Réalisateur de Gremlins, Piranhas ou Panic sur le Florida Beach, Joe Dante était à la Cinémathèque pour présenter son film de loup-garou, Hurlements. SPEAK.
Propos recueillis par Marc Godin
En mars 2017, Joe Dante, 70 ans, était l’invité d’honneur de la Cinémathèque comme parrain du cycle Toute la mémoire du monde, où Jean-François Rauger l’a présenté comme un « grand maître du cinéma contemporain ». C’est pour le moins exagéré quand on sait que ni Nuri Bilge Ceylan, ni Alejandro Gonzalez Iñaritu, ni Jonathan Glazer, ni Paul Thomas Anderson, ni Gus Van Sant et ni Lars Von Trier. n’ont eu droit à ce compliment.
Artisan doué, fan d’Ed Wood, ce contrebandier d’Hollywood est à la tête d’une œuvre inégale mais sympathique (à propos de sa carrière, il déclare : « Je pensais qu’elle serait meilleure, mais c’est tout ce que j’ai pu faire à l’époque »). Néanmoins, Joe Dante est sympathique, notamment car c’est un cinéaste cinéphile par excellence (certains critiques diraient méta), recyclant dans des films malins citations et clins d’œil à la série B (voire Z), au fantastique, aux dessins animés et au cinéma de drive-in.
Il nous parle d’Hurlements, classique du film de loup-garou sorti en 1981.
La France ?
J’aime particulièrement Hurlements car c’est le premier film qui m’a permis de venir en France. Hurlements avait été sélectionné au festival d’Avoriaz, c’est le premier festival qui a sélectionné ce film. Et depuis, à chaque fois que j’ai l’occasion, je reviens en France.
Des Dents de la mer 3 aux loups-garous ?
A l’époque, j’avais déjà réalisé Piranhas qui avait bien marché en dehors des USA et la Universal m’avait demandé de bosser sur Jaws : 3 – People : 0 (rires). J’ai commencé à bosser dessus et le projet est tombé à l’eau. Mon ami le producteur Michael Finnell produisait Hurlements et m’a demandé si je voudrais réaliser un film de loup-garou. Le projet était au point mort : le réalisateur était parti et le scénario n’était pas très bon. J’ai donc rejoint Hurlements mais je sentais qu’il fallait tout reprendre à zéro, à savoir le roman d’origine signé Gary Brandner.
Une approche post-moderne ?
En 1980, le public en avait marre de voir toujours les mêmes films de loups-garous. J’ai senti que le genre qu’il fallait repenser le genre, prendre une nouvelle direction. Il fallait tenter une approche post-moderne, avec un film où tous les personnages connaissent déjà les loups-garous, car ils appartiennent à la culture populaire. Nous avons donc supprimé ces séquences d’expositions insupportables où l’on explique ce que le public sait déjà, avec un vieux professeur d’université qui parle des lycanthropes. L’idée était de moderniser le mythe et on a fait un film de loups-garous moderne, en maquillant le surnaturel, jusqu’à un certain point du récit.
« Quand Hurlements est sorti, ça a été un gros carton. Le film m’a fait exister, m’a installé à Hollywood. Grâce à lui, j’ai pu faire La Quatrième dimension, le film à sketchs de Steven Spielberg »
Clins d’œil et références ?
Nous avons donc une journaliste télé, qui a vécu une expérience traumatisante. Elle se retrouve dans une maison de repos avec – devinez quoi – des loups-garous ! Même si le film est très moderne, on a plein de clins d’œil, des références à la tradition cinématographique, notamment grâce à des acteurs que j’avais vus et aimés dans mon enfance. C’était un grand plaisir de bosser avec eux, cela me donnait envie de me lever le matin.
Je n’avais pas vraiment un budget conséquent. Mais j’avais avec moi un génie, le jeune Rob Bottin qui avait déjà bossé avec moi sur Piranhas. A l’origine, Rick Baker devait bosser sur Hurlements mais il avait promis à John Landis de collaborer à son film, Le Loup-garou de Londres. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a eu 6 films de loups-garous en 1981. Il n’y a pas eu de concertation entre les réalisateurs, c’est juste arrivé naturellement !
Le début du succès ?
Quand Hurlements est sorti, ça a été un gros carton. Le film m’a fait exister, m’a installé à Hollywood. Grâce à lui, j’ai pu faire La Quatrième dimension, le film à sketchs de Steven Spielberg. J’ai eu beaucoup de chance. C’est un de mes films préférés. J’essaie de faire de films que j’aurais envie de voir. Et si j’avais vu Hurlements réalisé par quelqu’un d’autre, je l’aurais adoré.
A propos de Hurlements
Pour Hurlements (1981), déclaration d’amour au film de loup-garou, Joe Dante retrouve son scénariste John Sayles, futur réalisateur de Lone Star. Tombé en désuétude depuis plusieurs décennies, le genre retrouvait alors une nouvelle vigueur. Larry Cohen préparait Full Moon High, John Landis allait filmer Le Loup Garou de Londres. Le film de Landis est resté dans les mémoires pour la célèbre métamorphose en loup-garou mise au point par Rick Baker, alors que dans Hurlements, la même scène, ciselée par le talentueux Rob Bottin, alors âgé de 20 ans, est autrement plus traumatisante.
Clin d’œil amusant, la plupart des personnages du film portent le nom de réalisateurs de films fantastiques : Patrick MacNee se prénomme George Waggner (réalisateur du Loup-garou avec Lon Chaney), Belinda Balaski / Terry Fisher (réalisateur phare de la Hammer, notamment Le Cauchemar de Dracula, Le Fantôme de l’opéra…), John Carradine / Erle Kenton (L’île du Docteur Moreau), ; Slim Pickens / Sam Newfield (spécialiste des séries Z, tel Terror of Tiny Town, un western de 1938 entièrement interprété par… des nains).