Avant la série Les Soprano, à la fin des années 60, le jeune Tony faisait ses gammes de mafieux auprès de son oncle, l’impitoyable Dickie Moltisanti… Entre film d’initiation et de gangster « à la manière de » (Scorsese, Coppola..of course) The Many Saints of Newarkécrit par David Chase, le père des Sopranoest aussi et surtout la préquelle cinématographique du chef-d’œuvre qui a lancé l’âge d’or des séries. Nostalgique à souhait, même s’il n’atteint pas ses sommets.

Par Christelle Laffin

Loin d’être innocents, les saints de Many Saints of Newark ont les mains sales. A l’image de Dickie Moltisanti (« Beaucoup de Saints », en italien = « Many Saints », en anglais), l’oncle de Tony Soprano. C’est d’ailleurs son fils, Christopher (Michael Imperioli) qui nous narre, d’outre-tombe, les jeunes années de Tony, futur héro de la série les Soprano et son mentor et meurtrier.

Une série révolutionnaire

Ce commentaire n’est que le premier clin d’œil référentiel d’une longue liste à la série qui, il y a 22 ans, révolutionnait la façon dont on faisait de la télévision : en la tirant vers le haut, lui conférant une qualité narrative et visuelle toutes cinématographiques. Et l’intérêt de ce film de gangsters somme toute classique réside là : dans sa dimension de préquelle sur grand écran de la série désormais cultissime d’HBO.

Quatorze ans après le «fondu au noir » de son ultime épisode, un retour à son univers unique. Réalisé par un vétéran de la chaîne à péage Alan Taylor (de OZ à Game of ThronesMany Saints of Newark a été co-écrit par son créateur et showrunner, David Chase et le scénariste déjà récompensé pour son travail sur la série, Lawrence Konner.

Un roman d’initiation

Ce retour aux sources de la légende de Tony (l’irremplaçable et regretté James Gandolfini) interprété ici par l’excellent Michael Gandolfini, le fils de James, est un roman d’initiation sis entre les 60’s et 70’s dans le New Jersey en plein affrontements entre les clans d’italo-américains et d’afro-américains. Chase s’était inspiré de sa relation avec sa mère, toxique, pour créer Tony, le père de famille et parrain de mafia italo-américain sujet aux crises d’angoisse qui se rendait chez sa psy entre deux gueuletons, un meurtre de sang-froid et une visite à sa maîtresse.

Aussi attachant que moralement repoussant, charmant que terrifiant, cet énorme grizzly au sourire d’enfant était l’incarnation même de l’anti-héro de télé que l’on aimait détester (et inversement). Sans lui Walter White de Breaking Bad, Don Draper de Mad Men et Vic Mackey de The Shield  n’auraient d’ailleurs jamais vu la lumière LED de nos postes de télé.

Beau gosse charmeur et psychopathe

On apprend ici que Tony a de qui tenir, avec une mention spéciale  pour  Dickie, Alessandro Nivola (A most Violent Year), aussi beau gosse charmeur que psychopathe sanglant, parfait en mentor torturé. Dans le film, le père de Tony, Johnny « Boy » Soprano (Jon BernthalThe Wolf of Wall Street) et ses oncles Dickie et Corrado «Junior » (Corey Stoll, House of Cards) pour qui le sens de  « famille » et « d’honneur » varie  au gré de leurs convoitises – une femme, un territoire- un business- s’avèrent des figures masculines toxiques à souhait. Et ce n’est pas Livia (Vera Farmiga, méconnaissable) sa mère, déjà passive-agressive, et ni ses tantes contraintes de fermer les yeux sur les agissements de leurs hommes, qui pourront le soustraire à son destin.

Nostalgie, quand tu nous tiens !

Conscient de sa carte « nostalgie » à jouer dans le revival de la mythologie des Soprano  – la série a cartonné en streaming pendant la pandémie- et des films de mafia qui l’ont inspiréMany Saints… l’abat à tous les niveaux. Après le gimmick de la voix off omnisciente et le casting de Ray Liotta, héros des Affranchis, dans un double rôle clé, on sourit devant les versions « jeunes hommes » volontairement clownesques (postiches à l’appui), du futur trio de « lieutenants » de Tony, Silvio Dante, Pussy Bonpensiero et Paulie Walnuts… ou de voir des scènes déjà évoquées en anecdotes dans les Soprano « en vrai » (la fois où le père de Tony dégaina son arme et tira sur la coiffure de Livia pour la faire taire !)

Portée par une bande-son rock, pop et soul digne de la grande époque de la série, la réalisation d’Alan Taylor (Thor : Le Monde des Ténèbres) s’efface derrière le propos : poser les bases d’une œuvre monumentale en à peine deux heures, tout en offrant le portrait d’une époque et d’une communauté, sans complaisance pour sa violence, son racisme ni son sexisme assumé.

L’exercice, délicat, de ne pas s’aliéner les non- fans tout en comblant les aficionados, est réussi. Car le défi, au sortir de la salle, sera de ne pas céder à l’envie irrépressible de se replonger presto dans les 86 épisodes de la saga Soprano. Tony, son clan et ses saints mafieux, auxquels, comme le ParrainScarface ou les Affranchis, on pourra toujours choisir de se vouer.

Sortie : Le 3 novembre 2021 – Durée : 2h03 – Réal. : Alan Taylor – Avec : Alessandro Nivola, Leslie Odom Jr., Vera Farmiga… – Genre : Policier – Nationalité : Américaine

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