Glass
Par Marc Godin
Dans un hôpital psy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson et James McAvoy soliloquent à l’infini sur les super-héros. M. Night Shyamalan se plante en beauté avec une suite bavarde et prétentieuse d’Incassable et de Split. Critique avec de gros morceaux de spoil dedans.
Pas de suspense, pas de faux semblant, pas de pitié : Glass est un ratage total, absolu, le naufrage de M. Night Shyamalan, et la déception est à la hauteur de l’attente des fans d’Incassable qui priaient pour une suite des aventures de Bruce Willis et Samuel L. Jackson depuis… 19 ans !
Le nouveau film de Shyamalan raccorde juste après la fin de Split. La Bête (James McAvoy) terrorise Philadelphie et multiplie les massacres de jeunes filles. David Dunn (Bruce Willis) a perdu sa femme, morte d’un cancer, mais a ouvert avec son fils un magasin de surveillance.
Après le boulot, il endosse sa cape de vigilante, fait de heures sup dans les rues mal famées et explose racailles et frappadingues. Il est bien sûr sur la piste de la Bête, qui a kidnappé quatre pom pom girls, et l’affronte dans une usine désaffectée, lors d’un combat frénétique.
Mais l’armée intervient et les deux ennemis sont envoyés illico presto dans… un hôpital psychiatrique (pas une prison sécurisée, non, non, un vieil asile décrépi) où les attend une vieille connaissance, Elijah Price, Mister Glass himself.
Trois hommes dans un asile
Glass commence sur des chapeaux de roue. Shyamalan opère la parfaite synthèse entre Incassable et Split et le fan se recroqueville de bonheur dans son fauteuil, extatique à l’idée de retrouver Bruce Willis arpenter les rues sales de la Philadelphie, frôler les passants afin de tenter de flairer le tueur.
C’est superbement écrit, finement ciselé, mais au bout de 20 minutes, le scénario s’écroule. James McAvoy, Bruce Willis et Samuel L. Jackson se retrouvent murés dans un asile où une psy inquiétante, spécialisée dans les délires super-héroïques (c’est une spécialité hollywoodienne, oui, oui) va passer une plombe à essayer de les persuader (mais également le spectateur) qu’ils ne sont PAS des super-héros, qu’ils n’ont rien de surhumain, pas de pouvoirs. Pourquoi, quel est l’intérêt de cet arc narratif ? C’est une bonne question…
Une laborieuse piste narrative
Grand scénariste, Shyamalan aligne à l’infini les séquences de thérapie didactiques et les trois acteurs principaux semblent évoluer dans des films différents : Willis lève un sourcil dubitatif, Jackson bave car abruti par des tranquillisants, et McAvoy fait le show en changeant de voix toutes les 30 secondes, répétant ad nauseam les meilleures grimaces de Split.
Night Shyamalan a déclaré que son film « tentait l’amalgame de Superman et de Vol au-dessus d’un nid de coucou», mais la laborieuse piste narrative de la thérapie de choc est vouée à l’échec car elle ne sert qu’un misérable twist à venir. Rien ne fonctionne.
Les personnages n’interagissent pas les uns avec les autres, mais surtout, on ne croit jamais à la mission de la psychiatre. Dans Incassable, Shyamalan avait mis près de deux heures à convaincre son spectateur abasourdi que Willis était bien un super-héros herculéen et Jackson un super méchant vicelard.
Cela fait 20 ans que le spectateur en est persuadé et il n’en doutera jamais. On voit même au début de Glass, Willis plier l’acier comme s’il s’agissait de chair à saucisse et McAvoy marcher au plafond.
La déconstruction de la mythologie super-héros
Pour masquer le vide, nous emmener péniblement à son petit twist foireux et vaguement conspirationniste, Shyamalan fait dans le méta (méta sœur ?), comme diraient les critiques branchés, entame une déconstruction de la mythologie super-héros, fait l’éloge de l’imaginaire et de même son œuvre. Est-ce que tout cela a le moindre intérêt ?
Absolument aucun.
Une production Jason Blum cheap et bavarde
Sur le plan formel, la déception est moindre, parce que Shyamalan a de beaux restes. Fils spirituel d’Hitchock et de Spielberg, il a un sens du cadre absolument époustouflant, sait utiliser le hors champ et provoquer l’angoisse avec un simple mouvement de caméra. Il est bien sûr aidé par des cadors comme le chef op Mike Gioulakis (It Follows) et les monteurs Blu Murray (Mystic River) et Luke Ciarrocchi (Phénomènes, Split) et certaines séquences font bien sûr illusion. Mais que peut faire le meilleur technicien quand il doit illustrer, enluminer un scénario poussif et abscons ?
De plus, si Glass est distribué par Universal (qui a les droits de Split) et Disney (qui possède ceux d’Incassable), il ne faut pas oublier que c’est une production Jason Blum, donc un truc un peu cheap, tourné en huis-clos, avec un terrible affrontement final de 50 secondes, filmé sur une pelouse et un bout de parking. Vraiment épique…
Du vieux dans du neuf
Pour finir de vous convaincre, je dois vous confesser (ATTENTION SPOIL) que les deux meilleures scènes de Glass proviennent directement… d’Incassable. Notamment une scène coupée entre Bruce Willis et son fils, joué par Spencer Treat Clark, alors âgé de 12 ans, qui raccorde avec le présent alors que l’acteur en a maintenant 30. L’effet est époustouflant, meilleur que n’importe quel morphing et évoque un bref instant la poésie existentielle de Boyhood.
Paralysé, exsangue, M. Night Shyamalan est obligé de piocher dans des scènes qu’il avait abandonnées en 1999 pour donner un peu de vie à ce truc informe, raté et sans enjeu. Quel aveu d’échec !
Comment le réalisateur plaqué or de classiques comme Sixième sens et Incassable peut-il saboter de la sorte une histoire à laquelle il ne croit même pas, nous livrer cette succession de clichés, de monologues incompréhensibles avec des acteurs peu concernés ou mal dirigés comme Sarah Paulson, dont on est persuadé, tant son jeu est outré, qu’elle n’est pas ce qu’elle prétend être au bout de 15 secondes ? C’est simplement incompréhensible.
Au-delà de la déception…
Sortie : 16 janvier 2019 – Durée : 2h09 – Réal. : M; Night Shyamalan – Avec : James Mc Avoy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson… – Genre : suspense – Nationalité : américaine
Mais l’armée intervient et les deux ennemis sont envoyés illico presto dans… un hôpital psychiatrique (pas une prison sécurisée, non, non, un vieil asile décrépi) où les attend une vieille connaissance, Elijah Price, Mister Glass himself. Trois hommes dans un asile Glass commence sur des chapeaux de roue. Shyamalan opère la parfaite synthèse entre Incassable […]