Chef-d’œuvre de George A. Romero, Zombie revient en coffret pour une édition définitive, avec des hectolitres de sang en 4K, restauré et des tonnes de suppléments. Définitif.
Par Marc Godin
Une tête qui explose, dans une gerbe de sang, de cervelle et d’os, devant les hurlements d’une foule en délire.
J’ai découvert Zombie (Dawn of the Dead), de George A. Romero, au siècle dernier, probablement en 1978-1979, lors d’une projection mythique au Festival du film fantastique de Paris, au Grand Rex. 2800 spectateurs, debout, hystériques, possédés, hurlant dès qu’un zombie boulotait un figurant ou qu’un Hell’s Angel découpait un mort-vivant en rondelles. Tous ceux qui y étaient s’en souviennent encore !
Punk et mal élevé
Il faut dire que le film de Romero était un électrochoc. Pendant deux heures, Romero faisait pisser le sang, ouvrait les corps, le vidait de ses organes, signait un grand film d’action et d’horreur ou quatre personnages se terrent dans un supermarché pour tenter de survivre aux assauts d’une horde de morts-vivants verdâtres, marchant au ralenti.
George A. Romero signait son chef-d’œuvre, un film définitif, punk et mal élevé qui a changé la face du cinéma d’épouvante.
Dix ans après La Nuit des morts-vivants, George A. Romero signait son chef-d’œuvre, un film définitif, punk et mal élevé qui a changé la face du cinéma d’épouvante, de la pop culture (comme disent les branchouilles) et inspiré des centaines de films, séries ou BD (c’est Robert Kirkman, de Walking Dead, qui lui dit merci). Entre le trip hallucinogène, la transe et la séance de thérapie gore, un voyage au pays des horreurs et des traumas, irrigué par la tripe de Tom Savini, la musique possédée des Gobin et le montage de Dario Argento, qui avait produit cet ovni.
A l’époque, Romero, gros fan de BD d’horreur déclarait. « Zombie, le Jour des morts-vivants et La Nuit des fous vivants m’ont permis de passer mes nerfs sur quelque chose, de soulager mes instincts meurtriers… Les zombies, c’est de la bande dessinée ! C’est sans doute pour cette raison que ces films sont si libres ; je me suis totalement laissé aller. J’y ai parlé avec mes tripes. Les tourner, c’était de la mise en scène-guérilla, un vrai bonheur. Je faisais ma propre bande dessinée. Je ne les ai pas vraiment abordés sérieusement, intellectuellement parlant. Pour moi, réaliser ces films ne constituait en rien un travail, c’était un exutoire. »
Le « mea culpa » de la presse
Quelques années plus, tard, la presse française, après avoir copieusement vomi sur Romero, a commencé à envisager le film comme une œuvre politique, critique implacable de la société de consommation (oui, oui, il y a même un zombie qui pousse un caddie, c’est un signe).
« Le succès de La Nuit des morts-vivants m’a paralysé pendant plusieurs années. Je ne me voyais pas refaire un film de morts-vivants sans avoir un solide arrière-plan politique. » George A. Romero
Ils ont même convaincu Romero qu’il était un Auteur important. Il n’a donc plus jamais signé un aussi bon film et a déclaré sans rire des années plus tard : « Le succès de La Nuit des morts-vivants m’a paralysé pendant plusieurs années. Je ne me voyais pas refaire un film de morts-vivants sans avoir un solide arrière-plan politique. Il a fallu que je découvre un immense centre commercial près de Pittsburgh. J’ai pu le visiter avant l’ouverture au public et j’ai été fasciné par le ballet des camions de marchandises. Je me suis alors dit qu’on pouvait s’amuser avec la folie de la société de consommation. Durant la production de Zombie, j’ai compris que je pouvais faire revenir mes morts-vivants chaque fois que j’avais quelque chose à dire sur les mutations de la société américaine. Une occasion rêvée de m’amuser avec les codes du genre tout en glissant des considérations politiques. Je suis toujours resté fidèle à cette approche. »
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Film gore séminal et/ou critique de la société de consommation, Zombie reste 41 ans plus tard toujours aussi fou, flippant et pertinent. Ca tombe bien, il ressort dans une sublime version 4K restaurée, un coffret 4 Blu Ray, avec la version européenne (montage d’Argento), la version Director’s Cut, une version longue (139 minutes) présentée à Cannes, des tonnes de suppléments, de commentaires et un bouquin de 150 pages l’ami Marc Toullec. On peut même parler d’édition définitive, même si ça coûte quand même près de 70€…
Coffret Zombie – ESC Editions