Robert Pattinson : un Anglais patient

Photo de couverture : © Andrea Raffin / Shutterstock

L’ex-idole pour ado est à l’affiche de The Batman de Matt Reeves. De Twilight à The Batman avec entre les deux, une décennie de films indépendants, retour sur le beau parcours avec pas mal de détours de Robert Pattinson.

Par Sylvain Monier

Cet instant où Robert Pattinson est devenu une singularité à Hollywood : un homme bafoué. On est en juillet 2012, et l’hebdomadaire US Weekly balance un gros scoop : Kristen Stewart, l’actrice avec qui il forme depuis le couple le plus « so cute » du circuit, le trompe avec Rupert Sanders, le réalisateur de Blanche-Neige et le chasseur. Une incartade qui selon l’expressions désormais consacrée « enflammera les réseaux sociaux ».

Tout un chacun prenant peu ou prou parti pour ce « pauvre Robert » humilié publiquement par sa petite amie « so nasty ». Donald Trump, pas encore président mais déjà ultra-compulsif sur Twitter, se fendra de plusieurs missives façon coach plutôt cash — le contraire eut été étonnant. Morceaux choisis : « Robert Pattinson ne devrait pas reprendre Kristen Stewart. Elle l’a trompé comme un chien et le refera… vous verrez. Il mérite mieux » ; « Tout le monde sait que j’ai raison. Robert Pattinson devrait plaquer Kristen Stewart. Dans quelques années, il me remerciera. Sois intelligent, Robert » ; « Robert Pattinson fait bonne figure pour la sortie du nouveau Twilight. Il a suivi mes conseils à propos de Kristen Stewart… J’espère ! ».

Ce délire autour de sa vie privée, l’acteur refuse encore aujourd’hui d’en parler.

On ignore si Pattinson avait en ces temps troublés suivi les conseils conjugaux de « coach Donald ». Mais un an après cette affaire, le couple de stars finira par exploser. Ce délire autour de sa vie privée, l’acteur refuse encore aujourd’hui d’en parler. En bon sujet de Sa Majesté, le Britannique est un adepte de l’adage « never explain, never complain », en éludant toute question qui aborderait le sujet. L’acteur se méfiant de ce statut de superstar qu’il n’a jamais vraiment assumé. « Quand on est célèbre, on se sent parfois extrêmement isolé. A force d’être observé à la loupe, dans toutes ses failles, on s’écroule. », expliquait déjà le comédien à Paris Match en novembre 2011.

Il faut dire que notoriété lui est tombée dessus sans crier à gare. Avant d’être choisi pour le rôle d’Edward dans Twilight, cela faisait trois ans que Rob était un acteur au chômage, vaguement loser, vaguement glandeur, qui envisageait de lâcher l’acting pour se reconvertir dans la musique.

Né à Barnes dans la banlieue londonienne le 13 mai 1986, Robert Pattinson a appris le piano à 5 ans et s’est initié à la guitare classique à l’âge de 7 ans. Rob vit une enfance cotonneuse dans un cadre gentiment bourgeois : son père exporte des voitures de luxe vintage aux Etats Unis tandis que sa mère travaille dans une agence de mannequin.

« Quand j’ai commencé ma carrière de mannequin, j’étais plutôt grand et j’avais l’air d’une fille… »

Le petit Rob a deux grandes sœurs, Elizabeth et Victoria qui adorent le déguiser en fillette qu’elles baptisent « Claudia ». Ce look androgyne lui permet de démarrer, via sa mère, une expérience de modèle dès l’âge de 12 ans. « Quand j’ai commencé ma carrière de mannequin, j’étais plutôt grand et j’avais l’air d’une fille, alors j’ai eu pas mal de boulots parce qu’à l’époque le look androgyne était vraiment à la mode. Ensuite je suppose que je suis devenu trop masculin et je n’ai plus eu aucune offre. J’ai eu la pire carrière de mannequin ! », résume-t-il à New York Magazine en 2009.

Le jeune homme se tourne alors vers la comédie, apprend le métier à la Barnes Theatre Company où il enchaîne les pièces shakespeariennes et quelques téléfilms. En 2004, il décroche un rôle dans le film Vanity Fair de Mira Nair avec Reese Witherspoon mais se verra coupé au montage final. C’est pourtant grâce à cette expérience qu’il intègre le casting de Harry Potter et la Coupe de feu en 2005. Il se fait remarquer, Times Online voit en lui « la star anglaise de demain » et certains critiques le considèrent instantanément comme le « nouveau Jude Law ».

« J’étais persuadé que le cinéma, c’était derrière moi ! »

Sa carrière est désormais lancée ? Pas vraiment car il ne trouvera aucun boulot pendant trois ans. « J’étais persuadé que le cinéma, c’était derrière moi ! Un de mes agents, aux Etats-Unis, m’a contacté et m’a parlé de Twilight. J’y suis allé sans espérer quoi que ce soit. J’étais tellement nonchalant que je me demande encore comment j’ai décroché le job ! » (Public, septembre 2017).

Ce sex-appeal nonchalant deviendra alors sa marque de fabrique qui fera se pâmer et hurler les fans du monde entier. Mais après 4 ans d’hystérie Twilight, Robert Pattinson décide d’opérer un virage low-fi à sa carrière et sa vie privée. Pour cela, il participe à des projets de films qui n’auraient jamais été financés s’il ne figurait pas au casting.

Il se tourne alors vers le cinéma d’auteur en s’échinant à lutter contre son image de sex-symbol. Il passe alors du statut de poster-boy à celui d’acteur branché et crédible, surtout. Ses interviews, il les mène dans des bars ordinaires, sans attachés de presse ou bodyguard. A Los Angeles, il roule en pick-up, écume les parkings, les stations-service et les centres commerciaux – « parce qu’on n’a pas d’équivalents en Angleterre » (Le Nouvel Observateur, septembre 2017).

« La dernière fois que je suis venu en France, Michel Houellebecq m’a proposé d’aller boire un café… Mais je n’y suis pas allé ! J’ai eu la trouille ! »

Il trouve dans ces endroits, supposément neutres et mornes, une forme de poésie urbaine. Il est d’ailleurs fan de Michel Houellebecq. « La dernière fois que je suis venu en France, il (Michel Houellebecq NDLR.) m’a proposé d’aller boire un café… Mais je n’y suis pas allé ! J’ai eu la trouille ! Je n’avais pas lu La Carte et le Territoire, et je me suis dit que ce n’était pas correct. », (Grazia en novembre 2012) confesse ce grand lecteur, admirateur par ailleurs de Martin Amis, dont il a découvert Money, money à l’âge de 15 ans et qu’il a lu une bonne centaine de fois depuis.

Pendant dix ans, il va se peaufiner une filmographie classe et aux petits oignons : deux films de David Cronenberg (Cosmopolis  2012, et Maps to the stars  2014)). Quand le cinéaste canadien l’appelle en 2011, il saute de joie avant de se sentir saisi par la peur. Les méthodes d’approche de Cronenberg étant très différentes de ce qu’il avait pu connaître auparavant. « David ne fait aucune répétition. Quelques jours avant le tournage, je lui ai téléphoné : “Est-ce que ce ne serait pas bien qu’on en parle, au moins ?” Il m’a dit : “Oh, non, ne t’en fais pas. Ça va venir tout seul.”» (Libération, mai 2012).

L’année précédente, il brisait son image de sex-symbol en incarnant un loser dans un New York non gentrifié filmé par les frères Safdie.

Tout viendra tellement tout seul que les années 10 seront celles de l’émancipation pour le comédien. Celles qui lui permettront d’apprendre son métier devant la caméra des plus grands : Werner Herzog (Queen of the desert 2015), James Gray (The Lost city of Z 2017) ou encore le film de S.F. signé Claire Denis High Life en 2018. L’année précédente, il brisait son image de sex-symbol en incarnant un loser dans un New York non gentrifié filmé par les frères Safdie (Good Time).

Plus récemment en 2019, il s’essayait à un film quasi-expérimental de Robert Eggers (The Lighthouse) pour un résultat qui clive : chef-d’œuvre pour certains, foirade pour d’autres… Reste que Pattinson confirme son goût pour les choix radicaux.

Il avoue s’inspirer de Jean-Paul Belmondo, Jack Nicholson et exige la même marque de lunettes de soleil que Jean-Luc Godard dans les sixties.

Pourtant après ces années de discrétion, Robert Pattinson, 34 ans désormais, semble de nouveau prêt pour retrouver la pleine lumière. Il a, en effet, accepté d’être le nouveau Batman dont la sortie est prévue pour 2021 et il tient l’affiche de ce qui semble être le blockbuster de l’été 2020 : Tenet de Christopher Nolan.

Côté image, l’Anglais soigne son look lui qui jadis eut la réputation de post-ado à l’hygiène douteuse. Il avoue s’inspirer de Jean-Paul Belmondo, Jack Nicholson et exige la même marque de lunettes de soleil que Jean-Luc Godard dans les sixties. Il vient par ailleurs de tourner un autre film avec Claire Denis. Le nouveau Batman est un bobo.

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