Révélé, aux côtés de Renée Zellweger, dans Massacre à la tronçonneuse : La Nouvelle génération, Matthew McConaughey a depuis fait du chemin, décroché un Oscar, est apparu dans la série culte True Detective, et multiplié les succès… comme les échecs. Il revient en gangster hyper-classe dans The Gentlemen de Guy Ritchie. Entretien.
Propos recueillis par Jean-Pascal Grosso
En quoi l’Oscar du meilleur acteur pour Dallas Buyers Club, en 2014, a-t-il bouleversé votre vie ?
Après l’Oscar, à Hollywood, les gens se sont mis à me répondre « Oui » bien plus rapidement qu’ils ne le faisaient avant. Le succès pose sur vous un éclairage neuf, ce qui vous ouvre professionnellement la voie à d’autres opportunités. Ce serait intéressant que les décideurs de Hollywood analysent la situation. Pas seulement pour moi, ni les autres acteurs, mais pour eux aussi. Il m’est arrivé parfois de ressentir de la frustration sur certains tournages. Je donnais mon avis et je m’entendais répondre : « Tu as peut-être raison, mais ce n’est pas ton rayon. » Et la plupart du temps, il s’est avéré que je n’avais pas eu tort la ramener ! Aujourd’hui, les gens écoutent avec plus d’attention mon opinion.
Vous êtes passé de beau gosse du grand écran à un des acteurs les plus sollicités par les grands noms du cinéma américain. N’avez-vous jamais été gagné par une forme de cynisme ?
Au contraire, je deviens de plus en plus optimiste. C’est dans ma nature. Je ne garde aucune rancœur. Bien sûr que je suis passé par des moments un peu « rocambolesques » dans ma carrière, mais en prenant de l’âge, j’ai envie de garder le meilleur. Sans être non plus naïf, je veux avoir une vision positive du monde qui m’entoure.
« Si je devais redevenir un outsider, cela ne changerait rien à mon état d’esprit. »
Vous avez débuté en 1993. Comment gardez-vous intact l’intérêt après toutes années ?
Je suis acteur mais surtout un acteur qui travaille. Une vraie chance. Il faut comprendre que réussir dans ce métier est un très long cheminement à la destination imprécise. Et j’ai l’impression de n’avoir avancé qu’un tout petit peu. Je ne suis même pas certain que cela dure éternellement. Si je devais redevenir un outsider, cela ne changerait rien à mon état d’esprit. Je sais très bien comment me contenter : aller au boulot et le faire bien sans jamais m’inquiéter du résultat. Ça ne m’a pas trop mal réussi jusqu’à présent.
Vous êtes natif d’Uvalde au Texas. Qu’est-ce qu’il y a de plus « texan » en vous ?
Un sens développé de l’individualisme et une confiance en soi viscérale et assumée. Ce n’est pas simple tous les jours la vie là-bas : le temps, la nature, les événements… Nous, Texans, nous avons appris à nous adapter à toutes les situations. Nous en tirons de la fierté, de l’honneur même. C’est un état dur, sauvage. Lorsqu’il y a le moindre incendie là-bas, ce sont à chaque fois des milliers d’hectares qui partent en fumée. Alors, pas question de se lamenter. On affronte la situation vaille que vaille…
Pourquoi Hollywood semble-t-il tant mépriser le sud des États-Unis ?
C’est vrai qu’au cinéma, certains préjugés ont la part belle. Regardez la question du racisme : il n’y en a pas moins au nord que partout ailleurs dans le pays. Seulement, on le traite moins à l’écran, la presse en parle moins… Il y a bien évidemment le poids du passé, un lourd héritage qui fait que le Sud traîne encore une réputation infernale. Pourtant, c’est chez ses habitants que vous trouverez la plus belle part d’humanité, un sens de l’humour hilarant, une symbiose étonnante avec la nature et un courage face à l’adversité comme nulle-part ailleurs en Amérique !
On l’a un peu oublié aujourd’hui mais vous étiez un des acteurs attitrés des comédies romantiques : Comment se faire larguer en 10 leçons (2003), Playboy à saisir (2006), Hanté par ses ex (2009)… Aucun regret ?
Au contraire, j’ai pris beaucoup de plaisir à à les faire, sincèrement. Ce n’est pas toujours un exercice facile : sur qui ou quoi baser votre travail ? Comment construire votre personnage ? Il faut bosser double pour ce genre de film parce que vous n’a rien à quoi vous raccrocher. Votre propre expérience ? Cela donne à peine de quoi tenir dix minutes à l’écran…
« Je me souviens du choc à la première lecture du scénario d’Interstellar. J’étais électrisé. »
Quel souvenir gardez-vous de votre collaboration avec Christopher Nolan sur Interstellar en 2014 ?
Lorsque vous tournez avec Christopher, en tant que comédien, il faut vous attendre à d’énormes répercussions sur le plan publique et médiatique. Après la série des Batman, Interstellar restera, je pense, un des films les plus ambitieux et personnels de sa carrière. Pour moi, ça a été une expérience extraordinaire. Je me souviens du choc à la première lecture du scénario. J’étais électrisé.
Comment vous sentez-vous à Hollywood ?
Je pense que les poids des médias était moins oppressant à l’époque de John Wayne, de James Stewart. Aujourd’hui, il suffit d’un claquement de doigt pour qu’un type « in » devienne subitement « out », sans même que vous sachiez ce qu’il a fait vraiment. Il y aura toujours des phénomènes, des petits nouveaux, des « révélation du mois »… Pour tenir dans ce métier, il y a aussi une chose dont personne ne parle et qui néanmoins est primordiale : il faut posséder un don inné. Il y a des gens qui ont du talent mais qui n’ont pas réussi à percer. D’autres qui en était dépourvu, mais qui y sont parvenus. Pourquoi ? Parce que tous avaient cet inexplicable petit « truc » en plus…
Qu’avez-vous dû sacrifier pour devenir acteur ?
L’anonymat. L’anonymat est essentiel pour être un bon acteur. Plus vous êtes célèbre, plus le monde devient votre miroir. Mais un miroir déformant : ce que le monde renvoie de vous n’est fondamentalement pas ce que vous êtes réellement dans la vie. Je m’explique : je rencontre de plus en plus difficilement de personnes pour qui je suis totalement étranger. Je prends exemple sur vous : vous êtes venu à moi avec des questions précises. Vous savez beaucoup de choses à mon sujet, mais moi, j’ignore tout de vous. Avez-vous des enfants ? Où êtes-vous né ? C’est pour ça que je continue à faire mon sac pour partir dans des endroits reculés, là où je croise des gens qui ne me reconnaissent pas, qui ne savent rien de moi, aux yeux desquels je suis un simple quidam. Ils renvoient de moi une image tout-à-fait différente.
« Un beau couteau de cuisine, un bon verre de vin rouge et je suis un homme heureux. »
Vous aviez fait des études de droit avant de choisir le métier d’acteur. Auriez-vous aimé devenir avocat ?
J’étais un garçon très idéaliste à l’époque… Finalement, un procès, c’est une pièce de théâtre. Les avocats sont des comédiens. Ils vous racontent une histoire, selon les points de vue de la défense ou de la partie civile. Vous imaginez un avocat donnant une mauvaise représentation ? Son client est fichu ! Dans la vie ou à la télévision, beaucoup de gens ont pu voir des procès. Et comment réagissent-ils lorsqu’un avocat leur déplaît ? Comme avec un acteur. Ils soupirent : « Qu’il est mauvais ! »
Votre luxe dans la vie ?
Je pourrais vous répondre que, de temps en temps, j’aime voyager en jet privé. J’ai des enfants en pleine santé, ce qui n’est pas le cas de tous les enfants malheureusement, alors je considère également cela comme un luxe. Sinon, matériellement parlant, je n’aime pas empiler, emmagasiner. Un beau couteau de cuisine, un bon verre de vin rouge et je suis un homme heureux.
Quel est le pire travail que vous avez dû faire avant de devenir acteur professionnel ?
Pelleter de la merde dans une ferme d’élevage de cochons en Australie.
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