Santa et Cie
Par Olivier Rouhet
Il transparaîtra dans cette chronique, un semblant de vénération : Alain Chabat est grand ! Inutile de revenir sur sa carrière chez les Nuls, ou sur ses précédentes mises en scènes sur grand-écran, avec Santa et Cie, Alain Chabat vient de réaliser un formidable exercice de funambule. Un exploit à la Amblin (auquel il rend un élégant hommage via un plan totalement pompé sur E.T.), que Steven Spielberg ne pourra qu’apprécier : séduire de 5 à 95 ans.
Le pitch très léger de Santa et Cie, se résume en quelques mots : les 92 000 lutins fabricateurs de jouets du Père Noël sont tous atteints d’une maladie bizarre : grippe/rhume/allergie aux produits Lactalis ? La solution trouvée par Mère Noël (Audrey Tautou), est de dénicher à deux jours du 24 décembre, 92 000 comprimés de vitamine C. Santa est donc contraint de se rendre sur terre (enfin, dans le monde réel, enfin à Paris quoi…) pour se procurer le précieux remède.
Après une petite demi-heure passée en Laponie à superviser ses troupes (une demi-heure un peu pénible pour le spectateur adulte qui se voit plongé dans une usine à jouets cheap à souhait qui rappelle l’attraction Disney « It s a small world after all, na na na » – vicieux comme nous sommes, nous espérons vous pourrir la journée en vous mettant en tête cette entêtante et machiavélique ritournelle –, Santa se rend donc à Paris à contre cœur, et se gare près du « grand jouet rouge » (Le Moulin Rouge !). Et c’est là que l’on passe enfin à l’humour « adulte », et au toujours efficace concept du mec qui se retrouve paumé dans un espace-temps qu’il ne connaît pas. On pense bien évidemment aux Visiteurs.
À partir de là c’est une débandade de rires. On commence par un caméo de Jean-Pierre Bacri en Père Noël de sex-shop, plus glauque que « hotte », suivi d’une arrestation pour vol dans une pharmacie : Santa ignore le concept de commerce et ne sait pas que les médicaments, ben faut les payer. Une robe verte n’est pas une carte Vitale même si on parle de la même couleur. S’ensuit une garde à vue incroyable, et une rencontre entre un avocat commis d’office, et son irrésistible épouse, travailleuse du matin à Rungis (touchante Golshifteh Farahani).
Chabat tricote son bonnet de Noël jouant superbement de la naïveté de son personnage. Il découvre que les enfants, on a beau les aimer, ben ils sont chiants : « Je croyais que les gosses, c’était toujours sage puisque je ne les vois que la nuit, quand ils dorment ! » Et quand l’intrigue proprement dite, « la quête des 92 000 comprimés de vitamine C » se délite, Chabat se lâche et nous emmène dans une chevauchée fantastique, sur son traîneau, tracté par ses rennes, parcourant les rues de Paris avec en point d’orgue, un survol destructeur des Champs-Élysées illuminés. Une séquence magnifiée par des FX de haute volée qui permet par sa splendeur de faire gober le deus ex machina qui assurera un peu plus tard la guérison des lutins.
Réalisé sur une période inférieure à deux ans (Chabat en eut l’idée le 25 décembre 2015 alors qu’il se promenait aux États-Unis), le Nul émérite réussit un conte de Noël un peu bancal (opposition humour enfant/humour adulte) qui paradoxalement satisfait les deux publics. Avec finalement, assez peu de films à son actif en tant que réalisateur, Alain Chabat est encore un cinéaste/auteur en construction, mais le futur de sa carrière est bien loin de sentir le sapin !
Date de sortie : 6 décembre 2017 – Durée : 1h35 – Réal. : Alain Chabat – Avec : Alain Chabat, Golshifteh Farahani, Pio Marmaï… – Genre : français, comédie – Nationalité : française
Après une petite demi-heure passée en Laponie à superviser ses troupes (une demi-heure un peu pénible pour le spectateur adulte qui se voit plongé dans une usine à jouets cheap à souhait qui rappelle l’attraction Disney « It s a small world after all, na na na » – vicieux comme nous sommes, nous espérons vous pourrir […]