Par Marc Godin

Au début des années 90, deux hommes se rencontrent : l’un est à l’orée de sa vie amoureuse, l’autre à la fin. Vincent Lacoste et Pierre Deladonchamps, deux acteurs majestueux dans un mélo littéraire et intime, mais vidé de toute d’émotion.

Annoncé sur les réseaux comme le « meilleur » Christophe Honoré, un des probables sommets de Cannes, Plaire, aimer et courir vite (quel excellent titre) ne tient pas toutes ses promesses. Et si certains critiques couchent aujourd’hui sur papier leurs larmes, louent la grâce infinie du film, je suis sorti de la salle vaguement dubitatif, embarrassé par la longueur du mélo (2h 12) et le manque d’émotion de l’entreprise.

Un an après 120 battements par minute, Christophe Honoré nous livre une nouvelle histoire d’amour au temps du sida. Il y est question de Jacques, Parisien presque quadra, écrivain atteint du sida, papa d’un môme de 8 ans. Et d’Arthur, étudiant rennais, qui rêve d’étreintes, d’amour et de cinéma.

Les deux hommes se rencontrent, se plaisent, s’aiment, mais si Pierre refuse de s’engager dans une ultime histoire passionnelle alors que la mort se rapproche, Arthur veut se jeter à corps perdu dans l’aventure.

L’aube et le crépuscule

Entre Paris et Rennes, au téléphone, par courrier, l’idylle éphémère secoue les deux hommes qui vont s’aimer de loin… « Il y avait un peu l’idée, dans une même journée, de faire l’aube et le crépuscule, qu’une même histoire soit vécue d’une manière complètement différente par deux héros », assure Christophe Honoré.

Le film décrit donc l’apprentissage conjoint de l’amour et du deuil, avec quelques personnages secondaires sommairement esquissés, et oscille entre mélancolie et joie, désir absolu et mort. Mais si l’on suit deux trajectoires, deux itinéraires disjoints, le film est fortement déséquilibré quand Arthur, incarné par un ahurissant Vincent Lacoste, probablement le meilleur acteur de sa génération, n’est plus à l’écran.

On sent qu’Honoré a mis beaucoup de lui dans ses deux persos, qu’il est à la fois ce jeune étudiant de Rennes épris de ciné et de littérature et cet artiste reconnu qui élève un enfant. Il a également concocté avec amour la BO de ses 20 ans (Massive Attack, Cocteau Twins, Prefab Sprout et en bonus, pour faire chic, Anne Sylvestre et Haendel).

Un film qui vient du cœur

Ce film-là, c’est sûr, vient du cœur, et Christophe Honoré cite donc à plusieurs reprises Koltès, se rend sur la tombe de Truffaut, dans les apparts, il y a des affiches (Querelle par Warhol), des livres, des films (La Leçon de piano). On est quelque part entre la liste embarrassante d’un ado romantique et La Recherche du temps perdu, pour une œuvre à la fois très littéraire et très intime.

Sur le plan formel, Christophe Honoré lorgne une nouvelle fois vers les cinéastes de la Nouvelle vague. Il cite ouvertement Godard dans son excellent générique, puis plagie copieusement François Truffaut dans une sorte de version gay/triste des aventures d’Antoine Doisnel. Il manque peut-être la fraîcheur de Truffaut ou cette capacité à faire naître l’émotion. Car mis à part des corps à corps et une scène poignante dans une baignoire où le héros serre son ancien amant en train d’agoniser, véritable Pietà aquatique, je suis resté de marbre devant les amours sombres de Jacques et d’Arthur, pourtant incarnés par des acteurs brillantissimes. La dilatation de certaines scènes, les citations à répétition, ce recours un poil abusif à des personnages mourants qui transforment l’œuvre en mélo mortifère, ont mis un mur entre moi et ces personnages qui semblent vibrer. Comme un film sur la passion, le désir, réalisé par un entomologiste…

Déception.

Sortie : 9 mai 2018 – Durée : 2 h 12 – Réal. : Christophe Honoré – Avec : Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydès… – Genre : drame – Nationalité : française

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