Agé de 59 ans, le cinéaste sud-coréen Kim Ki-duk est mort de la Covid. Révélé par le stupéfiant L’Ile en 2000, il a été couronné dans les festivals du monde entier : Ours d’argent à Berlin pour Samaria, Lion d’argent à Venise pour l’hypnotique Locataires, le prix Un Certain Regard du Festival de Cannes en 2011 ainsi que le Lion d’or au Festival de Venise en 2012.
Par Marc Godin
Bête de concours, Kim Ki-duk était aussi et surtout un peintre charnel, mystique et cruel dont l’univers mental évoquait celui David Lynch, un franc-tireur, un flibustier du cinéma qui peuplait ses films d’amoureux transis et de psychopathes, dans des œuvres en fusion, entêtantes, qui dégoulinaient de sperme et de sang. Je l’avais rencontré il y a une quinzaine d’années, à Paris, pour son magnifique Printemps, été, automne, hiver… et printemps.
Parlez-moi de votre parcours ?
suis né en 1960, à Bonghwa, en Corée du sud. A neuf ans, je suis arrivé près de Séoul où j’ai étudié dans une école d’agriculteurs. J’ai travaillé en usine, j’ai fait cinq ans de service militaire, dans les Marines, puis j’ai étudié la religion protestante pendant deux ans. En 1990, j’ai débarqué dans le Sud de la France car je voulais être peintre et c’est là que j’ai découvert le cinéma. De retour en Corée, j’ai écrit quelques scénarios et c’est comme cela que j’ai débuté dans le cinéma.
Quand vous étiez en France, quels films vous ont inspiré ?
Le Silence des agneaux et L’Amant de Jean-Jacques Annaud.
Comment résumeriez-vous votre film Printemps, été, automne, hiver… et printemps ?
Même si le personnage principal est un moine et que l’action se déroule dans un temple, ce n’est pas un film bouddhiste ou une œuvre sur la religion. C’est un film sur la vie des hommes, sur ce qu’il y a derrière la religion, la souffrance, la douleur. C’est un film qui essaie de résumer ce qu’est la vie de l’homme, une réflexion sur notre passé et notre futur. J’aimerais que les spectateurs européens voient mon film car je pense vraiment qu’un film peut vous faire voir la vie différemment. Ce n’est pas seulement un film avec de belles images : je veux surtout faire voir à quel point l’être humain est beau. Je pense que c’est un film que l’on peut voir plusieurs fois, que l’on peut découvrir des choses cachées à chaque nouvelle vision.
« Je ne décris pas toutes les femmes. Dans mes films, la femme est un objet de désir charnel. Pour l’instant… »
Comme dans L’Ile, un de vos précédents films, la femme est montrée comme un être tentateur, maléfique ?
Je ne décris pas toutes les femmes. Dans mes films, la femme est un objet de désir charnel. Pour l’instant…
Il y a de nombreuses scènes avec des animaux qui évoquent la façon de filmer, comme un entomologiste, du Japonais Shoei Imamura.
J’aime beaucoup La Ballade de Narayama où hommes et animaux vivent d’une manière très poche. Dans mon film, les hommes et les animaux sont sur le même plan. L’être humain possède maintenant des portables, des ordinateurs, mais je pense pas qu’il soit l’égal des animaux. La technologie nous asservit et nous déshumanise.
Vos films sont formellement beaux. Est-ce que vous vous considérez comme un peintre qui fait de la mise en scène ?
Je ne comprends pas grand-chose à la technique cinématographique. J’essaie simplement d’exprimer tout ce que je ressens.
« En tant que peintre, je n’ai jamais étudié non plus. Pareil pour la mise en scène. Je marche à l’instinct. »
Pourtant vous venez d’obtenir le prix de la mise en scène à Berlin.
En tant que peintre, je n’ai jamais étudié non plus. Pareil pour la mise en scène. Je marche à l’instinct.
Comment vos films sont-ils reçus en Corée ?
Mes films sont des films d’auteur. Je n’ai pas de grandes stars, j’ai de petits budgets. Mais je peux réaliser les films que je veux.