Par Jean-Pascal Grosso

D’une jolie idée de court-métrage, Danny Boyle tire un film de presque deux heures. Le résultat donne une ode beatlemaniaque molle pour millenials nostalgiques béats. Bof.

Il y a déjà un « couac » au sujet de Yesterday. Sur le site Imdb (au chapitre « Trivia »), il est écrit : « Danny Boyle s’est retiré de la réalisation du Bond 25 et dirige ce film à la place. » (« Danny Boyle stepped down from directing Bond 25 and helms this film instead. ») Pour ensuite indiquer que son tournage a commencé le 21 avril 2018. Soit trois mois avant que Boyle ne claque précocement la porte du Bond.

Yesterday n’est donc pas né d’une frustration post-eonienne (du nom de l’ultra-puissante et dirigiste Eon Productions, matrice des aventures de 007). Aux historiens du cinéma et aux biographes de régler plus tard le problème – notez la paresse intellectuelle de l’auteur de ces lignes. Le film, lui, rejoint juste la liste des œuvres plus mineures (Millions, Trance…) du réalisateur de Trainspotting et de Slumdog Millionaire.

Mais où sont les Beatles et… Coca-Cola ?

Yesterday est avant tout un film fantastique. Après que la planète entière ait été plongée quelques minutes dans l’obscurité (au diable les fuseaux horaires), phénomène auquel aucune explication ne sera donnée, un chanteur amateur décidé à mettre sa carrière au clou se réveille à l’hôpital. Plus tard, entouré de son « agent », l’affable et pataude Ellie (Lily James en robe à fleurs), et d’un groupe d’amis tous caricaturaux, Jack (Himesh Patel, acteur issu d’un soap de la BBC, charisme niveau ceinture jaune), entame Yesterday sur sa nouvelle guitare. Là, extase et tremblements : il découvre que le monde a « oublié » l’existence des Beatles (et du Coca Cola, etc.) ! Pour l’interprète anonyme, c’est la concrétisation d’un rêve : profiter à lui seul de l’héritage culturel et de la fortune des « quatre garçons dans le vent »…

Imposé comme le « feel good movie » de l’été sur un registre « Tu vas finir ta soupe au bonheur ?! », Yesterday est dans l’air du temps : léger, niais, manichéen à souhait. Danny Boyle se fiche, non sans brio, de ces consortiums qui font main basse sur la culture actuelle – scène mordante dans un immense bureau de Los Angeles – mais le coup de griffe s’arrêtera là. Le mec, il est vrai, turbine lui aussi pour Hollywood…

On tourne en rond

Si elle part sur les chapeaux de roues, son histoire s’installe vite dans le confort d’une époque montée sur trottinette. Tout le monde y est bon, bobo, policé, ose à peine flirter, coucher encore moins ; adulescents bercés au son des Beatles (mais aussi d’Ed Sheeran en caméo de luxe) et sous l’ombre tutélaire de John Lennon, ce provo’ des 33 tours, aujourd’hui figure pop sanctifiée.

Film « sympathique », il finit par tourner en rond dès sa première heure – encore une autre à tenir – pour se solder en acte contrition du « héros » contre le show business (atroce prestation de Kate McKinnon en agent US enragée), le fric facile et la honte du plagiat.

Vous avez dit plagiat ?

Sur ce dernier point, Boyle a du culot : déjà fortement inspiré par le thème du Jean-Philippe de Laurent Tuel, Yesterday serait, selon nombreux journalistes et fans, très proche d’une bande-dessinée de 2011 signée du français David Blot et intitulée… Yesterday. Les points communs entre les deux œuvres ne sont pas qu’illusoires jusqu’aux prénoms de l’élue du cœur du personnage principal (Ellie chez Boyle, Eli chez Blot). Mais, comme lu dans le magazine Le Point : « Blot ne parle pas de plagiat. » Cocu mais content ? Ce n’est pas les Beatles, ça. C’est du Serge Lama !

Sortie : 3 juillet 2019 – Durée : 1h57 – Réal. : Danny Boyle – Avec : Himesh Patel, Lily James, Ed Sheeran… – Genre : comédie – Nationalité : britannique

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