole Kidman et que je devais jouer un officier. », se souvient Gary Goba aujourd’hui courtier en bourse à Toronto, « Je pensais que j’allais être sur le ponton d’un bateau pour saluer la foule ou quelque chose comme ça. Puis la production m’a rappelé : “Rien n’est encore sûr mais accepteriez-vous de tourner une scène de nu avec Nicole Kidman ?“ ; Moi : “Mais vous rigolez ? Carrément !“, et je me suis retrouvé à Pinewood. »
Le tournage de la scène sexy entre l’officier de marine et Nicole allait durer deux jours – six selon Gary Goba qui extrapole un peu –, Tom Cruise est interdit de plateau, seuls les acteurs et Kubrick sont présents. Kidman et Goba opèrent diverses positions, peut-être une vingtaine selon un Goba vaguement vantard.
Il y a de la musique en permanence, c’est d’ailleurs Nicole qui a choisi Beck, artiste en vogue dans les années 90 un peu oublié depuis. Le tournage est long, très long, fastidieux et à chaque fois que les deux partenaires pensent qu’il arrive à son terme, il y a toujours un Kubrick insatisfait qui les enjoint à continuer. Jusqu’au moment où Kidman décide un stop définitif en s’adressant froidement et fermement au cinéaste : « Je crois qu’on l’a, tu peux arrêter maintenant ! », OK Nicole…
En 1998, ce tournage d’Eyes Wide Shut sent manifestement le souffre en plus de se révéler anormalement long.
En 1998, ce tournage d’Eyes Wide Shut sent manifestement le souffre en plus de se révéler anormalement long – il a démarré en octobre 1996. C’était d’ailleurs mal parti dès le début avec l’abandon d’Harvey Keitel remplacé au pied levé par Sidney Pollack. Keitel, qui avait également quitté le tournage d’Apocalypse now vingt ans auparavant, n’avait pas accepté les maniaqueries de Kubrick. Il avait de facto brutalement lâché l’affaire en balançant au cinéaste : « Mec, t’es un type du Bronx et moi, je suis un putain de Marine de Brooklyn, ça va pas marcher entre nous. »
Hors des studios Pinewood de Londres, le public comme la presse ignorent tout du tournage de ce film ultra-secret mis à part que Cruise et Kidman, le couple le plus en vue de la décennie, en sont les héros. Et fort logiquement les rumeurs courent : le personnage campé par Tom Cruise se travestirait ; celui de Nicole Kidman serait dépendant à l’héroïne et des scènes de sexe non-simulées auraient été tournées ; le couple Cruise-Kidman serait factice, une façade destinée à dissimuler leur homosexualité respective, la preuve ? Ils auraient recours à un coach en sexualité pour apprendre à s’embrasser convenablement dans le film…
Il y a certes un malaise au sein du couple mais il ne provient pas d’un quelconque problème de libido ou d’une supposée préférence sexuelle qu’il faudrait à tout prix cacher.
La presse tape à côté. Il y a certes un malaise au sein du couple mais il ne provient pas d’un quelconque problème de libido ou d’une supposée préférence sexuelle qu’il faudrait à tout prix cacher. Le malaise est plus profond et remonte à beaucoup plus loin que cet étrange tournage.
En ce jour de février 1989, Tom Cruise, 27 ans, ex-star pour ados avec Risky Business et Top Gun devenue star tout-court avec La Couleur de l’argent et Rain man, est invité à la projection d’un film qui jouit de bons échos : Calme blanc (Dead Calm). Tom Cruise juge que son réalisateur, Philip Noyce, a du style et que Billy Zane possède un charisme hypnotique, mais ce qu’il apprécie plus que tout dans ce thriller maritime original, c’est cette Australienne rousse et élancée : une certaine Nicole Kidman, 22 ans.
Cruise a carrément flashé sur elle et comme personne ne peut rien lui refuser, il l’impose au casting de son prochain film, un Top Gun avec des bagnoles monté par la même équipe du film à la gloire de l’US Air-Force : le duo gagnant Don Simpson, Jerry Bruckheimer à la production et Tony Scott à la réalisation.
Kidman débarque sur le casting (bidon, donc) de Jours de tonnerre et tombe (comme par hasard) sur Tom Cruise : « Je me souviens que je marchais et que j’étais très nerveuse, j’ai alors vu Tom Cruise au volant d’une Porsche, je crois. Il est sorti de la voiture et il est passé devant moi. J’en avais le souffle coupé. » Et bien entendu, une idylle naîtra entre la star et sa fangirl. Problème : Tom est déjà marié avec Mimi Rogers, une actrice influente dans les milieux sciento-hollywoodiens.
« Mon père me battait. C’était un tyran, un lâche. Il était antisocial et imprévisible. Il savait vous prendre par gentillesse, puis soudain paf ! »
Car tout est allé très vite pour Cruise pourtant plutôt mal parti dans la vie. Enfant dyslexique, ado grassouillet, il est la risée de ses camarades de classe et la tête de Turc préférée d’un père, ingénieur électricien, sadique et violent : « Mon père me battait. C’était un tyran, un lâche. Il était antisocial et imprévisible. Il savait vous prendre par gentillesse, puis soudain paf ! » Ce traumatisme peut expliquer cette perpétuelle recherche de contrôle tout au long de sa vie. Afin de protéger son fils, sa mère, Mary Lee Pfeiffer, divorce et s’enfuit de Syracuse (Etat de New York) avec Tom et ses trois sœurs direction l’Ohio.
A ce moment-là, Cruise aspire à devenir prêtre et fréquente pendant un an le séminaire Saint-Francis à Cincinnati. Au fond de lui, l’ado se sent responsable du divorce de ses parents et en corolaire, de la précarité que vit sa désormais maman solo et ses sœurs. C’est est un jeune homme sensible, pétri de spiritualité et passionné par le théâtre. Il choisira la deuxième option. A 18 ans, il met le cap sur New York où son destin s’accomplira. Après des petits boulots, des petits rôles (Taps de Harold Becker), Tom se retrouve, en mars 1983, à l’affiche de Outsiders, un hommage de Francis Ford Coppola à La Fureur de vivre qui met en vedette de jeunes beaux gosses émergeants.
C’est pourtant Tom qui décroche le pompon du manège hollywoodien grâce à Risky business en août de la même année et, deux ans plus tard avec Top Gun, il obtient son étoile sur Hollywood Boulevard – à 23 ans !
Un détail amusant : à l’époque personne ne mise un kopeck sur Tom Cruise, plutôt en retrait par rapport à un Matt Dillon considéré par les « professionnels de la profession », comme la future big next thing d’Hollywood. C’est pourtant Tom qui décroche le pompon du manège hollywoodien grâce à Risky business en août de la même année et, deux ans plus tard avec Top Gun, il obtient son étoile sur Hollywood Boulevard – à 23 ans ! En 1987, il épouse Mimi Rogers qui l’initie à la scientologie.
Malgré son jeune âge, Tom impressionne alors par son professionnalisme notamment dans son rapport aux journalistes à qui il confie son combat contre la dyslexie, la violence de son père… Les plumitifs sont flattés, ils ont l’impression d’entrer dans son intimité. Sean Penn, l’un de ses premiers amis à Hollywood, dira plus tard qu’il aurait mérité un Oscar pour sa façon de gérer la presse.
Alors, que Tom Cruise vit une histoire passionnée avec Nicole Kidman, il noue au même moment une relation d’un autre genre – mais très forte aussi – avec le nouveau grand timonier de l’église de scientologie, David Miscavige, 29 ans. Entré dans l’organisation à l’âge de 13 ans via ses parents, David est devenu le caméraman attitré de L. Ron Hubbard quand le père fondateur de la secte utilisait les prémices de la vidéo pour diffuser sa parole divine. A la mort de celui-ci, en janvier 1986, le jeune homme prend le pouvoir au grand dam de certains historiques dont Mimi Rogers.
Le patron de la scientologie va alors protéger cette relation extra-conjugale en mettant à disposition des propriétés de la scientologie en guise de refuges pour les amoureux.
Tom et David se ressemblent beaucoup : même âge, même allure, même taille moyenne (1m70), une ambition dévorante… Ces deux-là vont très bien s’entendre. D’autant que Miscavige voit d’un très bon œil cette idylle entre Tom et cette Australienne car cela va lui permettre de se débarrasser de Mimi Rogers.
Le patron de la scientologie va alors protéger cette relation extra-conjugale en mettant à disposition des propriétés de la scientologie en guise de refuges pour les amoureux. David joue coup double : il met hors-jeu ses opposants sous la houlette de Mimi, tout en gagnant la confiance de Tom qu’il voit comme un ambassadeur-boosteur de l’« église », qui connaît à une perte d’influence après les florissantes années 70-80.
En ce temps-là, la scientologie disposait d’un programme inédit et très efficace de désintoxication à la cocaïne, d’où l’intérêt d’Hollywood notamment. Avec l’aide de Tom Cruise, Miscavige va s’escrimer à mainstreamiser l’organisation dans le monde et, avec force de lobbying, lui faire obtenir ce statut de religion si convoité puisqu’il permet de s’acquitter du paiement de l’impôt. Et d’avoir la mainmise sur un business pas très risky.
Cruise et Kidman se marient le 24 décembre 1990 dans un chalet du Colorado, et tout le monde s’attend à l’annonce d’un heureux événement dans la foulée. Nicole tombe effectivement enceinte peu après les épousailles mais perd le bébé à cause d’une grossesse extra-utérine. Le verdict est terrible : ses chances de mettre au monde un enfant sont quasi nulles. Cruise et Kidman accusent le coup, optent alors pour l’adoption d’Isabella (née en 1992) et de Connor (né en 1995).
Dès lors, ils incarneront le couple le plus glamour des années 90 avec cette touche de modernité pour l’époque : Nicole mesure dix centimètres de plus que son mari.
Dès lors, ils incarneront le couple le plus glamour des années 90 avec cette touche de modernité pour l’époque : Nicole mesure dix centimètres de plus que son mari. Au fil des ans, l’actrice parvient à s’extirper du statut de « femme de », et l’Australienne de prouver aux médisants qu’elle n’est en rien cette potiche venue du bush.
Deux films vont se révéler déterminants : Malice (1993) un thriller d’Harold Becker dans lequel elle incarne une garce manipulatrice, et Prête à tout (1995) de Gus Van Sant où elle campe une femme obsédée par la célébrité qui, pour atteindre son rêve de devenir une star du petit écran, ira jusqu’à manipuler un adolescent pour assassiner son mari. Nicole comprend alors qu’elle détient un credo : celui de la femme ambiguë aux motivations troubles, des rôles de garce à la Katharine Hepburn, son idole de jeunesse en Australie.
Fille d’un biologiste-psychiatre et d’une enseignante dans une école d’infirmière, Nicole Mary Kidman est née Honolulu (Hawaï) où son père est professeur invité au National Institue of Mental Health. La famille retourne ensuite en Australie, à Lane Cove en Nouvelle-Galle du Sud, où Nicole et sa sœur Antonia (qui deviendra journaliste) vont grandir.
A 10 ans, elle découvre sa vocation en incarnant la méchante fée (déjà !) du Magicien d’Oz, à l’école. Deux ans plus tard, elle prend de cours de danse persuadée que cette discipline sera son avenir. Elle gagnera en gracieuseté. Accessoirement, l’adolescente fréquente les ciné-clubs de Sydney, se passionne pour le 7e art en se rêvant nouvelle Katharine Hepburn.
Après des cours de théâtre à Melbourne puis à Sydney, elle tourne au début des années 80 dans la série Five Mile Creek.
Grande (1m80), rousse, Nicole ressemble d’ailleurs à « Miss Kate », elle est pourtant très timide et continue, aujourd’hui encore, à piquer de charmants fards. Après des cours de théâtre à Melbourne puis à Sydney, elle tourne au début des années 80 dans la série Five Mile Creek.
Elle rencontre ensuite George Miller (Mad Max), qui l’engage pour Vietnam, une série de guerre que le cinéaste produit, et toujours avec l’aide de Miller, elle obtient le rôle principal de Calme blanc, thriller qu’Orson Welles avait naguère tenté de mettre en scène avec Jeanne Moreau.
Le tournage, en pleine mer, est un calvaire, Nicole Kidman doit subir les affres des éléments hostiles : ouragan, moustiques, problèmes techniques, burn-out du directeur de production… Mais c’est un triomphe au box-office. Hollywood lui tend les bras. Et Tom Cruise aussi par la même occasion.
Au début de son mariage, pour faire plaisir à son mari, Nicole fréquente vaguement les cours de scientologie sans grand entrain cependant. L’Australienne s’affirmant catholique (ou bouddhiste parfois, c’est selon l’air du temps), et se montrant sceptique quant aux vertus de la dianétique.
En plus, son père est psychiatre et ça, ce n’est pas super sciento-compatible pour le mois vu que l’objectif ultime de la dianétique est de (grand)remplacer le catholicisme et la psychiatrie justement. En 1996, Miscavige commence à douter sérieusement : était-ce vraiment une bonne idée de miser sur Kidman ? D’autant que celle-ci n’entend pas éduquer ses enfants adoptifs, Connor et Isabella, selon les préceptes scientologues. Plus inquiétant encore, Tom Cruise ne semble pas rétif à ce projet. Il a d’ailleurs décidé de ralentir sa progression au sein de l’« église ».
Cerise sur le gâteau, le couple a l’intention de s’installer à Londres le temps du tournage de Eyes Wide Shut.
Cerise sur le gâteau, le couple a l’intention de s’installer à Londres le temps du tournage de Eyes Wide Shut. En conséquence, David n’aura plus accès aussi facilement à sa poule aux œufs d’or qui semble lui échapper. Décidément se dit-il, sa haine pour Mimi Rogers l’a rendu aveugle, et le numéro 1 de l’« église » s’en veut de ne pas avoir vu en Kidman ce qu’elle était en réalité : une SPP (source potentielle de problèmes, selon le jargon scientologue). Et cela le rend colérique vis-à-vis de lui-même et de son entourage.
Pour Miscavige, ce n’est pas le moment de s’endormir. Va falloir réagir et vite. En bon scientologue, il sait qu’il sait saisir les opportunités, et il est intimement persuadé que ce tournage avec Stanley Kubrick EST une opportunité. Et pour cela, Miscavige dispose d’une carte-maîtresse nommée Michael Doven.
Auditeur scientologue aguerri, il est le confident de prédilection de Tom Cruise depuis le début des années 90, qui ignore que Doven, rend compte à David Miscavige de ses échanges confidentiels.
Ce que Nicole ignore de surcroît, c’est qu’en plus de ces deux chaperons, Miscavige a engagé un détective privé chargé de la suivre, de mettre son téléphone sur écoute afin d’éventuellement la confondre et de créer la discorde entre elle et son mari.
Un deal est conclu : Doven accompagnera le couple à Londres et sera crédité au générique en tant qu’assistant de Cruise tandis qu’Andrea Doven, l’épouse de Michael, celle-là même qui a favorisé la conversion de la famille de Cruise (sa mère décédée en 2017 et ses sœurs), occupera la même fonction auprès de Nicole malgré les réticences de celle-ci, qui sent le piège se refermer sur elle.
Ce que Nicole ignore de surcroît, c’est qu’en plus de ces deux chaperons, Miscavige a engagé un détective privé chargé de la suivre, de mettre son téléphone sur écoute afin d’éventuellement la confondre et de créer la discorde entre elle et son mari. En attendant, Kubrick n’apprécie pas tellement la présence de ces scientologues d’autant que sa fille Vivian s’est, elle aussi, convertie récemment à la dianétique. Décidément, le tournage de ce film est bien singulier.
1er septembre 1999 : il est 21h15 lorsque les notes de la Suite pour orchestre de jazz n°2 de Dmitri Chostakovich (le générique de Eyes Wide Shut) bercent la salle du Palais du cinéma de Venise qui abrite la Mostra. Après trois ans de travail acharné qui se soldera par la mort de Stanley Kubrick juste après le montage, Eyes Wide Shut est enfin visible. Le film en cette fin de siècle divisera la critique, certains abhorrant l’œuvre-testament du maître. Plus de vingt ans après, le film a viré carrément obsédant.
Ce voyage au bout de la nuit de Cruise en mode Alice qui passe de l’autre côté du miroir ; cette société secrète constituée de notables libidineux – ces fameux mâles blancs de plus de 50 ans – qui organisent des parties finies ésotériques avec de jeunes pauvresses ; t puis il y a Kidman, classy et sexy à souhait, dans un rôle qui lui va si bien : celle de la femme mystérieuse qui pourrait être animée par de troubles intentions… ou pas !
Le film, visionnaire, s’il en est, fait écho à l’air du temps d’aujourd’hui : l’ère de la post-vérité, du complotisme, des élites supposément dépravées avides de chair fraîche, et il continue de susciter son lot de théories sur internet.
Ultra-charismatique, le couple Cruise-Kidman, tout sourire (surtout lui) fait montre d’une belle complicité à la faveur d’un photo-call sur un quai de la cité des Doges.
Ultra-charismatique, le couple Cruise-Kidman, tout sourire (surtout lui) fait montre d’une belle complicité à la faveur d’un photo-call sur un quai de la cité des Doges. Mais tout cela est fake. Après une deuxième fausse couche de Nicole courant l’année 2000, Cruise demande le divorce via son avocat laissant une épouse sonnée qui part se réfugier en larmes chez sa meilleure amie Naomi Watts.
« Je fuyais ma vie à ce moment-là. Je n’étais pas capable de faire face à la réalité de ma vie. »
La star larguée va alors opérer une fuite en avant, se consacrant à corps perdu dans l’acting pour évacuer son vague à l’âme. Dans les années 2000, Nicole Kidman n’arrête pas de tourner, enchaîne les succès, devient la plus grande actrice du moment adulée par le public, admirée par les critique, respectée par ses pairs qui loue son professionnalisme hors pair. En coulisse, Kidman ne va pas bien et se sent bien seule.
Elle ne peut pas voir Connor et Isabella qui vivent sous la férule de la scientologie, Nicole étant considérée comme un « suppresiv person » par l’« église ». Ses aventures éphémères avec Lenny Kravitz ou un homme d’affaires n’arrangent rien à l’affaire. Elle envisage les tournages comme des échappatoires : « Je fuyais ma vie à ce moment-là. Je n’étais pas capable de faire face à la réalité de ma vie. »
Cruise de son côté s’est remis à fond dans la dianétique, il a atteint le niveau OT III, celui-là même où on lui apprend la grande révélation, le grand secret de L. Ron Hubbard : il y a 75 millions d’années, Xenu, un extraterrestre qui dirigeait une confédération galactique, s’est trouvé face à un problème de sur-population. Il décida alors de se débarrasser des habitants en trop en les envoyant sur la Terre où il les extermina via des bombes H. Mais cette solution a engendré un problème pour nous, les Terriens : les âmes de ces extraterrestres, appelées des thétans, vivent maintenant à l’intérieur de nous et nous parasitent à travers des images mentales négatives nommées engrammes. Le but de la scientologie est de nous aider à nous en débarrasser pour redevenir de véritables êtres humains…
Pour commencer, il doit se trouver une nouvelle fiancée. Pour ce faire, il organise un casting et jette son dévolu sur l’ex-star de la série Dawson, Katie Holmes.
Cruise, 40 ans désormais, croit à fond à cette théorie et fort de cette connaissance, il se sent pousser des ailes, prêt à opérer un nouveau tournant dans sa vie. Pour commencer, il doit se trouver une nouvelle fiancée. Pour ce faire, il organise un casting et jette son dévolu sur l’ex-star de la série Dawson, Katie Holmes et son sourire en coin si craquant, une fangirl de 27 ans dont les murs de sa chambre d’ado étaient ornés de posters de la star de Cocktail. Tom est amoureux (en tout cas il aime l’idée de l’être) et tient à le faire savoir… carrément maladroitement.
On est le 23 mai 2005 et Tom Cruise va marquer l’histoire du talk-show d’Oprah Winfrey et du bad buzz sur internet. Véritablement montée sur ressort, la star maltraite le sofa d’Oprah. Tom a manifestement lâché les chevaux et se révèle incapable de tenir en place. Il se lève toutes les trente secondes, pose un genou à terre, saute sur le canapé, il paraît comme habité, faisant fi des questions de l’animatrice.
La raison d’un tel comportement ? Katie Holmes, avec qui Tom sort depuis moins de deux mois : « Je l’aime ! Je ne vais pas faire semblant ! », clame-t-il en mode dingo limite inquiétant. En coulisse en revanche, ça grince sérieusement des dents : Steven Spielberg en tête qui constate que son acteur de La Guerre des mondes foire singulièrement la promo de son film. Car cela fait maintenant quinze jours qu’à la télé US ou lors de conférences de presse en Europe, que Tom n’évoque jamais La Guerre des mondes, qu’il est censé promouvoir.
« Nous apprécions Tom Cruise en tant que personne, mais la façon dont il s’est récemment conduit n’est pas acceptable pour la Paramount »
Au contraire, il l’utilise à des fins personnelles pour clamer son amour vis-à-vis de Katie ou – plus grave – se faire le chantre de la scientologie. A l’arrivée, Tom devient la risée d’internet, des talk-shows et de South Park. Pas très professionnel tout ça, mauvais pour le business en tout cas…
La sanction tombera un an plus tard, après la sortie de Mission : impossible 3 quand Sumner Redstone, le patron de Viacom la maison-mère de Paramount, décide de virer Tom Cruise après 14 ans de collaboration : « Nous apprécions Tom Cruise en tant que personne, mais la façon dont il s’est récemment conduit n’est pas acceptable pour la Paramount », affirme le vieux boss évoquant par ailleurs « le suicide créatif » de l’acteur-producteur. Ou comment passer de star adulée à infréquentable illuminé…
Cruise et sa partner in business depuis 1993, Paula Wagner, vont alors toquer à la porte de la MGM qui leur propose de ressusciter United Artist pour y développer leurs projets. Ça commence mal avec Lions et agneaux de Robert Redford qui fait un bide malgré l’excellente composition de Tom en bad guy cynique. Il compte se refaire avec Walkyrie de Bryan Singer, un film historique qui revient sur l’attentat raté contre Hitler fomenté par un officier de la Wehrmacht.
Problème, la production piétine, prend du retard, le ministre allemand de la Défense peine à laisser l’équipe tourner dans son pays (l’Allemagne étant particulièrement rétive à la scientologie).
Tom est tout seul, seul aux commandes d’un studio vacillant dont la survie dépend de Walkyrie, un film avec un Cruise vêtu d’un uniforme allemand.
En août 2008, Paula Wagner le lâche comme Paramount l’avait lâché. Paula faisait office de patronne de studio et d’aucuns doutent que Cruise puisse assumer ce rôle dorénavant. Tom est tout seul, seul aux commandes d’un studio vacillant dont la survie dépend de Walkyrie, un film avec un Cruise vêtu d’un uniforme allemand. Ce n’est pas gagné. Ses contempteurs attendent sa chute finale. Et puis ô surprise ! Walkyrie cartonne. Tom est sauvé.
Un détail peut changer à jamais le cours d’une carrière. Le cinéaste Stéphane Daldry l’a bien compris lui qui a collé un faux nez à Kidman pour incarner Virginia Woolf dans le biopic de l’écrivaine britannique The Hours. Bonne idée, Nicole gagne un Oscar d’interprétation à l’arrivée. Un an avant, elle s’essayait avec bonheur dans un film fantastique du Chilien Alejandro Amenabar : Les Autres, gros carton planétaire aussi. Les très bons Doggville (2003) de Lars von Trier et Birth (2004) de Jonathan Glazer, malgré de bonnes critiques, seront des échecs financiers.
C’est le temps où Variety la surnomme « le poison du box-office » mais Nicole s’en fout car depuis 2005, elle a fait une rencontre déterminante en la personne de Keith Urban, un compatriote musicien de folk & country. Pour elle, le folkeux a fait une rehab et comme chacun sait il n’existe pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour… Le couple se marie le 25 juin 2006 à Sydney et (re) miracle, Nicole donne naissance à une petite fille deux ans plus tard à Nashville (Tennessee).
Treize ans plus tard, Keith et Nicole sont toujours ensemble avec leurs deux petites filles et Nicole opère une belle carrière dans les séries télé avec des succès tels que Big Little Lies
Treize ans plus tard, Keith et Nicole sont toujours ensemble avec leurs deux petites filles et Nicole opère une belle carrière dans les séries télé avec des succès tels que Big Little Lies, The Undoing, Nine Perfect Strangers. En février dernier, elle était nommée à l’Oscar pour sa prestation dans Being The Ricardos, un film Prime vidéo.
En ce moment sur le grand écran, elle incarne une reine viking plus ambiguë que jamais (on ne se refait pas) dans The Nothman du très branchaga Robert Eggers. Kidman compte encore dans le circuit malgré les saillies de certains indélicats qui glosent sur sa transformation physique.
Mais n’est-ce pas finalement la raison d’être d’une actrice de se transformer pour mieux se réinventer ? Les années Tom Cruise et Eyes Wide Shut paraissent très loin. « Me séparer de Tom Cruise était la meilleure chose qui puisse nous arriver. Cela nous a permis, à Tom comme à moi, de vivre chacun de notre côté une autre histoire d’amour. » déclare-t-elle dans la presse à qui mieux mieux. On n’en saura pas plus, tant Nicole Kidman, 54 ans, qui incarna la princesse Grace de Monaco en 2014 a semble-t-il adopté l’adage de la reine d’Angleterre : « Never complain, never explain ».
L’acteur a désormais délaissé les films d’auteurs – il a déjà tourné avec les plus grands – pour se consacrer à des films d’action.
En 2011, le New Yorker lançait la tendance en décrétant qu’il était temps d’aimer à nouveau Tom Cruise. Se moquer de lui ou évoquer la scientologie est donc devenu out, so 2005… L’acteur a désormais délaissé les films d’auteurs – il a déjà tourné avec les plus grands – pour se consacrer à des films d’action (Jack Reacher) ou de SF (Oblivion) ou les deux à la fois (Edge of tomorrow) pour le plus grand plaisir du public avide de ses performances. Ces films se façonnent avec une équipes d’excellents faiseurs comme Christopher McQuarrie, Joseph Kosinski ou Doug Liman.
Il y a aussi sa franchise Mission : impossible, véritable cash machine qui engrange des milliards. Tom court (beaucoup), fait de la haute voltige, vole, escalade des immeubles à Dubaï ou le Grand Canyon, se blesse parfois et procure des sueurs froides sous les vestes en cachemire des assureurs.
Le public suit en masse ce type qui accomplit des cascades de fou en mode surhomme nietzschéen à presque 60 piges. En ce moment, le quasi-sexa occupe les écrans avec Top Gun : Maverick de Joseph Kosinski, la suite du film qui façonna sa gloire en 1985 où il paraît plus frais que jamais quand ses collègues ont pris de sérieux coups de pelle ou décédés (Don Simpson overdosé, Tony Scott suicidé….)
Côté vie civile, l’homme ne s’affiche plus avec une fiancée depuis des lustres et n’évoque plus jamais la scientologie lors de ses interviews.
La suite ? Un projet de tournage d’un prochain Mission : impossible qui se tiendra sur la Station spatiale internationale (ISS). Une star définitivement sur orbite… Côté vie civile, l’homme ne s’affiche plus avec une fiancée depuis des lustres et n’évoque plus jamais la scientologie lors de ses interviews. Sa communication se concentre sur l’essentiel : les films. Ses enfants ? Il ne voit pas Suri depuis le divorce d’avec Katie Holmes ni Isabella qui vit une vie lambda à Londres avec son mari, seul Connor vit avec lui en Floride désormais.
Car en quelques années, Tom a cédé la totalité de son patrimoine immobilier : sa propriété de Bervely Hills, celle d’Hollywood, ses deux appartements de New York, son somptueux ranch du Colorado… Il a acheté un luxueux penthouse dans un immeuble neuf de Clearwater (Floride). Cette ville côtière de 100 000 habitants a muté en Vatican de la scientologie. L’« église » et ses paroissiens ont, peu à peu, grignoté près de 200 bâtiments et commerces.
Les trois sœurs scientologues de Cruise, Lee Ann, Marian et Cass, l’ont rejoint avec leurs enfants et tout ce petit monde vit sous sa férule. Tom, qui ne supportait pas son père et s’est sauvé de la maison familiale à 18 ans, a enfin accompli son rêve de gosse : reconstituer le foyer idéal de son enfance perdue.
Les citations sont extraites des sources suivantes :
Le dernier rêve de Stanley Kubrick d’Axel Cadieux (éd. Capricci)
People magazine, novembre 2016
VSD, mars 2006
Vanity Fair, décembre 2018
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