Pieces of a Woman
Martha Weiss arrive à terme de son premier enfant. Son accouchement à domicile, confié à une sage-femme méconnue, tourne au drame. Si vous ne devez voir qu’un seul film sur Netflix, c’est celui-ci !
Par Charlotte Engel
Le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó (White Gold, La lune de Jupiter) dresse avec brio le portrait d’un couple en mal de vivre et nous entraîne divinement dans sa « reconstruction ». Il questionne l’effroyable réalité du deuil ou comment vivre quand il n’y a plus d’espoir.
Un film brillamment construit autour de symboles forts et qui offre une analyse approfondie de la psychologie humaine mise à rude épreuve. Au cœur de ce drame : un réalisme cru et sans pitié, subit par deux âmes estropiées, mutilées et à demi éteintes, dont le malheur se propage comme la peste chez qui daigne s’approcher de leur cercle.
La caméra pénètre dans les méandres de leur intimité, offrant la plus fidèle interprétation de l’effondrement conjugal, social, familial. La chute est brutale, le deuil est lent.
Cette temporalité étant superbement illustrée par l’image emblématique du pont, édifié par Sean lui-même et dont la progression accompagne les étapes du deuil. Le message initial, énoncé par le futur père, ne laisse en rien, augurer les prémices d’une telle descente aux enfers. « J’ai promis à ma fille qu’elle serait la première à marcher sur ce pont. » Espoir éphémère, avant que la tragédie ne l’emporte sur le reste.
Le fruit du cœur
Tout du long règne un climat lugubre, absorbant la moindre once de joie. Tout semble brisé et comme le dit si bien Martha, incarnée par la somptueuse Vanessa Kirby, nommée à l’Oscar de la meilleure actrice pour ce rôle : “Tout l’argent du monde ne me rendra pas ma fille.” En nous projetant ainsi, au plus près des ressentis de cette femme au charme certain, toujours belle, bien qu’amaigrie et submergée par le chagrin, des questions taraudent le spectateur. Mourir ou se contenter de survivre ? Doit-elle croire de nouveau en la fertilité ? Fertilité au demeurant symbolisée par la pomme, sous toutes ses formes. La pomme, ultime source de vie.
Le drame ronge le couple et nul ne peut rester insensible au désarroi de Sean, dont le rêve de paternité est brisé, sa liaison avec Martha au point mort. Ici, le talent de Shia Labeouf prend toute son ampleur dans ce rôle d’amant accablé et ruiné, l’empathie plus que palpable, un peu moins dans ses accès d’animosité.
Quant au personnage de la sage-femme, rôle magnifiquement assumé par la comédienne vue dans House of Cards, Molly Parker, indirectement accusée comme responsable du drame, elle ne cesse d’alimenter le doute quant à sa fiabilité ou sa bienveillance… réunion de paradoxes.
Pieces of a Woman, un concentré de drame à l’état brut, empreint d’un réalisme plus que déroutant à n’en voir passer le temps. Kornél Mundruczó rompt l’écorce humaine, l’explore en profondeur, fait jouer le symbole. Au-delà du deuil, il touche à notre humanité tout entière, nous confronte au pire.
Une réussite incontestable, poignante, émouvante, absorbante !
Sortie : Depuis le 7 janvier 2021 sur Netflix – Durée : 2h06 – Réal. : Kornél Mundruczó – Avec : Vanessa Kirby, Shia Labeouf, Molly Walker… – Genre : drame – Nationalité : Américano-hongroise
Cette temporalité étant superbement illustrée par l’image emblématique du pont, édifié par Sean lui-même et dont la progression accompagne les étapes du deuil. Le message initial, énoncé par le futur père, ne laisse en rien, augurer les prémices d’une telle descente aux enfers. « J’ai promis à ma fille qu’elle serait la première à marcher […]