Par Denis Brusseaux
Dès qu’un acteur perce, il veut jouer dans TOUS les films. Ça va pas, non ?
Le truc énervant, avec les acteurs qui deviennent star du jour au lendemain, c’est qu’ils ont presque tous le même réflexe de se jeter sur le moindre rôle qu’on leur propose, comme des morts de faim. Du coup, à peine remis du choc de leur découverte, je ne les supporte déjà plus à force de les voir absolument partout. Vous pouvez y aller, ça ne rate jamais, à Hollywood comme en France, c’est toujours la même histoire !
Prenons le cas de Joseph Gordon Levitt, un petit gars talentueux ayant commencé comme enfant-acteur et qui courait les cachets depuis des années lorsqu’il accéda soudain à la reconnaissance grâce à son rôle dans Inception, où il en remontrait, niveau charisme, à Leonardo DiCaprio en personne. Entre deux chutes de camionnette, j’avais été effectivement impressionné par sa gestuelle étudiée et son étrange masque d’impassibilité, qui apportaient de l’élégance à ce film glacial. Au même moment, internet s’excitait pour l’acteur, indice que sa carrière était sur le point de connaitre un sacré tournant.
Le syndrome Renner
Gordon-Levitt attendait cette chance depuis des années, il n’était pas payé des fortunes et les meilleurs rôles lui passaient sous le nez, d’accord. Que la consécration fut l’occasion de rattraper le temps perdu, voilà qui est facile à comprendre. Mais un film par mois, ou presque ! C’est pas un peu trop ?
En prenant les dates de sorties américaines, ça donne sur l’année 2012… Juillet : Dark Knight Rises. Août : Premium Rush. Septembre : Looper. Novembre : Lincoln ! Bon, Gordon Levitt n’est pas encore une superstar et, à l’exception du petit Premium Rush, il partage toujours l’affiche avec de plus grosses vedettes. Sans doute que, sur les conseils de son agent, il cherche à susciter un nouveau buzz sur sa personne pour franchir encore un cap supérieur.
Mais ne risque-t-il pas de banaliser sa propre image, et surtout de frustrer le public à force d’enquiller des rôles sans épaisseur, auxquels il n’apporte pas tant sa patte que ça ? Je le sens ainsi en train de suivre l’exemple de Jeremy Renner, acteur ayant lui aussi longtemps galéré avant d’être découvert dans Démineurs de Kathryn Bigelow, et dont la carrière n’est depuis qu’une succession de machines hollywoodiennes où il joue les second-rôles interchangeables (The Town, Mission Impossible : Protocole Fantôme), réussissant l’exploit d’être le plus insipide des Avengers et de succéder à Matt Damon qui, même absent, lui fait de l’ombre dans Jason Bourne : L’héritage. En à peine trois ans, Jeremy Renner est passé de super-acteur à star en carton.
Nul n’est à l’abri
Outre que ce genre de carrière déçoit un peu le spectateur qui y voit surtout une attitude opportuniste, un autre danger guette la nouvelle star : enchaîner beaucoup de films peut aussi signifier accumuler les bides. Qui trop embrasse mal étreint, dit le proverbe, et un comédien très prolixe, si son instinct le trahit, risque de très vite se retrouver à la tête d’une filmographie sinistrée.
Pour l’instant, Gordon-Levitt et Renner semblent à l’abri, mais bien d’autres avant eux ont disparu corps et bien dans les tréfonds du box-office, à force d’avoir capitalisé sur un prestige insuffisamment consolidé. En France, Samuel LeBihan et Clovis Cornillac ont connu une ascension fulgurante, mais leur état de grâce fut de courte durée.
Des contre-exemples existent : certaines vedettes figurent allégrement dans deux ou trois films par ans mais réussissent à confirmer leur popularité presque à chaque fois. Notre genre-roi étant la comédie, ce sont souvent des humoristes qui, dans l’hexagone, bénéficient de ce traitement de faveur. On pense surtout à Kad Merad, littéralement omniprésent avec environ trente-quatre films en dix ans et ce pic incroyable de huit long-métrages en 2006 !
Peut-être que, même pour lui, le risque d’overdose guette…