Propos recueillis par Marc Godin
Pierre Lescure : « J’ai un besoin absolu de cinéma »
Ancien journaliste, figure totémique de Canal+, chroniqueur dans l’émission C à vous, Pierre Lescure, 72 ans, est depuis 2014 le président du Festival de Cannes. Il nous livrait ses goûts cinéma et ses coups de cœur il y a quelques années…
Quels sont vos goûts cinéma ?
J’ai un besoin absolu de cinéma, mais je ne me considère pas comme un cinéphile. Et quand je découvre le film d’un réalisateur, j’ai envie de tout voir. Comme pour la musique, je n’ai pas d’exclusivité. J’aime le cinéma tous azimuts. Dans famille, on écoutait beaucoup de musique et on allait très souvent au cinéma. Audrey Hepburn m’a procuré mes premiers émois cinématographiques et j’y suis resté fidèle. Je me rappelle prenant un train, un bus et le métro pour revoir Vacances romaines à Massy Palaiseau. A mon âge, je pense que je resterai toujours fidèle aux films noirs des années 40, 50, 60 : Le Port de l’angoisse, les films de Samuel Fuller, Howard Hawks – qui demeure un de mes héros – John Huston, Otto Preminger… Dana Andrews est une de mes idoles, comme Gary Cooper, Kim Novak ou James Stewart.
Quel est le premier que vous avez vu ?
Le Diable au corps avec le couple Micheline Presles–Gérard Philippe. Gérard Philipe était l’idole de mes parents.
Une séquence qui vous a tétanisé ?
Dans Shining, de Stanley Kubrick, quand on découvre que le roman de Jack Nicholson est la répétition à l’infini de la phrase « All work and no play makes Jack a dull boy ». Inoubliable !
Quelles salles fréquentez-vous ?
Je peux aller au Pathé Wepler pour voir des Spider-Man sur un grand écran avec ma fille, au Ciné-Cité Bercy, au MK2 Bibliothèque ou dans une salle d’art et d’essai pour une reprise. A Paris, la cohabitation entre multiplexes et les petites salles est un vrai bonheur : l’offre est faramineuse !
Gilles Jacob : « L’ouverture hypnotique d’Apocalypse Now est une séquence au dessus des autres »
Evincé du Conseil d’administration du Festival de Cannes, mais toujours Président d’honneur de la manifestation, Gilles Jacob, né en 1930, a couvert son premier Festival de Cannes en tant que journaliste en 1964 avant d’en devenir le délégué général en 1976, puis président en 2001. Il y a quelques années, il nous parlait de ses coups de cœur ciné et de… Cannes.
Il y a-t-il eu un film qui a tout déclenché ?
Un des films qui m’a le plus marqué enfant est Alerte en Méditerranée, un mélo d’avant-guerre (de Léo Joannon, avec Pierre Fresnay et Jean Tissier, 1938, NDR). Ensuite, mes films fondateurs ont été La Régle du jeu, les films de Jean Vigo, ceux de Sergueï Eisenstein. J’ai beaucoup travaillé sur les pionniers, les fondateurs du 7e art : D. W.Griffith, Eisenstein, Georges Méliès, les frères Lumière… J’y reviens tout le temps. Ensuite, je me suis passionné pour Orson Welles, Elia Kazan, John Ford, Billy Wilder, Alfred Hitchcock… Le trajet d’un cinéphile classique. Et puis bien sûr Ingmar Bergman, Federico Fellini, Joseph Losey dont je ne peux me passer de revoir les films.
Vous avez visionné de nombreux films pour Cannes ?
Quand j’ai commencé à travailler pour le festival en 1976, nous recevions entre 300 et 400 films par an. J’ai donc dû en visionner des milliers. Maintenant, nous en recevons 1 500 par an, mais, quand j’étais Président du festival, j’avais des directeurs qui visionnent.
Une séquence au-dessus des autres ?
L’ouverture hypnotique d’Apocalypse Now (Palme d’or à Cannes en 1979, NDR), avec la chanson des Doors, The End, tandis que tournoient interminablement les pales du ventilateur et le son des hélicos, cette sensation immédiate de moiteur tropicale…
Que pensez-vous de l’état actuel du cinéma ?
Il y a eu un âge d’or, l’âge d’or des grands studios américains, l’âge d’or de stars… En Italie, dans les années 60-70, quinze génies tournaient en même temps. Aujourd’hui, le cinéma a bougé. En Europe, chaque pays est incarné par un grand artiste, pas plus ! L’Europe a baissé pour mille raisons, à cause de sommes en jeu, c’est un autre genre de cinéma qui se pratique aux Etats-Unis… Il n’y aurait pas l’extrême vitalité du cinéma asiatique, je serais très inquiet.