Par Marc Godin

Adulte, Danny Torrance essaie de sauver une ado qui a le shining des griffes d’une sorcière maléfique. Scénario bas de plafond et relifting digital de l’Overlook : c’est Kubrick qu’on assassine.

Drôle d’idée que de vouloir donner une suite à Shining, film-monde, labyrinthe mental qui fait fantasmer des milliers de cinéphiles et fans de Kubrick depuis 40 ans. Objet mystérieux, le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick est une énigme et a donné naissance à une abondante littérature, des théories fumeuses sur le net, un doc (Room 237, avec ses ITV d’allumés), des centaines d’affiches alternatives et même une séquence-hommage de Steven Spielberg dans Ready Player one.

Flairant le bon coup et faisant chauffer le tiroir-caisse, la Warner a décidé d’adapter le bouquin de Stephen King, Doctor Sleep, suite de Shining sortie en 2013, nanar boursouflé que j’avais abandonné au bout d’une centaine de pages des plus laborieuses.

Danny, le petit bonhomme qui a survécu à la rage meurtrière de son père dans les couloirs sanglants de l’hôtel Overlook, a maintenant une quarantaine d’années. Comme son défunt papa, il a un gros penchant pour la bouteille et a picolé toute sa vie pour tenter de survivre à ses traumas d’enfance. Après une cure de désintox, il est parvenu à oublier les fantômes de l’Overlook.

Mais bientôt, son mystérieux pouvoir, le shining, s’affole. Abra, une ado en détresse qui semble posséder elle aussi le shining, tente de le contacter, et dans l’ombre, la vénéneuse Rose et sa secte mystérieuse (hello la Manson Family), entre les serial-killers et les vampires, s’agitent pour trouver, torturer et tuer tous les enfants porteurs du don…

Un réalisateur issu de l’écurie Jason Blum

Quand la bande-annonce de Stephen King’s Doctor Sleep (il n’aurait pas chopé le melon notre King ?) a déboulé sur le net, les fans de Shining se sont mis à frissonner… de désir. Puis à espérer. On y découvrait Ewan McGregor errer dans les couloirs de l’hôtel Overlook, Danny sur son tricycle, les fillettes, le labyrinthe, la vieille de la salle de bains, Redrum…

L’Overlook brûlait à la fin du roman originel et donc était absent de la suite du King. Et donc, on découvrait – incrédule – que le scénariste-réalisateur Mike Flanagan, habitué des productions Blum, ressuscitait l’hôtel hanté et sa cohorte de monstres. Et donc le fantôme de Stanley Kubrick. Grosse claque et énorme attente. Caché aux critiques, le film sort enfin et c’est une terrible déception. D’ailleurs, ce produit s’apparente plus à une série TV qu’à un véritable film.

Tourisme digital

Le premier « problème » de Doctor Sleep, c’est la faiblesse du matériau d’origine. Avec Shining, Kubrick s’était complètement approprié le roman de King et l’avait transformé en odyssée de la peur, en conte psychanalytique qui titille le subconscient, une œuvre mythologique où les hommes cherchent à dévorer leur progéniture au fin fond d’un labyrinthe.

Un objet filmique ahurissant que Stephen King poursuit toujours de sa détestation. Ouvertement fantastique mais sans mystère, le scénario de Doctor Sleep est bien plus classique et regorge de scènes bateau avec méchants mutants, super-pouvoirs et personnages qui volent. Tout est linéaire et bas de plafond, Flanagan tente d’expliciter toutes les énigmes de Shining et son film s’apparente à un concentré de rien pendant 120 minutes…

Franchement, on se cogne des états d’âme de Danny et des motivations de la sorcière avec sa forte poitrine et son petit chapeau. Puis, dans les trente dernières minutes, Danny et Alba affrontent la terrible sorcière dans l’Overlook, ressuscité.

Pendant quelques secondes, on se met à espérer mais ce final est encore pire que le reste du film. Que fait Mike Flanagan ? Il nous balade dans les couloirs moisis de l’hôtel pour une sorte de tourisme cinéphilique absurde et digital (oh belle la salle de bains, ah, le labyrinthe) et fait apparaître les fantômes de l’hôtel pour un ultime tour de piste. Mais que se passe-t-il ? Rien ou presque.

Et toute la magie/folie/puissance psychanalytique de Kubrick est évacuée au profit d’une scène foireuse où des fantômes numériques mettent à mort un personnage. C’est simplement lamentable, un naufrage, et comme un alchimiste raté, Flanagan transforme l’or en merde. Tu termines la projection liquéfié, devant une telle déjection cinématographique.

Zéro mystère

L’autre « problème », c’est bien sûr la mise en scène. Flanagan a le décor de Kubrick, certains de ses personnages et de ses « acteurs », sa musique et se permet même de recopier/remixer plusieurs séquences iconiques. Et pourtant, rien ne fonctionne vraiment. Il est parfois stupéfiant de revoir le plan d’ouverture en hélico, Danny sur son tricycle ou le sang expulsé de l’ascenceur, d’entendre le battement de cœur ou le Dies Irae d’Hector Berlioz, mais tout cela est au service de rien. Il manque à Doctor Sleep un réalisateur de talent, et surtout le mystère qui irriguait le cœur noir du monument de Stanley Kubrick.

A fuir…

Sortie : 30 octobre 2019 – Durée : 2h32 – Réal. : Mike Flanagan – Avec : Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Kurran… – Genre : suspense – Nationalité : Américaine

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