See Mag a rencontré le producteur Michel Seydoux. Pour la première fois, il passe à la réalisation en signant, en compagnie de Laurent Charbonnier, un documentaire autour d’un chêne et de ses habitants. Doté d’images superbes, réalisé comme un film d’action sans paroles, Le Chêne donne l’occasion à Michel Seydoux de rendre hommage à la nature.
Par Grégory Marouzé
Vous êtes producteur. Pourquoi êtes-vous passé à la réalisation avec Le Chêne ?
J’ai senti instinctivement que je pouvais être utile et que je pouvais avoir un vrai rôle complémentaire avec Laurent Charbonnier (ndr : Les Animaux amoureux, Chambord). Ce n’est pas évident : il y a beaucoup de films pour lesquels j’ai eu un rôle artistique mais souterrain, discret, parce qu’il y avait tel ou tel problème qui était rencontré, et que l’on devait solutionner avec des équipes en place, les metteurs en scène. Habituellement, c’est mon rôle d’être dans l’ombre. Avec Laurent, je partage un ADN forestier, un ADN de promenade en forêt. Donc, quand on se parlait, on se comprenait tout le temps. Ce qui est assez rare dans la vie.
© 2022 – CAMERA ONE – GAUMONT – WINDS
On a passé 5 ans ensemble sans un mot plus haut que l’autre, à faire un truc ensemble ce qui peut créer des tensions, de petits problèmes relationnels. Là : RIEN ! Donc, on était chacun dans notre job. Il est un hyper patient, un hyper tranquille. Il est resté quand même 14 mois avec son arbre pendant le tournage. Moi, je suis plutôt un hyperactif. Ce n’est pas le bon mot : je suis plutôt actif, donc j’avais envie de m’occuper de la création, des scènes d’action qui se tournaient à plusieurs caméras.
Mais 95% du tournage, c’était lui tout seul, avec souvent un machiniste, pour installer des plateformes dans l’arbre, des plateformes dans l’eau, telle ou telle cachette pour pouvoir observer. On a travaillé comme ça, et puis, moi j’étais au montage. Parallèlement, il continuait de faire des images. Le montage a été fait aussi en parallèle avec la captation.
Les documentaires d’aujourd’hui ne ressemblent plus du tout à ceux que l’on voyait quand on était enfant. Par exemple, on trouve dans Le Chêne des plans subjectifs, du numérique. Vous combinez vraiment la fiction au documentaire. Quelles étaient les limites que vous étiez imparties par rapport à la réalité ?
C’est un conte inspiré de faits réels et donc, notre limite c’était d’être toujours juste scientifiquement. A chaque étape, nous avons eu des consultations avec des scientifiques, qui sont venus sur le terrain, qui nous ont aidé, qui nous ont accompagnés. Donc on a toujours été entouré pour ne jamais raconter n’importe quoi. Néanmoins, après c’est la libre imagination du cinéaste …dans la position des caméras, dans la manière dont on fait le montage.
Pour avoir cette matière à monter, il faut beaucoup tourner. On a fait 350 heures de rushes. 350 heures, c’est énorme ! Ces 350 heures ont permis d’avoir cette richesse pour raconter l’histoire. Je pense que le montage est fait comme un film de fiction. On a mis comme obligation qu’il n’y ait pas de voix off. C’est un challenge ! La plupart des documentaires ont une voix off.
« On s’est dit que vous êtes tous suffisamment matures pour pouvoir faire votre promenade en forêt, quel que soit votre âge. »
On s’est dit que vous êtes tous suffisamment matures pour pouvoir faire votre promenade en forêt, quel que soit votre âge. Que vous ayez la perception d’un enfant de 3 ans, ou celle d’un adulte de 50 ans. Je pense que notre intelligence nous permet de tout comprendre, de s’apercevoir de l’interdépendance de la société. Notre société, c’est une biodiversité autour de notre arbre. Tout le monde cohabite d’une façon extraordinaire et c’est indispensable.
Si on enlève un des animaux, notre fonctionnement est déséquilibré. C’est ça que le film montre, sans jamais être culpabilisant. Un de nos partenaires est le patron du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Il a comme leitmotiv : « Émerveiller pour apprendre”. Voilà, ne pas culpabiliser ! C’est pour ça qu’il n’y a aucune trace d’humain. Même s’il y en avait dans le scénario, même si on en a tourné quelques scènes avec des humains, elles se sont auto gommées.
© Copyright Gaumont / X Verleih
Sans que le film fasse d’anthropomorphisme, on s’identifie à certains animaux. Quel est pour vous le meilleur acteur du film ?
Je trouve qu’ils sont tous assez bons mais, celui qui m’a le plus épaté c’est quand même le balanin. Parce que j’avais aucune référence. Comme vous l’avez compris, j’ai passé mon enfance dans la forêt. Les écureuils, je les connais, même s’il y en a moins aujourd’hui qu’autrefois. Bon, ils sont charmants. Ils ont une bouille d’enfer. Les petits mulots sont charmants.
« Personne ne peut guider ce petit insecte ! En plus, il est très photogénique. Il a une tronche d’enfer. Spielberg aurait pu le mettre dans Jurassic Park. »
Ça nous rappelle notre jeunesse. Les gamins adorent les mulots. Celui qui m’a le plus épaté, c’est quand même le balanin ! Personne ne peut guider ce petit insecte ! On était très impressionné. En plus, il est très photogénique, ce petit insecte. Il a une tronche d’enfer. Spielberg aurait pu le mettre dans Jurassic Park.
La question est un peu ésotérique, mais aviez-vous l’impression que le chêne vous parlait d’une certaine façon …
Mais oui, mais c’est vrai, votre questionnement est vrai ! On ne sort pas indemne après avoir passé 2 ans et demi avec un arbre. Même si on allait se coucher dans un bon lit, même si on mangeait une bonne soupe le soir. Il nous a beaucoup parlé. Il y a eu des jours où il nous a fait des cadeaux extraordinaires, et des jours où il n’était pas prêt. Je sais que c’est une réponse aussi large que votre question. Je ne peux pas vous le dire.
« On a été un peu envoûtés. Le chêne est devenu quelqu’un d’important. Ça reste un végétal, mais c’est un être vivant. »
J’ai une grande passion pour la nature. Parler de cet environnement, parler de cet écosystème, on n’en sort pas indemne. On a été un peu envoûtés. Le chêne est devenu quelqu’un d’important. Ça reste un végétal, mais c’est un être vivant. Il nous a apporté, on lui a apporté, un amour commun. On a reçu un cadeau de beauté, de nature. C’est un superbe cadeau. Je pense que pour qu’un film ait un peu de succès, il faut que les gens sentent qu’on a donné beaucoup. Pour que les gens reçoivent, il faut donner énormément.
Synopsis officiel du film :
Il était une fois l’histoire d’un chêne, vieux de 210 ans, devenu un pilier en son royaume. Ce film d’aventure spectaculaire rassemble un casting hors du commun : écureuils, balanins, geais, fourmis, mulots… Tout ce petit monde vibrant, vrombissant et merveilleux, scelle sa destinée autour de cet arbre majestueux qui les accueille, les nourrit, les protège de ses racines jusqu’à sa cime. Une ode poétique à la vie où la nature est seule à s’exprimer.
Le Chêne de Laurent Charbonnier et Michel Seydoux
Sortie le 23 février 2022.
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