Cinq ans après Bodybuilder, le comédien avait tourné à nouveau sous la direction de Roschdy Zem pour Persona non grata. SEE l’avait rencontré pour une interview intime.
Propos recueillis par Jean-Pascal Grosso
Roschdy Zem vous avait déjà donné un rôle dans Bodybuilder, son troisième long-métrage en tant que réalisateur. Vous le retrouvez sur Persona non grata…
Déjà, nous nous voyons tous les samedis au Parc des Princes. Nous sommes tous les deux fans du PSG depuis très longtemps. Je l’apprécie énormément en tant qu’acteur. Alors, l’avoir comme metteur en scène, c’est très fort. J’ai un profond respect pour lui. C’est mon grand-frère de cinéma. Je l’aime beaucoup.
Êtes-vous devenu acteur par accident ?
Complètement. Je faisais de la boxe. Les premiers essais que j’ai passés, c’était juste pour de la figuration. Un directeur de casting, Antoine Carrard, me repère et me rappelle. Je le plante, une fois, deux fois. Il insiste, en me disant que ça vaudrait le coup de tenter le truc, d’apprendre le petit texte qu’il m’a laissé… Les auditions se passent bien. Et puis Erick Zonca voit le résultat. Il est très enthousiaste et je me retrouve à tourner dans Le Petit voleur, mon premier film.
Vous seriez-vous vu devenir boxeur ?
Je faisais de la boxe thaïlandaise. C’est très dur d’arriver à en vivre, à moins d’atteindre un très haut niveau et de devenir professionnel. Mais je voulais combattre. Je trouve cela vivant la boxe, le contact, les coups. C’était un exutoire, une échappatoire. Comme le cinéma.
Le cinéma français actuellement…
… est dans en situation un peu compliquée. Pour monter des films. Trouver des financements. Là, je vous parle de films d’auteur. Pas de comédies avec des acteurs qui viennent de la télévision. Chacun ses goûts, mais les comédies mal filmées, mal jouées qui cartonnent, j’ai du mal à comprendre… Pour revenir au cinéma d’auteur, c’est vrai que je m’y retrouve. C’est ce que j’aime faire, ce qui me touche. Et ce que je dois « transpirer » également, j’imagine. Mais je ne suis pas quelqu’un de fermé. Je suis un homme qui aime beaucoup rire, je tiens à le souligner. Les gens ont du mal à imaginer que je puisse être drôle !
« À un moment, j’ai un peu pété les plombs à cause de l’argent. »
Quel regard portez-vous sur vos confrères ?
J’aime les acteurs, franchement, même s’il y a des têtes de con comme partout. Mais, en général, ils me surprennent. J’ai pas mal d’amis dans le métier : François-Xavier Demaison, Hugo Gélin, Pierre Niney, Karole Rocher, que j’adore, le réalisateur Thierry Klifa… Je ne suis pas aussi sombre que dans mes films, il ne faut pas croire. Pas le genre acteur torturé. J’adore rigoler, bien manger, boire… la vie, quoi !
L’avez-vous jamais été, vous aussi, « tête de con » ?
À un moment, j’ai un peu pété les plombs à cause de l’argent. Il y a des choses que j’aurais dû entreprendre autrement. Des rendez-vous auxquels je me serais présenté par exemple…
Un acteur, ça se déconnecte facilement de la réalité ?
J’essaye d’éviter ça au mieux, de trop me faire materner. C’est très agréable, il va s’en dire ! Après, je sais que ce sont les règles du cinéma. C’est la fonction d’acteur qui crée ça. Je dissocie facilement ma vie privée de ma vie professionnelle. Je continue à fréquenter mes amis d’avant le début de ma carrière. C’est le plus important. Mais le Duvauchelle de la vie de tous les jours, je crois que les gens s’en fichent un peu.
Comment vous classer en tant que comédien ? Un instinctif ?
J’ai bien essayé les cours d’art dramatique, au début, sur les conseils de mon agent, mais ça ne prenait pas. J’ai très vite arrêté. J’ai plus appris sur le tas, en regardant les autres comédiens, et en vivant surtout. On apprend toujours beaucoup de sa vie personnelle pour en reproduire les émotions.
« À chaque veille de premier jour de tournage, je fais une nuit blanche. »
Anxieux parfois ?
J’aime bien savoir que j’ai un film ou deux par avance. Je gamberge moins. Je ne suis pas quelqu’un de très positif, même si je le deviens avec l’âge.
Et qu’est-ce qui vous effraie ?
De ne plus avoir, un jour, le trac. À chaque veille de premier jour de tournage, je fais une nuit blanche. Je me pose des questions pas forcément rationnelles : est-ce que je sais encore jouer ? Est-ce que je connais assez bien mon rôle ?
Avez-vous appris à aimer ce métier ?
C’était très violent au début. Bien sûr qu’il y a des boulots beaucoup plus durs que d’être acteur, mais, psychologiquement, j’ai quand même eu du mal à trouver ma place. Longtemps, j’ai eu l’impression que quelqu’un allait me repérer dans la foule en me pointant du doigt : « Le voilà ! C’est lui, l’imposteur ! »
« Longtemps, j’ai eu l’impression que quelqu’un allait me repérer dans la foule en me pointant du doigt : « Le voilà ! C’est lui, l’imposteur ! »»
Vous a-t-il apporté un sentiment de confort ?
Oui, même si je n’ai jamais manqué de rien dans la vie. Mais on s’y habitue. Mes parents m’avaient appris la valeur de l’argent. À une époque, j’ai aussi commencé à gagner pas mal d’argent grâce à la publicité…
C’est vrai que vous avez été égérie de marques à différentes périodes de votre carrière…
Ça m’amusait de travailler un peu dans la mode. Ça me permettait aussi, évidemment, de mieux gagner ma vie. Je touchais parfois beaucoup. Après Le Petit voleur et Beau Travail, j’ai connu une période de galère. J’ai joué, sans les citer, dans des films « alimentaire ». Sur le tournage, en promotion, je ne me sentais pas à l’aise. J’avais l’impression de mentir. Hugo Boss, Vuitton, ça m’a permis de me sortir un peu la tête de l’eau, du malaise qui était le mien à l’époque.
Alors en quoi avez-vous « pété les plombs » ?
Je claquais mon argent n’importe comment, j’achetais des voitures… Sans avoir été vraiment très dépensier, j’ai arrêté les conneries. Je ne suis pas à plaindre. Je ne gagne pas des millions non plus, mais je vis bien. Mon luxe, c’est de ne pas avoir l’angoisse des fins de mois.
A l’écran, vous êtes souvent le frère, l’ami, l’associé… Toujours des cercles d’hommes, des personnages profondément masculins…
J’aime bien ce côté immédiat qui existe entre les hommes. Je me souviens du film de Corneau, Le Deuxième souffle, avec Auteuil, Dutronc, Cantona. J’avais beaucoup aimé cette ambiance « entre mecs ». Ça me fait bizarre de parler d’Alain, parce qu’il mort. Mais c’était un type extraordinaire. Moi, fou de Série noire avec Dewaere, j’étais comme un gosse sur le tournage…
On ne vous entend jamais parler politique…
Un désintérêt total. Pour eux, je suis un pékin de base. Ils ne croient pas en moi. Alors, je ne crois pas en eux. Je ne suis pas le seul de ma génération à penser ainsi. Nous sommes nombreux à se sentir blasés de tout ça, de ce que le monde politique nous donne à voir…
Satisfait ce que vous vivez aujourd’hui ?
Complètement. Je ne suis pas parfait, loin de là. J’essaye toujours de m’améliorer. Et puis, il y a mes filles. Je suis très heureux de l’éducation de mes enfants. Enfin, pour l’instant. J’ai été père très jeune. Ce n’était pas facile. Aujourd’hui, je suis très fier d’elles. Je suis très fier de ma famille.
Et votre plus grande fierté professionnelle ?
De durer. Après mon premier film, je m’étais donné un an. Pour voir. Ça fait maintenant seize ans que je me donne un an.