Brad Bird : « Les meilleurs effets spéciaux, ce sont les personnages »

14 ans après le premier volet, la famille Parr – Mr Indestructible, Elastigirl, Violet, Flash et Jack Jack – est de retour pour une nouvelle aventure. Drôle, cool, spectaculaire, supérieurement mis en scène, Les Indestructibles 2 est de loin l’une des meilleures suprise de l’été. Rencontre sans langue de bois avec le scénariste-réalisateur Brad Bird, papa du premier film, mais aussi ses producteurs, John Walker et Nicole Paradis Grindle.

Propos recueillis par Marc Godin

Nous sommes submergés de films de super-héros. Quel effet cela a-t-il eu sur vous et le film ?
Brad Bird :
Cela a un peu refroidi mon enthousiasme. Il faut des années pour réaliser un film d’animation. Et puis, j’ai vu toutes ces productions qui sortaient à la chaîne et j’ai réalisé que nous allions arriver sur les écrans quand le public commencerait à en avoir marre des super-héros. Cela m’a ennuyé pendant… une heure et j’ai réalisé que mon idée de départ, c’était d’utiliser le genre super-héros pour parler de la famille. La partie super-héros est secondaire par rapport au rôle que l’on joue dans une famille.

A une époque où la plupart des blockbusters, comme Avengers 38, sont réalisés de façon standardisée, sans style, vous pouvez parler de votre mise en scène qui évoque beaucoup plus le cinéma d’auteur ?
Brad Bird :
Merci pour le compliment, je vais avoir la grosse tête ce soir (rires). Pixar est une compagnie extraordinaire, qui chérit la différence de ses réalisateurs. Les films de Pete Docter sont différents des miens, de ceux de John Lasseter, d’Andrew Stanton ou encore de Lee Unkrich. C’est une force de ce studio que d’avoir des voix et des personnalités différentes. Le court-métrage présenté avant Les Indestructibles 2, Bao, est signé d’une réalisatrice, Domee Shi, qui a une voix magnifique. C’est génial d’être dans un studio qui célèbre la différence.

« John Lasseter a été très impliqué dans l’histoire de ce numéro 2 et c’est un grand scénariste. J’ai vraiment bénéficié de son talent. »

Que pensez-vous du départ de John Lasseter de Pixar et quelle influence a t-il eu dans Les Indestructibles 1 et 2 ?
Brad Bird :
John a été très impliqué dans l’histoire de ce numéro 2 et c’est un grand scénariste. J’ai vraiment bénéficié de son talent. Vous savez, Disney ne voulait pas financer le premier Indestructibles et John s’est vraiment battu pour notre film contre les producteurs exécutifs qui ne sont pas longtemps restés en place, pour être honnête. Il nous a vraiment donné l’opportunité de la réaliser notre film.
Nicole Paradis Grindle : John a vraiment imposé une vision et nous lui devons une belle reconnaissance pour avoir influencé les 20 films réalisés par Pixar. Mais il y a maintenant plusieurs metteurs en scène au sommet de leur créativité : Pete Docter, Lee Unkrich, Andrew Stanton, et des petits nouveaux qui développent leurs projets. Nous avons un magnifique futur qui devant nous, notamment avec Domee Shi, qui travaille sur un long-métrage et nous sommes très fiers d’y collaborer.

Le chanteur Usher a un caméo dans Les Indestructibles 2. Vous pouvez nous en dire plus ?
John
Walker : Il était un tel fan du premier que son agent n’arrêtait pas de nous appeler. Mais nous n’avions de grand rôle pour lui, mais nous lui avons dit, eh bien, on a cette apparition, si cela t’intéresse… Et il était fou de joie.
Nicole Paradis Grindle : C’était un de ses rêves.
Brad Bird :
C’est un rôle très basique, mais il en a vraiment fait quelque chose, il s’est impliqué à fond. Son rôle a évolué, et c’est maintenant le passage où ce fan qui fout en l’air son grand moment avec Frozone. Quand on a terminé l’enregistrement, il m’a demandé, « C’est fini, tu es content ? », je lui ai répondu par l’affirmative et il a hurlé : « JE SUIS DANS LES INDESTRUCTIBLES 2 ! »

« Je savais que nous pourrions nous resservir des pouvoirs secrets de Jack Jack dans le numéro 2, car j’aimais beaucoup cette idée que le public en sait plus sur Jack Jack et ses pouvoirs que ses parents. »

Dans le film, on voit un certain nombre d’immeubles s’écrouler, un pont tomber… Cela a un rapport avec le film que vous voulez tourner sur le tremblement de terre de San Francisco de 1906 ?
Brad Bird :
C’est peut-être une répétition. J’espère faire ce film, mais c’est un projet compliqué, dans une époque et un lieu vraiment spécifique de l’Amérique. J’y suis très attaché, mais je ne veux pas encore consacrer plusieurs années de ma vie à ne PAS le faire, donc on va voir comment les choses avancent.

Est-ce que vous avez utilisé certaines idées abandonnées du premier volet ?
Brad Bird :
Oh oui ! La meilleure, c’est la baston entre Jack Jack et le raton-laveur. Un artiste merveilleux qui avait bossé sur le premier, Teddy Newton, avait eu cette idée que j’avais adoré, une idée bizarre, vraiment à côté de la plaque, que nous n’avons pas gardé pour le 1. J’avais réalisé la séquence entre Jack Jack et la baby-sitter, mais il fallait couper, resserrer, rester sur les personnages principaux, je n’arrivais pas à l’insérer dans le montage. J’ai donc gardé la scène pour le bonus du Blu Ray. Je savais que nous pourrions nous resservir des pouvoirs secrets de Jack Jack dans le numéro 2, car j’aimais beaucoup cette idée que le public en sait plus sur Jack Jack et ses pouvoirs que ses parents.

« Quand un film marche, la première tendance est de vouloir satisfaire le public, avec une série de séquences obligées. Si tu commences à penser de cette façon, ton œuvre devient tiède, impersonnelle. Moi, je me demande simplement ce que je voudrais voir sur un grand écran quand je suis au cinéma. C’est plus simple et bien sûr, c’est une meilleure méthode. »

C’était difficile de faire ce numéro 2, alors qu’il y a une très grosse attente du public ?
Brad Bird :
Quand les gens adorent un film, il se passe des choses bizarres. J’essaie de ne pas me préoccuper du net, mais comme tout le monde, j’ai commis l’erreur d’aller voir. Et naturellement, tu tombes sur des commentaires du style : « J’ai adoré le premier, tu as intérêt à ne pas me décevoir ! » Ce n’est pas ce genre de remarques qui vont rendent très créatif. C’est très inhibant. Quand un film marche, la première tendance est de vouloir satisfaire le public, avec une série de séquences obligées. Si tu commences à penser de cette façon, ton œuvre devient tiède, impersonnelle. Moi, je me demande simplement ce que je voudrais voir sur un grand écran quand je suis au cinéma. C’est plus simple et bien sûr, c’est une meilleure méthode.

Est-ce que l’on va devoir attendre à nouveau 14 ans pour avoir le numéro 3 ?
Brad Bird :
Non, 17 ans !
John
Walker : Pour un éventuel numéro 3, nous ne savons vraiment pas. Nous devons sortir celui-ci et voir comment il va marcher.
Brad Bird :
Allez dans une maternité et demandez à une femme qui vient de passer 16 heures à accoucher pour quand est le prochain. Alors qu’elle n’a même pas encore vu son bébé. C’est vraiment trop tôt pour nous !

Pouvez-vous nous parler du look très 60’s du film ?
Brad Bird :
Etant môme, j’ai vu des séries de super-héros, comme Batman ou Superman, mais ce n’était pas très bon. Mais à l’époque, les grands méchants du cinéma, avec des plans de destruction massif et des gadgets cools venaient des films d’espions, de James Bond. Ils sont devenus mes héros avec leurs noms incroyables comme Dr No, Goldfinger… On aurait dit des méchants directement issus de comics.

« Tant qu’à faire un film de super-héros, pourquoi ne pas réaliser un film avec MES super-héros. Et c’est ce film ! »

Avez-vous déjà pensé réaliser un film de super-héros live ?
Brad Bird :
On m’a demandé d’en réaliser plusieurs, et certains sont devenus de très gros succès, sans moi. Donc, c’est sûrement une bonne chose que je ne les aie pas réalisés. Tant qu’à faire un film de super-héros, pourquoi ne pas réaliser un film avec MES super-héros. Et c’est ce film !

Lors du premier Indestructibles, vous avez eu de très nombreux défis à réaliser au niveau de la CGI, avec les humains, la peau, les explosions… En 2018, quels sont les nouveaux défis en termes d’animation ?
Brad Bird :
Il y a toujours des challenges, vous savez. Sur le premier, nous avons côtoyé l’échec total, personne dans l’animation ne savait réaliser ce que nous voulions faire et Pixar devait résoudre pas mal de problèmes. Maintenant, l’équipement est bien meilleur, l’équipe est bien plus expérimentée, il y a des talents qui viennent du monde entier… Mais le plus grand challenge, que vous réalisiez un film à 2 000 $ ou à 200 millions de dollars, c’est l’histoire et les personnages. Ce sont les personnages les meilleurs effets spéciaux.

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