Actuellement à l’affiche de La Bonne épouse avec Juliette Binoche, qui ressort sur les écrans, François Berléand , l’électron libre du cinéma français, nous avait accordé un entretien juste avant le confinement.
Propos recueillis par Jean-Pascal Grosso
Quatre longs-métrages à sortir cette au cinéma, un duo avec François-Xavier Demaison dans Par le bout du nez au Théâtre Antoine… vous êtes toujours autant sollicité !
Pour moi, c’est le théâtre qui prime. J’avais fait le choix, il y a peu, d’être moins présent au cinéma. J’avais l’impression qu’on m’avait trop vu. Mais le problème en France, c’est que ce sont toujours les mêmes qui bossent. Et quand on fait trop de choses, le premier à se lasser, c’est le spectateur. J’avais fini par faire sept films par an, ça ne voulait plus rien dire… Un matin, mon facteur m’avait lancé : « Vous, on vous voit trop ! ». Ça m’a fait réfléchir.
Mais, un acteur, ça se doit de jouer, non ?
C’est surtout dû à la télévision. Comme je ne jouais que des méchants à l’écran, je souhaitais montrer ma vraie nature qui est plutôt affable et gentille. Alors, je me suis mis à faire toutes les émissions possibles et imaginables pour prouver aux gens à quel point j’étais drôle ! Au bout du compte, cela a été totalement contre-productif. Les gens me voyaient trop au cinéma, trop à la télé, partout ! J’ai dû faire un peu machine arrière.
« J’aimerais jouer jusqu’à la fin, jusqu’à ce que je ne puisse plus. »
Pourquoi L’Esprit de famille ?
Je trouvais le sujet très beau et drôle à la fois. Et j’aime beaucoup le travail d’Eric Besnard. Dès le premier montage du film, le producteur Vincent Roget était ravi. Je suis super content du résultat.
Sélectionnez-vous avec soin vos partenaires ?
Clairement, il y a des gens avec qui jamais je ne tournerai. J’ai mes têtes. Je ne vous dirai pas lesquelles, ça ne sert à rien. Mais il y a des acteurs, je ne peux pas. Non pas qu’ils soient désagréables, mais je ne les supporte pas. Il y a des gens comme ça qui sont des repoussoirs terribles…
Acteur, c’est une des rares professions où on peut durer jusqu’à 100 ans…
Il y aura toujours des rôles pour les vieux. Des acteurs comme Michel Bouquet ou Robert Hirsch, c’est mon rêve… J’aimerais jouer jusqu’à la fin, jusqu’à ce que je ne puisse plus.
Vous apparaissez donc dans quatre comédies en 2020. Qu’est-ce qui fait rire François Berléand ?
Je suis fou de l’humour anglais. J’ai toujours été fan de Peter Sellers, des Monty Python, de Ricky Gervais aujourd’hui. En France, Raymond Devos était le seul homme capable de pousser l’humour vers cette forme d’absurde. Sinon, je nous trouve un peu trop chansonnier. Et j’ai tendance à regretter cette période où l’humour était à la fois très drôle et très méchant. Le sketch du CRS arabe de Coluche reste, pour moi, un sommet d’humour. Je trouve qu’un pan de liberté s’est envolé avec sa mort. Aujourd’hui, on n’a plus le droit de dire quoi que ce soit. Si vous titillez les femmes, les homosexuels, les juifs, les noirs, les associations vous tombent dessus. Il y a une forme d’auto-censure. Dieudonné était un des rares à passer au-dessus de ça. Dommage qu’il ait pété les plombs. On a perdu un grand acteur doublé d’un grand humoriste.
« Jason Statham est un garçon des plus sympathiques. »
Quel souvenir gardez-vous de votre immersion dans le cinéma d’action avec la saga Le Transporteur ?
Celui d’une partie de plaisir. C’est vrai que c’était toujours très marrant à faire. Pour moi, c’était également un exercice atypique puisque je tournais en anglais, une langue que je ne maîtrise pas. A chaque fois, j’avais le trac. Ce n’est pas simple de s’exprimer dans une langue étrangère surtout lorsqu’on ne la connaît pas ! Mais je tiens à dire que Jason Statham est un garçon des plus sympathiques. Nous avions de très bonnes relations sans jamais nous comprendre. Je ne pigeais rien à son accent cockney. Même quand il me demandait l’heure, je répondais par « yes » ou par « no ». Ça le faisait rigoler comme un fou.
Les tournages à l’américaine, vous aimez ça ?
Oui. Surtout pour Le Transporteur 2 filmé en partie à Miami. Là, nous étions dans des conditions incroyables. Pour les Américains, les grosses caravanes, les nombreuses équipes, c’est normal. Mais, vu de l’intérieur, ça m’a paru colossal. En France, nous sommes plus minimalistes…
Quand prenez-vous le temps de respirer ?
Lors des tournées au théâtre, généralement. Vous partez : Biarritz, Thionville, Bruxelles… Vous faites votre bagage et, là, fini les problèmes ! Vous vous retrouvez déconnecté des réalités à faire un travail qui vous passionne. Dans ces cas-là, tout se passe bien. Mais, vite, ma famille me manque. Quand je reviens à la maison, je suis tout content. Je redeviens papa. J’emmène mes filles à l’école.
Ont-elles notion que leur père est un saltimbanque ?
Bien sûr ! Elles viennent au théâtre, elles m’ont vu plusieurs fois au cinéma. Elles comprennent très bien mon métier comme des adultes. L’important, c’est que le lien reste fort.
« J’avais déjà fait un peu de post-synchronisation par le passé sur La Neuvième porte de Roman Polanski. Mais j’avais été nul ! »
Vous aviez fait le doublage du film pour enfants, Le Lorax, en 2012. Que vous reste-t-il de cette expérience ?
J’avais déjà fait un peu de post-synchronisation par le passé. C’était sur un film de Roman Polanski que je connaissais personnellement, La Neuvième porte. Mais j’avais été nul ! Ça avait pris un temps fou. Le Lorax, c’était un dessin animé, ce qui n’est pas la même chose. Il y a tout de même plus de liberté. Au début, évidemment, ça a été un peu compliqué, mais j’étais très bien dirigé, comme si j’étais au théâtre ou au cinéma. Finalement, j’y ai pris un plaisir fou. Pour un dessin animé, je renouvellerai volontiers l’expérience. Mais pas un film normal, il y a des comédiens qui se débrouillent beaucoup mieux que moi…
Comptez-vous revenir à la littérature ?
J’aimerais écrire sur mon grand-père, Moïse Berléand, qui est mort en déportation. Ce qui, vu son prénom, n’était pas incongru. Il se trouve que c’était à la fois un mégalomane et un mythomane de première. Il a été étudiant en Italie et même mêlé à une affaire de meurtre ! C’était en 1909. En fait, il avait dénoncé par lettre anonyme. Cette histoire avait fait la Une de tous les journaux italiens de l’époque. Ça passionnait le pays parce que tous les jours, mon grand-père racontait à la police des choses différentes : fils du président de la Douma, tueur de cosaques, espion à la solde du tsar… J’ai hérité de son don de raconter n’importe quoi avec le plus grand naturel. Ça me plairait de raconter son histoire. Ou sa vraie-fausse histoire, je ne sais pas.