La méthode Smith

Derrière la star fédératrice, certaines zones d’ombre subsistent. Retour sur le parcours d’un (ultra) perfectionniste plus complexe qu’il n’en a l’air.

Par Sylvain Monier

1999 

Will Smith, 31 ans, vient de placer une série de gros hits au box-office qui l’ont expédié au firmament. A ce moment-là, rien ne semble pouvoir stopper la trajectoire optimale de cette nouvelle super-star afro-américaine dans la lignée d’Eddie Murphy ou Denzel Washington. Fort logiquement, Will Smith reçoit de multiples scénarii dont un qui porte le titre de Matrix. « Sur le papier, l’histoire d’un monde dirigé par des robots m’est passée carrément au-dessus de la tête. J’ai préféré faire Wild Wild West. Quel instinct ! » ironisait-il en juin 2019 en se souvenant du flop critique et public que fit l’adaptation ciné singulièrement peu inspirée de la série Les Mystères de l’Ouest.

La leçon sera assimilée et enregistrée. Trois ans plus tard, le comédien mettra tout le monde d’accord avec Ali (de Michael Mann) qui lui vaudra une nomination aux Oscars. Tel est Will Smith : un compétiteur doublé d’un charmeur qui ne fait jamais deux fois la même erreur.

1985 

Depuis tout petit, ce natif de Philadelphie (Pennsylvanie) a toujours adoré jouer le « nice guy » de service. Au lycée, ses potes surnomment « Prince charming » (« Le Prince charmant ») du fait de sa capacité à user de son sourire enjôleur pour contrecarrer les réprimandes de ses professeurs.

Des réprimandes plutôt rares cependant tant Will se révèle un élève travailleur et brillant. Au terme de sa terminale, il est sur le point d’intégrer le prestigieux MIT de Boston (Massachussetts) seulement voilà l’adolescent a découvert Eddie Murphy dans Le flic de Beverly Hills (de Martin Brest), et il s’est lié d’amitié avec un certain Jeffrey Allen Townes, alias « Jazz ». Les deux potes sont férus de hip hop et ont décidé de se lancer sous l’appellation DJ Jazzy Jeff& The Fresh Prince – on vous laisse deviner qui incarne le « Fresh Prince » du duo…

« Quand j’ai quitté l’école pour me lancer dans le rap, elle ne s’en est pas remise. »

Maman Smith, professeure de son état, est pétrifiée de voir son fils se lancer dans le show-biz : « Quand j’ai quitté l’école pour me lancer dans le rap, elle ne s’en est pas remise. », relatait-il en octobre 2019. Elle va vite s’en remettre. Avec leur hip hop bien sous tous rapport (aux antipodes du gangsta qui sévissait à ce moment-là), Jazzy et Fresh King occupent les ondes et Will gagne son premier million de dollars avant l’âge de 20 ans. « J’ai tout claqué aussi sec : des villas, des fringues, des bijoux… Ça va très vite ! Quel crétin ! »

Le Fisc américain lui tombe dessus mais son rôle dans la sitcom Le Prince de Bel-Air (NBC) en 1989 lui sauvera alors la vie. Le cash engrangé durant ces années remboursera les impôts tout en lui octroyant une immense popularité qui lui ouvre les portes d’Hollywood.

1995 

A la première de Bad Boys (de Michael Bay). En bas du red-carpet du Cinerama Dome de Sunset Boulevard à Los Angeles, Will Smith, le sourire enjôleur de rigueur, répond aux questions des journaliste. Dans ses bras, il y a Trey, son fils de deux ans qu’il a eu avec Sheree Zampino et dont il est fraîchement divorcé.

Il ne va pas être déçu. Bad Boys fera un carton et Will passera du prince de Bel-Air à roi du box-office.

Ce soir-là, notre papa solo joue gros : il sait que la suite de sa carrière dépend de cette comédie d’action héritière du Flic de Beverly Hills, son film culte qu’il aimait tant quand il avait 18 ans. Il ne va pas être déçu. Bad Boys fera un carton et Will passera du prince de Bel-Air à roi du box-office. Grâce à un paquet de blockbusters aujourd’hui dispensables, les années 90 seront siennes, Will gérant sa carrière comme un guerrier discipliné en bon fils de militaire qu’il est : « Mon père était dans l’U.S. Air Force. Sous sa férule, je filais doux. Je faisais mon lit au carré et je saluais le drapeau américain chaque matin. » La star alterne les alors d’épais pop-corn movie (Independance day, Men in Black…), entre deux films plus prestigieux (Ali, La légende de Bagger Vance de Robert Redford), il touche désormais des cachets à 28 millions de dollars mais il ne réitère pas son erreur d’antan.

En mars 2007, Will Smith et son associé figurent en couverture du magazine Black Enterprise car ils sont classés troisième de la liste des cinquante Afros-Américains les plus influents d’Hollywood.

Cette fois, il ne claque pas tout dans les fringues et les bagnoles mais monte sa propre boîte de production. Résultat : En mars 2007, Will Smith et son associé figurent en couverture du magazine Black Enterprise car ils sont classés troisième de la liste des cinquante Afro-Américains les plus influents d’Hollywood.

Côté vie privé, Will a épousé l’actrice-chanteuse Jada Pinkett en 1997 avec qui il a eu Jaden et Willow. « Une famille du bonheur » qu’il s’escrime à mettre en avant… afin de mieux peaufiner son image de bon père de famille au sourire enjôleur ? C’est en tout cas ce que certains commencent à lui reprocher : son côté too much qui dissimulerait un envers du décor peu reluisant.

Des rumeurs courent dans les années 2010 : « Will est un faux cool qui serait odieux dans le privé » ou « Jada et Will forment un couple power libertin » ou encore « Jada et Will sont des bargeots sous l’emprise de la scientologie »… Bref, son côté « Mr Nice guy » fatigue et suscite la suspicion : et si le héros de I, Robot (d’Alex Proyas) était en réalité un « Terminator black » ? Une machine hollywoodienne sans aspérité ? Pour Smith, il est devenu urgent de rectifier le tir.

2016

L’acteur est en plein promo de Beauté cachée (de David Frankel) dans lequel il incarne un publicitaire qui sombre dans la dépression après avoir perdu sa fille d’un cancer. Un scénario qui fait écho à sa vie privée puisque son père est décédé du même mal cette année-là. Il n’hésite d’ailleurs pas à évoquer cela aux journalistes sur le mode interview-vérité qu’on ne lui connaissait pas. Sincère ou manipulateur ? A voir… Depuis lors et l’âge avançant, il choisit en tout cas mieux mieux ses rôles pour faire oublier la superstar au sourire ultra-brite.

C’est ainsi qu’il incarne avec une grande habilité Richard Williams dans La méthode Williams

C’est ainsi qu’il incarne avec une grande habilité Richard Williams dans La méthode Williams (de Reinaldo Marcus Green, actuellement au cinéma), le père controversé de Venus et Serena Williams, véritable éleveur de championnes. Un personnage complexe, manipulateur, audacieux un peu barge. Là encore un rôle qui fait écho à la vie privée de Will qui est lui-même un éleveur de stars avec ses deux gamins qu’il met sans cesse en avant avec plus ou moins de réussite du reste.

Il y a deux ans, dans le très bon thriller SF Gemini Man (d’Ang Lee), Will Smith, 50 ans, opérait un face-à-face avec un clone robotique de lui-même alors âgé de 20 ans. Outre la performance technologique bluffante du dispositif, comment ne pas voir une allégorie de son image passée par rapport à celle d’aujourd’hui ?

2022 (flash foward) 

A 54 ans, Smith ne pense plus qu’à une chose même s’il ne l’avouera jamais à la presse : choper l’oscar qui lui a (injustement) échappé pour Ali. Et pour ce faire, Will a un plan : Emancipation d’Antoine Fuqua dans lequel il incarne Gordon, un esclave de Louisiane qui en 1860 s’échappe d’une plantation.

Un scénar labellisé (woke et based on a true story) en forme d’arme fatale. L’ex-man in black lançant un défi à une academy awards sous pression face à la communauté afro-américaine… A 54 ans comme à 20, Will Smith ne commet jamais deux fois la même erreur.

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