2010-2019 : 10 ans de « Made in France » !

Trop souvent dénigrée, on aurait tort de penser que la production française ne soit que comédies grasses ou à l’inverse, inaccessible ou élitiste. Année par année, de Jacques Audiard à Arnaud Desplechin, en passant par Albert Dupontel, voici une décennie subjective mais qualitative de dix films bien de chez nous.

Par Tramber

2010 – Gainsbourg (Vie héroïque)

Film français de Joann Sfar avec Eric Elmosnino et Lucy Gordon

Le pitch : une exploration de la vie de Serge Gainsbourg, du jeune Lucien Ginsburg dans le Paris occupé des années 1940, jusqu’au poète, compositeur et chanteur célébré dans le monde entier.

Gainsbourg (Vie héroïque) est la première réalisation de l’auteur de la bande-dessinée Le Chat du Rabbin. Joan Sfar ne signe pas ici un biopic classique, il y amène tout son univers BD ainsi que des marionnettes, notamment pour l’avatar de Gainsbourg lui-même. Original et émouvant, le long-métrage tape dans le mille en séduisant à la fois les fans du chanteur et les cinéphiles.

L’anecdote : ce sont d’abord Charlotte Gainsbourg et Mathieu Amalric qui ont été pressentis pour tenir le rôle principal, Sfar jetant finalement son dévolu sur Eric Elmosnino, quasiment méconnu à cette époque.

2011 – Polisse

Film français de Maïwenn avec Karin Viard et JoeyStarr

Le pitch : le quotidien des policiers de la Brigade de Protection des mineurs, des simples arrestations de pickpockets mineurs aux auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, en passant par les dérives de la sexualité chez les adolescents.

Avec Polisse, Maïwenn, qui signe là, son troisième long-métrage après Pardonnez-moi en 2006 et Le Bal des Actrices en 2007, va attirer plus de deux millions de spectateurs. On y découvre un JoeyStarr méconnaissable, qui on peut le dire, n’a pas renouvelé cette performance par la suite jusqu’à maintenant. A la limite du documentaire, le film immerge totalement le spectateur et l’amène à des émotions où se mêlent la tristesse, la douleur, mais également le rire. Polisse obtiendra le Prix du jury à Cannes et trois César.

La déclaration : « Ce film je l’ai écrit pour lui. Il a été mon moteur et ma muse. De plus, j’avais envie de le surprendre, et qu’il soit fier de moi. Et puis, j’avais le sentiment que je ne m’étais pas servie suffisamment de son potentiel sur Le Bal des Actrices. » Maïwenn à propos de JoeyStarr.

2012 – De Rouille et d’os

Film français de Jacques Audiard avec Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts

Le pitch : Ali est hébergé par sa sœur avec son fils de 5 ans. Il va alors rencontrer Stéphanie dont il va tomber amoureux alors que tout les oppose. Stéphanie est dresseuse d’orques au Marineland. Il faudra que le spectacle tourne au drame pour qu’un coup de téléphone dans la nuit les réunisse à nouveau. Quand Ali la retrouve, Stéphanie est tassée dans un fauteuil roulant : elle a perdu ses jambes et pas mal d’illusions.

Adaptation du roman Un Goût de Rouille et d’Os de Craig Davidson, et au-delà de l’impeccable réalisation de Jacques Audiard, le long-métrage est surtout porté par les performances exceptionnelles de Matthias Schoenaerts et Marion Cotillard, comédienne déjà confirmée, mais qui se révèle avec ce film, comme une très grande actrice. Le film remportera quatre César dont celui de Meilleur espoir masculin pour Schoenaerts.

L’anecdote : Craig Davidson est le deuxième auteur américain que Jacques Audiard adapte, après Teri White, qu’il avait également adapté pour son premier film, Regarde les Hommes Tomber en 1994. 

2013 – La Vie d’Adèle – Chapitre 1&2

Film français d’Abdelatif Kechiche avec Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos

Le pitch : À 15 ans, Adèle, en plein existentialisme, va voir sa vie basculer le jour où elle va rencontrer Emma, une jeune femme séduisante aux cheveux bleus, qui lui dera découvrir le désir et lui permettra de devenir adulte. Face au regard des autres Adèle va grandir, se chercher, beaucoup se perdre, mais se trouver.

Génie pour les uns et escroc pour les autres, avec La Vie d’Adèle, le controversé Abdelatif Kechiche ne livre pas moins une histoire d’amour lesbienne qu’une chronique cinglante sur les inégalités sociales. Le film reste à ce jour comme un évènement marquant de l’année 2013, et révèlera Adèle Exarchopoulos au grand public.

L’anecdote : le film a plus que suscité la polémique lorsque quelques mois après sa consécration à Cannes, et avant la sortie du long-métrage en salles, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos ont évoqué un tournage atroce et déclaré qu’elles ne souhaitaient pas jouer à nouveau sous la direction d’Abdellatif Kechiche.

2014 – Les Combattants

Film français de Thomas Cailley avec Adèle Haenel et Kévin Azaïs

Le pitch : Arnaud s’apprête à passer un été tranquille avec ses potes. Il va rencontrer Madeleine, qui souhaite s’engager dans l’armée et qui est obsédée par le survivalisme. Elle ne lui a rien demandé, il va la suivre quand même.

Seul long-métrage réalisé par le comédien Thomas Cailley, Les Combattants apporte une sorte de nouveau souffle au cinéma français tant sur le fond irrévérencieux, que sur la forme, notamment grâce à Adèle Haenel et Kévin Azaïs, qui nous offrent une comédie surprenante, hilarante, touchante, originale, et qui se moque totalement de la bienséance. Une bouffée d’oxygène cinématographique.

L’anecdote : afin de réellement coller à la réalité de l’armée, Thomas Cailley a suivi la préparation militaire d’un groupe de jeunes. Une expérience très formatrice pour le cinéaste qui s’est beaucoup référé à ce qu’il avait pu voir ou entendre lors de cette formation.

2015 – Mustang

Film Franco-Turc-Allemand de Deniz Gamze Ergüven avec Güsnes Nezibe Sensoy et Doga Zynep Doguslu

Le pitch : C’est le début de l’été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.

Certes, avec cette production à la triple nationalité, on s’égare du cinéma 100% français, toutefois, en 2015, Mustang, qui représentera la France aux Oscars, aura largement survolé la mêlée en nous emportant avec son habile réalisation d’un thriller à la fois social, tourbillonnant et envoûtant. Une vraie réussite féministe et cinématographique.

L’anecdote : le titre symbolise le cheval sauvage qu’incarnent les cinq héroïnes avec leur tempérament indomptable, libre et fougueux. Leurs chevelures pouvant largement être assimilées à des crinières.

2016 -Divines

De Houda Benyamina avec Oukaya Amanra et Kevin Mischel

Le pitch : dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia a une ambition débordante. Soutenue par sa meilleure amie, elle va se décider à suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.

Avec ce premier film sorti en salles, la réalisatrice et scénariste Houda Benyamina, offre avec Divines, un film coup de poing, brutal, mais qui laisse également toute sa place à la générosité et l’humour. Une première œuvre qui sera récompensée par la Caméra d’or au 69e Festival de Cannes.

La déclaration : « On s’est pris pas mal de fous rires avec Houda quand elle a découvert mes premières propositions. Elle me disait « Mais attends, y a que chez toi qu’on parle comme ça ! » Elle m’a poussé vers quelque chose de plus radical.» a déclaré le scénariste Romain Compingt

2017 – Au Revoir Là-haut

Film français de et avec Alpert Dupontel et Nahuel Perez Biscayart

Le pitch : après le Première guerre mondiale, deux soldats rescapés, l’un dessinateur de génie mais défiguré, l’autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l’entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire.

Tiré du roman éponyme et lauréat du prix Goncourt de Pierre Lemaître, Au Revoir Là-haut est à ce jour, la meilleure réalisation d’Albert Dupontel. Populaire mais spectaculaire, le film nous emporte avec bonheur dans un univers très personnel au cinéaste, entre comédie, tragédie et poésie.

La déclaration : « En plus de mon énorme plaisir de lecteur, je trouvais le livre extrêmement inspirant. J’y ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde, les multinationales actuelles sont remplies de Pradelle et de Marcel Péricourt, sans foi ni loi, qui font souffrir les innombrables Maillard qui eux aussi persévèrent à survivre à travers les siècles. » Signé Albert Dupontel

2018 – Les Chatouilles

Film français d’Andréa Bescond et Eric Métayer avec Andréa Besond et Karin Viard

Le pitch : Odette a huit ans. Elle est passionnée de danse. Mais un jour, un ami de la famille commence à abuser d’elle sexuellement, ce qui change le cours de sa vie. Comment devenir une grande danseuse et se reconstruire ?

Le film est l’adaptation de la pièce interprétée par Andréa Bescond, Les Chatouilles ou la danse de la colère.  L’artiste y racontait notamment les agressions sexuelles subies quand elle était enfant. Viscéral et sensible, Les Chatouilles, à l’inverse du très violent et noir Festen de Thomas Vinterberg, aborde un sujet plus que « touchy » sans jamais être pesant, et tout en y apportant un message de résilience très puissant.

L’anecdote : Les Chatouilles a remporté le César de la meilleure adaptation ainsi que celui du meilleur second rôle féminin pour Karin Viard.

2019 – Roubaix, une lumière

Film français d’Arnaud Desplechins avec Léa Seydoux et Roshdy Zem

Le pitch : À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes…

Arnaud Desplechin est un des plus grands cinéastes français actuel, l’enfant illégitime d’Ingmar Bergman et de la Nouvelle vague, qui cisèle des films exigeants. Inspiré d’un doc, il signe là un grand film pétri d’humanité magnifiquement porté par Roshdy Zem et Léa Seydoux, qui nous prouve une fois de plus, l’éclectisme de son talent.

La déclaration : « Ce qui m’a sans doute tant frappé lorsque je découvrais ces images à l’origine de mon film, ce sont ces visages de femmes. Coupables et victimes. Pour Daoud, le travail de la loi est de faire rentrer dans l’humain ce qui d’abord nous a plongé dans l’effroi. Daoud demande à Claude si son enfant est en foyer. Oui, répond-elle. C’est bien, conclut Daoud. Parce qu’il croit en la loi, au progrès, au pardon. » Arnaud Desplechin

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