Par Mathias Lebœuf
Quatre milliards de dollars, c’est le prix que Disney a payé pour mettre la main sur un autre empire, celui de Star Wars en rachetant Lucasfilm.
Autant dire une paille, quand on sait qu’à elle seule la saga a rapporté plus de 4,4 milliards de dollars dans le monde et que l’ensemble des licences ont généré pas moins de 22 milliards de dollars depuis Star wars, un nouvel espoir, le premier film de la série sorti sur les écrans en 1977. Et il y a fort à parier que cette « cash machine » n’a pas fini de fonctionner. Conjointement au rachat de la licence, Disney s’est empressé d’annoncer la prochaine mise en production de l’épisode 7 qui a vu le jour pour 2015. Ce nouvel opus devait continuer la trilogie initiale et conter la construction de la Nouvelle République après la chute de l’empereur et la mort de son bras armé.
Après Pixar en 2006, et Marvel Entertainment en 2009, Disney avait donc mis dans son escarcelle un nouveau fleuron du divertissement et l’une des sagas les plus lucratives de l’histoire du cinéma. Bien évidemment, à l’époque ce rachat a déchainé les commentaires et illico divisé la communauté des fans de Star Wars. Les mauvais esprits auront vite fait d’imaginer Darth Vader rentrant d’une virée sur la planète Tatouine, sept troopers à sa suite entonnant «Heigh-ho, Heigh-ho, Heigh-ho, on rentre du boulot !». Les caricatures en tout genre ont d’ailleurs fleuri sur la toile montrant le Jedi passé du coté obscur avec des oreilles de Mickey sur son armure ou la célèbre souris en short rouge annoncer au noir commandant des forces de l’empire qu’il est son père, parodiant la célèbre scène de L’empire contre attaque. Mark Hamill, l’interprète de Luke Skywalker, a confié « être sous le choc » après l’annonce de cette absorption.
Déjà des signes en 2010
Pourtant, quelques signes avant coureurs avaient sourdement pointés. En août 2010, le créateur de Star Wars avait posé pour une photo prémonitoire : au parc Disney’s hollywood studio avec un Mickey habillé en tenue de Jedi le prenant par le cou d’une main, un sabro-laser dans l’autre. A leurs côtés, on y voit également Donald en trooper, D2-R2 avec des oreilles de Mickey et, comble du comble, Dingo en Darth Vader. Un casting qui a de quoi faire flipper les puristes !
En 1983 déjà lors du troisième volet de la première trilogie, Le retour du Jedi, certains fans avaient reproché a George Lucas de tirer son space opéra vers le coté gnian gnian de la force avec les petits personnages des Ewok, tout droit sortis de l’univers Disney. Le combat de ces ersatz de Winnie l’ourson contre les AT- ST de l’empire dans la forêt d’Endor en avait fait ricaner plus d’un.
Disney, fonds de pensions
« J’ai toujours été un grand fan de Disney », avait aussi déclaré plus tard George Lucas avant d’ajouter « J’investis dans Disney, c’est mon fonds de pension ». La moitié de la transaction se faisant en transfert d’action, Lucas était devenu en effet le deuxième actionnaire privé de la firme, avec environ 2,2 % du capital du groupe. C’est là toute l’ambigüité d’un homme qui a toujours hésité dans le rôle à tenir : gardien ou marchand du temple qu’il a lui-même créé ?
Jeux vidéo, courts métrages d’animations, bandes dessinées… Lucas a été le premier à autoriser la multiplication des dérivés en tous genres au risque de galvauder sa marque. On peut se demander par exemple dans quelle mesure les figurines de Lego ne dénaturent pas les personnages initiaux tant la forme imposée par le marchand de jouets est lointaine du design initial ? De même, à utiliser sa franchise à toute les sauces, était-il heureux de la mélanger à celle d’un célèbre fast food qui, lors de la sortie de l’épisode 1, a développé une gamme de produit exclusifs ( !) et inscrit sur ses tablettes des menus Star Wars avec au choix, le Jedi Burger ou le Dark Burger ?
Bien conscient de l’émotion suscitée par ce rachat, Disney s’était efforcé de rassurer. Georges Lucas, qui avait déjà pris du champ en plaçant Kathleen Kennedy à la tête de sa société, restera consultant créatif et le studio conservera son entière liberté de création. Disney s’est occupé du reste. Une forme de mise sous tutelle, pour que la force reste avec nous. George Lucas a créé un monde aussi onirique que juteux dont l’héritage n’est pas seulement artistique. En 2012, cela faisait longtemps que l’univers Star wars était en expansion.