« Le hip hop est mort », avait déclaré sobrement Mathieu Kassovitz quand Adam Yauch, 47 ans, légende du rap, membre fondateur des Beastie Boys, est décédé en mai 2012 des suites du cancer qui le rongeait depuis trois ans. Souvenirs d’un vrai fan de ciné !
Propos recueillis par Marc Godin
Si je me souviens d’Adam Yauch aujourd’hui, c’est que les deux autres membres du groupe, Michael Diamond et Adam Horovitz, viennent de publier un superbe bouquin retraçant la carrière du groupe (Beastie Boys Book, chez Spiegel & Grau). Je l’avais rencontré en novembre 2006, pour lui parler… cinéma. Car Adam Yauch était également un vrai fan de ciné, l’homme qui avait découvert Spike Jonze et réalisé plusieurs des clips du groupe.
Je me souviens qu’il était délicieux, brillant, et incroyablement cool.
Quelqu’un de bien.
Quel est votre premier souvenir cinématographique ?
Je ne suis pas bien sûr, peut-être Voyage au centre de la terre (d’après Jules Verne, avec James Mason, 1960, NDR) Ado, j’aimais bien les films d’horreur comme Le Blob. Et je me souviens qu’à la télé, il y avait « le film de 4 H 30 ». On rentrait de l’école à toute vitesse et on avait droit à un film de science-fiction des années 70 comme Soleil vert ou Le Survivant. J’habitais à Brooklyn et il y avait cette petite salle où j’ai découvert 2001, Apocalypse now, Taxi Driver ou Mean Streets. Parmi mes réalisateurs préférés, il y avait Martin Scorsese – j’adorais les films qu’il tournait dans les rues de New York dans les années 70-80 -, Stanley Kubrick et son extraordinaire Orange mécanique, Woody Allen… Plus tard, je me suis intéressé au cinéma japonais : Akira Kurosawa, avec Les 7 samouraïs, Sanjuro, Le Garde du corps, les films de gangsters de Seijun Suzuki… J’ai été fan de réalisateurs russes comme Tarkovski, mais également des français, dont Godard et Truffaut. J’aimais beaucoup la liberté de la Nouvelle vague. Nous en avons gardé l’esprit avec nos clips. Pour moi, un clip doit se tourner en deux jours et toute l’équipe ainsi que le matériel doivent tenir dans un van.
« Je trouve que Wes Anderson est le meilleur cinéaste américain de sa génération : La Famille Tenenbaum ou La Vie aquatique sont de grands films où il déforme la réalité. »
Votre dernier coup de cœur ?
La plupart des films qui sortent aux Etats-Unis sont terriblement médiocres, stupides. Mais j’ai découvert récemment une petite perle, Half Nelson, avec Ryan Gosling, un tout petit budget, scénario très simple, mise en scène excellente, des acteurs parfaits. Un petit film qui ressemble à ceux de la Nouvelle vague. Sinon, je trouve que Wes Anderson est le meilleur cinéaste américain de sa génération : La Famille Tenenbaum ou La Vie aquatique sont de grands films où il déforme la réalité. J’aime également Les Berkman se séparent de son co-scénariste Noah Baumbach, ou les films de Michel Gondry.
« Avec Spike Jonze ; nous avions un projet et cela ne s’est pas concrétisé. »
Que pensez-vous du rap au cinéma, du film de Eminem ou de 50 Cent ?
J’ai préféré 8 Mile à Réussir ou mourir, mais c’est vraiment du cinéma industriel, préfabriqué. Le film commence à peine et tu sais déjà comment cela va finir. En 1987, nous avons essayé de monter une comédie à la Jerry Lewis, mais nous avons abandonné. Même chose avec Spike Jonze ; nous avions un projet et cela ne s’est pas concrétisé. C’est peut-être mieux pour tout le monde (rires).
Quelles salles de cinéma fréquentez-vous ?
A Manhattan, je peux voir des films indépendants et des films étrangers en V.O. à deux pas de chez moi. Et quand je veux voir une grosse machine hollywoodienne, je vais dans un énorme multiplexe de Battery Park. Les salles sont vastes, 2000 places au moins, le son est dément et c’est toujours vide, à cause de la proximité du Wall Trade Center. J’y suis tout le temps.