Sans un bruit
Parc Marc Godin
Une famille tente de survivre dans un monde peuplé de créatures sanguinaires, aveugles mais sensibles au moindre bruit. Un film d’horreur muet qui s’effondre au bout de 15 minutes.
Sans un bruit -mais sans trop d’idées non plus-, est symptomatique du cinéma hollywoodien contemporain : un pitch de court-métrage étalé sur 90 minutes, pas de réalisateur, pas plus de scénariste, une série Z gonflée aux dollars et aux images de synthèse pour masquer le vide.
Tout commence pourtant avec une bonne idée : la terre a été envahie par des créatures véloces, sanguinaires et aveugles. Elles boulotent tout sur leur passage et repèrent leurs proies dès qu’elles entendent le moindre bruit. Dans un coin reculé de la campagne US, la famille Abbott (sans Costello), papa barbu, maman enceinte, fifille sourde et garçon RAS tentent de survivre aux bestioles pleines de dents et à un script inepte.
Bon, il y a donc un concept : un film d’horreur quasi muet.
Le duo de scénaristes, Bryan Woods et Scott Beck, installe une menace terrifiante – des monstres aveugles – mais ils sont incapables d’écrire de vrais personnages ou de construire un arc narratif.
Un début fracassant mais…
Dès le générique, ils plantent une séquence choc : le massacre d’un enfant, histoire de crucifier le spectateur. Et pendant toute la durée du long-métrage, ils joueront sur ce ressort dramaturgique malsain, la mort d’enfants, pour tenter de générer du suspense. Assez putassier comme procédé. Très malins, ils ne donnent aucune explication sur l’invasion des aliens malvoyants, puis décrivent la routine de la famille qui a élaboré un tas de stratagèmes pour échapper aux bébêtes.
Mais au bout de 15 minutes, il n’y a plus de film. Les scribouillards repompent la scène de la cave de La Guerre des mondes de Steven Spielberg qu’ils étirent sur 30 minutes. Très vite, c’est n’importe quoi : Emily Blunt, enceinte jusqu’aux yeux, accouche dans une baignoire avec un monstre à 25 centimètres du nouveau-né. Mais quel demeuré déciderait d’avoir un môme dans un monde où le moindre bruit te condamne à être transformé en hachis parmentier ?
Presque comique
Un bébé, ça crie, ça hurle, ça pleure ! Le script enchaîne les péripéties absurdes, débiles, incohérentes, la palme revenant à… un clou. De fait, la famille a aménagé des kilomètres de chemin avec du sable pour se déplacer sans bruit, transformé leur maison en sanctuaire insonorisé, un silo à grain en refuge : bref, tout est pensé, ordonné, nickel chrome. Mais pas de bol, au milieu d’une marche ultra clean qui mène à la cave, il y a un beau clou de 25 centimètres qui semble sorti de La Dernière tentation du Christ. Bon, tu imagines la réaction du personnage qui va voir son pied transpercé, mais c’est tellement con, invraisemblable, qu’au lieu de te recroqueviller sur ton siège, tu te marres quand le croquemitaine, mix entre Venom et l’alien de H. R. Giger, déboule.
Un bon réalisateur pourrait sauver, voire transcender ce script pathétique, mais c’est l’acteur principal, Joseph Krasinski, qui s’y colle. On l’a vu dans la version US de The Office, l’excellent Promised Land de Gus Van Sant et le très mauvais 13 Hours de Michael Bay. Las, Krasinski n’a pas l’ombre d’une idée de mise en scène. Il fait du copié/collé de scènes chocs de Spielberg, de M. Night Shyamalan ou de Ridley Scott et ne parvient même pas à jouer avec le son, pourtant au cœur du récit.
Les monteurs son de Michel Bay font bien sûr péter les infrabasses, les coups de cymbales quand les monstres s’abattent sur leurs proies, jouent avec le sifflement de la prothèse auditive de la môme, mais tu imagines ce qu’aurait fait un David Lynch avec un tel matériau…
Sans un bruit est donc bien sûr une énorme déception, qui a enchanté les critiques US et le public. Cette production Michael Bay, qui devait à l’origine être un opus de la franchise Cloverfield, aura donc une… suite. Vaut mieux entendre ça qu’être sourd !
Sortie : 20 juin 2018 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Joseph Krasinski – Avec : Joseph Krasinski, Emily Blunt, Millicent Simmonds… – Genre : horreur – Nationalité : américaine
Le duo de scénaristes, Bryan Woods et Scott Beck, installe une menace terrifiante – des monstres aveugles – mais ils sont incapables d’écrire de vrais personnages ou de construire un arc narratif. Un début fracassant mais… Dès le générique, ils plantent une séquence choc : le massacre d’un enfant, histoire de crucifier le spectateur. Et pendant […]