Triplement récompensé aux César 2021, ce documentaire explore les tréfonds et multiples facettes de « l’âge ingrat », autour du quotidien d’Emma et Anaïs, que tout oppose. De leur treizième à leur dix-huitième anniversaire, la caméra éclaire leurs joies, leurs peines, leurs doutes. Une passerelle de nos vies que chacun emprunte mais rares sont ceux dont le souvenir de cet âge transitoire est intact. Sébastien Lifshitz (Les Invisibles, Petite fille) nous rappelle avec véracité ses embuches, autant qu’il nous clame une poésie encore méconnue de ce chapitre éphémère, auquel nul ne peut échapper.

Par Charlotte Engel

Si comme sa catégorie l’indique, Adolescentes est bien un documentaire, celui-ci se regarde comme une romance d’auteur filmée dans les règles de l’art. Ici pas la moindre présence d’une voix off, les actrices pourraient tout autant jouer un rôle qu’être filmées à leur insu.

Séduisant mélange de spontanéité et de jeu, traversée audacieuse au cœur d’une jeunesse mise à nue, dans un contexte plus que bouleversant. En effet, nul ne s’attend à revivre de si près, la série d’attentats de Paris en 2015. Les archives font froid dans le dos, le réalisateur capture les réactions face à cet événement, issues d’esprits critiques en pleine mutation et déjà surprenants de vivacité.

Puis il y a les élections 2017 et plus précisément la finale Macron-Le Pen, ou comment ces âmes insouciantes cherchent à se libérer de leurs croyances, sans forcément y parvenir.

Ados et contre tous 

Chez Anaïs, les avis politiques sont bien tranchés et semblent irréfléchis, voire déraisonnés. On agit impulsivement, par instinct de survie, selon ce qui peut encore nous sauver de la médiocrité.

Du côté d’Emma, les rouages sont autres, sa mère l’encourage à parler, Emma lui tient tête, s’en moque royalement, se plaît à contredire. Le conflit intergénérationnel, aspect non négligeable de l’adolescence, réalité que Sébastien Lifshitz perce à jour, en classe comme à la maison. L’ado, pas tout à fait adulte, pas tout à fait enfant et cet entre-deux transparaît parfaitement dans le film.

Les adolescents se comprennent dans leur langage, selon qu’ils soient de droite, selon qu’ils soient de gauche, selon qu’ils soient bourgeois ou moins privilégiés. Tous aspirent à la liberté et cette liberté passe par l’excès, l’exploration des sentiments, du corps physique.

« L’avenir peut créer de l’anxiété, voire angoisser terriblement », nous dit-on au travers des yeux d’une auxiliaire scolaire.

L’avenir nous sépare

L’adolescence, entre bouleversements hormonaux et découverte des limites, implique aussi de faire des choix. Des choix cruciaux pour sa vie future. Anaïs, influencée par son milieu sans doute, moyennement studieuse, s’oriente sur une voie professionnelle, qui la fait grandir, incontestablement. Emma se dirige vers un baccalauréat général, en vue d’étudier le cinéma à Paris. Toutes deux appréhendent cette séparation mais toutes deux demeurent lucides quant à ce qui les attend. Avec leurs mots d’adolescentes, à demi nostalgiques, elles s’avouent que l’avenir pourrait les éloigner, les mener vers deux chemins opposés.

Adolescentes, portrait authentique d’une jeunesse moderne, sans emphase ou lyrisme malvenus. Du dialogue au cadrage, ce documentaire nous livre avec finesse ce qu’un adolescent lui-même pourrait reconnaître comme tel.

Un film juste et bon.

à lire aussi : notre critique des Invisibles

Sortie : 2019, disponible en mars 2021 en VOD – Durée : 1h25 – Réal. : Sébastien Lifshitz – Avec : Emma, Anaïs…  – Genre : documentaire – Nationalité : Française

Et SEE tu partageais cet article ?

Séduisant mélange de spontanéité et de jeu, traversée audacieuse au cœur d’une jeunesse mise à nue, dans un contexte plus que bouleversant. En effet, nul ne s’attend à revivre de si près, la série d’attentats de Paris en 2015. Les archives font froid dans le dos, le réalisateur capture les réactions face à cet événement, […]