Ewan McGregor : « Je n’ai aucune limite dans mon travail. »

Avec Doctor Sleep, le comédien écossais et sur-actif relève le défi casse-gueule d’une suite à Shining, le chef-d’oeuvre de Stephen King adapté par Stanley Kubrick en 1980. Entretien avec Ewan McGregor, un vrai casse-cou du grand écran !

Par Jean-Pascal Grosso

Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter un projet aussi surprenant que Doctor Sleep ?
A la base de tout, il y avait le roman initial de Stephen King, aussi le film de Stanley Kubrick. Et puis, il y a l’idée de ce personnage qui, devenu adulte, a littéralement touché le fond. C’était pour moi l’occasion d’explorer un personnage en sevrage alcoolique ; ce que je n’avais jamais fait auparavant. Une expérience passionnante.

Êtes-vous lecteur de Stephen King ?
J’ai lu certains de ses romans. Celui dont je me souviens le mieux, c’est Christine, que j’avais découvert à l’époque où j’étudiais le théâtre. Pour être franc, je ne goûte pas trop au fantastique ou à l’horreur. Je n’ai donc pas vu non plus beaucoup d’adaptations de ses livres. Doctor Sleep, j’ai beaucoup aimé. Je l’ai lu après avoir fini le scénario. Ensuite, je me suis penché sur Shining qui m’a également captivé. C’est incroyable pour un acteur d’avoir un tel matériel afin de préparer son rôle.

Comment s’est déroulé le tournage avec Mike Flanagan ?
Lors de notre première rencontre, il était occupé au montage de sa série The Haunting. Je pense qu’il a écrit le scénario de Doctor Sleep en même temps qu’il en tournait les épisodes. Mike ne s’arrête jamais. Ou alors, c’est qu’il dort très peu. C’est un metteur en scène plein de fulgurances. Il possède un don de conteur doublé d’un solide sens du découpage. Et puis se retrouver dans les décors de l’Hôtel Overlook, c’est une expérience vraiment étonnante.

Danny, l’enfant de Shining a bien grandi. Vous l’interprétez donc adulte. Et vous, quel souvenir gardez-vous de votre enfance ? Vous sentiez-vous « à part » ?
Pas vraiment. J’avais ma personnalité mais j’étais de nature curieuse. J’adorais la musique, par exemple. C’est à l’école que j’ai appris à jouer de plusieurs instruments et que je me suis forgé une culture musicale. Il y avait aussi des pièces de théâtre montées par des classes de temps à autre. Mais je n’y participais jamais. J’étais très orgueilleux, à l’époque, voyez-vous. Elles n’étaient pas assez « sérieuses » à mes yeux…

« Je viens d’un coin où, généralement, on devient plus fermier que comédien. »

Le choix de devenir comédien vous est-il venu naturellement ?
Je viens d’un coin où, généralement, on devient plus fermier que comédien. Mon père y a passé toute sa vie. Il enseigne dans l’école où il a passé toute sa jeunesse. C’est un très bel endroit où grandir. Mes parents m’ont toujours soutenu dans mon désir de devenir comédien. Ils n’étaient pas particulièrement progressistes mais ils ont vite compris que cette passion était sincèrement ancrée en moi, que ce n’était pas un caprice.

Jusqu’où seriez-vous capable d’aller, Ewan McGregor?
J’aime bien penser que je n’ai aucune limite dans mon travail. Que ce soit au théâtre, au cinéma, sur les planches, à la télévision. J’accepte même les publicités ! Géographiquement, je trouve que cela aurait été dommage que je me cantonne à la Grande-Bretagne. Un jour, je me suis dit : « Puisque les comédiens américains ne se gênent pas pour jouer des Britanniques, alors, pourquoi pas le contraire ? » Je ne suis pas un acteur écossais, ni un acteur britannique, ni un acteur européen. Je suis un acteur, tout simplement.

Vous pouvez jouer, danser, chanter… Que ne savez-vous pas faire ?
Je ne suis pas très doué en langues. J’ai été marié plus de vingt ans à une Française et je suis incapable de tenir une discussion en français. Ce n’est pas très reluisant !

Vous vous rapprochez du cap de la cinquantaine. Aucune angoisse ?
Je ne pense pas avoir beaucoup changé et, en même temps, c’est avec la quarantaine que j’ai réellement pris conscience de mon âge. J’ai fait une sorte de bilan. Un soir, je regardais les informations et je me suis dit, en voyant les politiciens, les policiers, les sportifs, les experts interviewés : « Purée, en fait, je suis plus vieux qu’eux ! » C’est la toute première fois que ça m’arrivait.

« J’aimerais bien retravailler avec Ridley Scott. »

Vous tournez généralement deux à trois longs-métrages par an. Êtes-vous accro au métier d’acteur ?
J’adore bosser, oui. En 2004, j’avais pris huit mois sabbatiques pour concrétiser un rêve de voyage : relier Londres à New York en moto. Quatre mois de préparation. Quatre mois sur les routes. Ensuite, j’ai fait du théâtre. Puis un autre voyage. Puis encore du théâtre, en jouant Iago dans Othello, à Londres. Je me serai éloigné des écrans, en tout, durant trois ans. J’en avais besoin. Je devais recharger mes accus. Ensuite, c’est reparti. Aujourd’hui, je suis dans Doctor Sleep. Bientôt Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn, The Birthday Cake avec Val Kilmer… Autant dire que nous avons des chances de nous recroiser pour une interview.

Vous avez été dirigé par George Lucas, Roman Polanski, Ridley Scott… Vous reste-t-il encore un rêve de comédien à concrétiser ?
Vous avez cité Ridley Scott. J’aimerais bien travailler à nouveau avec lui. J’avais vraiment adoré l’expérience de La Chute du Faucon noir. Et puis retrouver encore Danny Boyle. Il faudrait aussi que je me renseigne un peu sur les nouveaux réalisateurs à la mode…

Plutôt blockbusters ou films indépendants ?
J’aime tourner dans des films indépendants car ils me permettent d’aller plus en profondeur dans les rôles, les idées. J’ai souvent l’impression de prendre plus de risques. Dès que vous vous lancez dans un film dont le budget dépasse plusieurs centaines de millions de dollars, vous assistez à un étrange spectacle : les studios, par peur d’offenser qui que ce soit, d’entamer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, leur nombre espéré de spectateurs, vont s’acharner à rendre le film le plus insipide possible. Et puis, sur un plan plus personnel, je préfère les petites équipes, les tournages rapides.

« Je ne me suis jamais senti phagocyté par le personnage d’Obi Wan. »

Fans et journalistes spécialisés ergotent sur votre retour dans la peau d’Obi-Wan Kenobi. Finalement, rien de traumatisant à jouer dans une super-production…
La vraie star de La Guerre des étoiles, c’est le concept lui-même. D’où le fait que les trois épisodes dans lequel je suis apparu ont autant enthousiasmé le public. Rien d’autre. C’est pour cela qu’il n’est pas arrivé à Natalie Portman ce qui est arrivé à Carrie Fisher. Et que Hayden Christensen n’est pas non plus devenu le nouveau Mark Hamill. Personne n’est sorti affecté des derniers épisodes de la saga. Et moi, ça m’allait très bien. Je ne me suis jamais senti phagocyté par le personnage d’Obi Wan. A l’époque, je n’avais même pas été obligé d’assister à toutes les conférences de presse.

Quel reste le bide le plus terrible de votre carrière ?
Le seul flop qui ait vraiment affecté ma carrière a été celui de The Island. D’un coup, les portes de majors se refermaient sur moi. C’était un film de studio, très cher, qui n’a pas attiré grand monde aux Etats-Unis. Je me rappelle que le producteur nous a flingués, Scarlett Johansson et moi, lors d’une conférence de presse à Cannes : « Ce sont peut-être les stars de demain, mais certainement pas celles d’aujourd’hui ! » Quelle espèce d’enfoiré !

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