Avengers : Infinity War
Par Marc Godin
Le troupeau bariolé de super-héros de la Marvel affronte Thanos, malabar mauve qui veut éradiquer la moitié du cosmos. Batailles rangées illisibles, vannes foireuses : un Barnum épuisant et vain.
C’est l’effervescence pour la projo d’Avengers : Infinity War. On nous fait bien comprendre la chance que l’on a de voir le film en avant-première (moins de 24h avant la sortie française) et tous les geeks et gentils influencers barbus trépignent.
A côté de moi, deux grands garçons posent des figurines de super-héros sur le rebord du fauteuil de devant et les prennent en photo…
En attendant le début de la projo, je regarde l’affiche bariolée sur l’écran et je compte les personnages. 25, pas moins de 25 super-héros (contre 6 dans le premier Avengers), avec des flingues plus ou moins phalliques, des armes diverses et variées, et tout ce beau monde qui prend la pose avec la tronche d’un constipé qui ne s’est pas soulagé depuis une bonne semaine.
Les barbus autour de moi cancanent « Drax est raté, on dirait un grand brûlé », « Vision est tout petit sur l’affiche et il sera également dans le Star Wars, Solo », « Thanos, il ressemble à Jean-Pierre Castaldi » et autres « J’ai un podcast à terminer ».
Je commence à me lasser de ces considérations philosophiques quand un projectionniste lance enfin le bouzin. Et c’est parti pour 2h 35. Non, pas vraiment, car tout d’abord, les acteurs d’Avengers, filmés à la cool en costard top relax, nous balancent un blabla comme quoi il ne faut pas spoiler le film. Ce n’est pas du Shakespeare, ce n’est pas Le Sixième sens, non non, c’est Avengers et il ne faudra rien révéler des « secrets » de ce très beau scénario.
Un scénario écrit une nouvelle fois par deux cadors, Christopher Markus et Stephen McFeely, déjà auteurs de nanars comme No Pain no Gain, Le Monde de Narnia ou Thor : le monde des ténèbres. Deux tacherons qui pondent un script ultra basique : Thanos, un géant mauve et mauvais, veut mettre la main sur les pierres de l’infini, « des cristaux apparus avec le big bang », pour les insérer sur son beau gant très PD SM. Eco-warrior un poil radical, Mr T veut éradiquer la moitié de la population de l’univers (comme Ultron dans Avengers 2, en gros).
155 minutes de bourre-pifs galactiques
Dans l’espace, en Ecosse ou au Wakanda, il va affronter les héros des différentes franchises de la Marvel (il manque Hawkeye et Ant-Man). Et c’est parti pour 155 minutes de bourre-pifs galactiques, de vannes de la mort (« Tu es à un sandwich d’être obèse » balancé à un Chris Pratt rondouillard) et de morts très tristes de persos importants (un peu comme au chamboule-tout, mais je n’ai droit de rien dire, sinon Kevin Feige va me forcer à regarder l’intégrale des 19 films de la Marvel).
Bon, à la décharge des deux gratte-papiers, le film est destiné aux mômes de 7 à 14 ans (et les geeks), autant pour la complexité ou une narration élaborée. L’autre problème, c’est de faire cohabiter et vivre à l’écran 25 personnages. Steve Zaillan ou Aaron Sorkin auraient une chance d’y parvenir, pas nos deux lascars, qui centrent le film sur Thanos, le seul perso un peu construit, Iron-Man, Thor ou Star Lord. Les autres font de la figuration de luxe : Scarlett Johansson a trois scènes, Hulk, le Faucon, T’Challa ou War Machine n’existent simplement pas. Ils se content de faire des double-saltos arrière ou de balancer des vannes pourries. Comme dit Deadpool (qui n’est pas dans le film), « That’s just lazy writing ». Le film s’apparente souvent à un épisode final d’une saison de série télé. On fait monter la sauce, on accumule les guest stars et les cliffhangers et on compte les morts à la fin.
Pas un seul plan iconique
Sur le plan formel, il n’y a pas un plan iconique, excitant, pas une idée de cinéma dans Infinity War. Mais comment pourrait-il en être autrement avec les frères Russo, deux mecs venus de la télé, 11 producteurs et 18 réalisateurs de seconde équipe ou assistants réa ? En voilà un film personnel… C’est du cinéma de comptable (Avengers serait le film le plus cher de l’histoire du cinéma), du cinéma d’informaticiens qui saturent l’écran de créatures diverses et d’explosions très zolies.
Dans la partie space Opera, les Russo Brothers repompent l’esthétique des Gardiens de la galaxie et pour les séquences de batailles rangées, c’est Peter Jackson le mètre-étalon. Sauf que les Russo ne semblent pas être capables d’emballer la moindre scène d’action et c’est le plus souvent illisible… On pourrait (devrait) être dans pur plaisir cinétique avec des super-héros flashy (l’armure rutilante d’Iron-man en nanoparticules !) qui se bastonnent sans modération et pourtant on regarde ça comme un filet d’eau tiède en attenant la fin. Quand elle est (enfin) arrivée, je n’étais même pas déçu. Ce n’est même pas un film mais un fourre-tout cosmique, un Barnum assourdissant (avec une musique badaboum d’Alan Silvestri) conçu pour vendre des jouets dans le monde entier, un produit mesquin puisque pour connaître le dénouement, il faudra attendre un an.
Et repasser à la caisse…
Sortie : 25 avril 2018 – Durée : 2 h 35 – Réal. : Les frères Russo – Avec : avec Robert Downey Jr., Josh Brolin, Scarlett Johansson, Chris Pratt… – Genre : science-fiction – Nationalité : américaine
Les barbus autour de moi cancanent « Drax est raté, on dirait un grand brûlé », « Vision est tout petit sur l’affiche et il sera également dans le Star Wars, Solo », « Thanos, il ressemble à Jean-Pierre Castaldi » et autres « J’ai un podcast à terminer ». Je commence à me lasser de ces considérations philosophiques quand un projectionniste lance […]