L’écrivaine et traductrice Helen Scott a été la complice de Truffaut tout au long de sa carrière. Dans son nouveau livre, Serge Toubiana raconte l’insistance de Scott pour que Truffaut réalise l’un des films les plus emblématiques de l’histoire.
Tout le monde connait le nom de François Truffaut, un des maîtres de la Nouvelle Vague et du cinéma français tout court. Mais peu de gens connaissent le nom de sa complice de toujours, la romancière et traductrice Helen Scott.
Serge Toubiana, président d’Unifrance, ancien directeur de la Cinémathèque française, et ex-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, vise à éclaircir ça avec son nouveau livre L’Amie Américaine, qui retrace la vie de Scott à New York et Paris, et son rôle clé dans la carrière de Truffaut.
Au sommet de la popularité de Truffaut en 1967, Scott a largement insisté pour qu’il réalise Bonnie & Clyde, mais c’est finalement Arthur Penn qui en sera le cinéaste.
L’histoire de l’implication de Truffaut dans le projet est racontée dans cet extrait exclusif publié par le site Indiewire intitulé L’hypothèse Bonnie et Clyde du livre de Toubiana.
Indiewire explique entre autres qu’Helen Scott, ayant largement participé à la diffusion et à la popularité des films de la Nouvelle Vague aux Etats-Unis, a proposé à François Truffaut de réaliser Bonnie & Clyde, puis que ce dernier a soumis le projet à Jean-Luc Godard.
« Ma première réaction a été de penser qu’il est trop américain pour être réalisé par toi, mais les nombreuses nuances qui s’y prêtent vont si bien à ton talent que cela m’a fait changer d’avis. »
Scott reçoit un jour la première version du scénario, et, trouvant l’histoire captivante, écrit à Truffaut et lui indique « le scénario est parfait pour toi. » Puis elle ajoute : « Ma première réaction a été de penser qu’il est trop américain pour être réalisé par toi, mais les nombreuses nuances qui s’y prêtent vont si bien à ton talent que cela m’a fait changer d’avis. »
Truffaut indique être d’accord pour être le réalisateur du film, mais décline finalement
Indiewire ajoute également que la scénariste Eleanor Wright-Jones, qui a signé la première version, était emballée à l’idée que Truffaut soit à la réalisation et a souhaité que le cinéaste ait un contrôle artistique total sur le film. Après avoir lu le scénario, traduit en français par sa monteuse Claudine Bouché, Truffaut indique être d’accord pour mettre en scène le film, mais décline finalement au profit de l’adaptation du bouquin de Ray Bradbury Farenheit 451, qui sortira en 1966.
Mais Truffaut ne laisse pas son amie et collaboratrice repartir bredouille et propose à Eleanor Wright-Jones de collaborer avec Jean-Luc Godard, en lui écrivant : « J’ai pris la liberté de le faire lire à mon ami Jean-Luc et lui aussi a beaucoup aimé le scénario. Il fait beaucoup plus de films que moi car il est très rapide à tous les stades : préparation, tournage, touches finales. Je ne sais pas si vous aimeriez qu’il réalise ce film. Je suis convaincu qu’il serait l’homme parfait pour ce travail. Il parle couramment l’anglais et il pourrait vous faire une sorte d’A bout de souffle américain ».
« Je vous parle de cinéma et vous me parlez de temps »
Godard rencontre alors Robert Benton, le coscénariste du film, ainsi que l’un des producteurs, mais lorsque l’un de ces derniers lui demande : « Savez-vous que le film doit être tourné cet été ? », Godard, désirant tourner le film en hiver, se lève et répond : « Je vous parle de cinéma et vous me parlez de temps ». Une réponse définitive qui mettra un terme à une l’éventuelle collaboration avec le cinéaste français.
C’est donc Arthur Penn qui réalisera Bonnie & Clyde, avec Warren Beatty et Faye Dunaway et le succès qu’on lui connaît. Plus tard, Godard lui-même admettra à Truffaut que, « de tous les scénarios que j’ai refusés ces cinq dernières années, Bonnie & Clyde était de loin le meilleur ».
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