Les quatre cents coups
Antoine Doinel, à moitié abandonné par ses parents et loin d’être un garçon exemplaire, ne cesse de « jouer avec le feu », sans se douter des conséquences …
Par Charlotte Engel
Pour Les Quatre Cents Coups, François Truffaut s’inspire de sa propre enfance et révèle l’acteur Jean-Pierre Léaud encore jeune, ainsi que son personnage Antoine Doinel, qui fera l’objet de cinq films, dont la trilogie Baisers volés, Domicile conjugal, L’amour en fuite et le court-métrage Antoine et Colette, tous réalisés par Truffaut.
Antoine est un garçon livré à lui-même. À son retour de l’école, il s’occupe des ordures, met le couvert le temps que ses parents reviennent. Son beau-père, incarné par Albert Rémy, admet lui-même leurs absences prolongées, face au directeur de l’école, alias Robert Beauvais : « Il est vrai que nous ne sommes pas souvent là, mais, vous comprenez, nous travaillons tous les deux… »
De plus, il tente de justifier auprès de son beau-fils, l’absence de tendresse de sa femme, jouée par Claire Maurier. « Elle a été un peu dure avec toi ces temps-ci mais forcément, elle est très nerveuse… il faut se mettre à sa place. Elle a beaucoup à faire… (…) elle t’aime, tu sais. Elle t’aime. »
La délinquance en guise de réponse
Le beau-père semble faire le maximum pour compenser ce manque, mais le mauvais comportement d’Antoine tient en partie de ce déséquilibre familial. Déséquilibre qu’il détaille très bien à une psychologue : « Je suis arrivé chez mes parents quand j’avais huit ans et je me suis aperçu que ma mère ne m’aimait pas tellement, me disputait toujours pour rien (…) et puis si je suis né c’était grâce à ma grand-mère. »
Antoine est rebelle. Il est le premier que l’on voit se faire punir, ou plutôt envoyé « au piquet » par son instituteur, joué par Guy Decomble et à subir une injustice scolaire. Fugueur : il dort dans une imprimerie et se fait héberger par son ami René, interprété par Patrick Auffay. Menteur : « ma mère est morte » raconte-il, pour justifier une absence. Voleur : il dérobe une machine à écrire, ce qui le conduit tout droit en garde à vue puis en maison de redressement pour jeunes délinquants.
Deux mondes que tout oppose
Les Quatre Cents Coups, c’est aussi un film où se confrontent sans cesse la jeunesse et le monde impitoyable des adultes, qui le plus souvent prend le dessus. Une belle morale sur le besoin d’indépendance des jeunes qui se pensent invulnérables. Doinel n’est qu’un « mineur sans défense » refusant de répondre à l’autorité légitime. « Je veux apprendre à me débrouiller seul », annonce-t-il un jour à ses parents.
L’arrivée au commissariat est la seule scène où les deux mondes se mélangent vraiment. À l’arrière de la fourgonnette, il prend conscience de ses actes. Les larmes qu’il verse le renvoient à sa nature infantile. Son départ vers la maison de correction lui rappelle qu’il doit « toujours écouter ses parents », comme sa mère le lui a appris.
Une enfance sans limite
Quand la psychologue lui demande : « As-tu déjà fait l’amour ? », cela signifie « Montre-moi où sont tes limites. » Et cela dépeint une réalité : la curiosité de la vie, propre à cet âge, ce besoin de tout voir, tout essayer, quitte à décevoir. La liberté avant tout.
Dans la scène finale, Antoine s’enfuit de son centre de détention pour mineurs et se retrouve sur une plage face à l’océan, juste conclusion de cette liberté recherchée. Il pense « avoir gagné » et savoure seul cette victoire, non sans ignorer que celle-ci n’est que temporaire.
Une liberté que personne ne peut nous enlever, ni même aux plus jeunes : celle de savourer sans modération ce récit objectif et moraliste sur l’enfance, aussi intemporel que tous les autres films de François Truffaut.
Sortie : 3 juin 1959 – disponible sur Netflix – Durée : 1h33 – Réal. : François Truffaut – Avec : Jean-Pierre Léaud, Claire Maurier, Albert Rémy… – Genre : drame – Nationalité : Française
De plus, il tente de justifier auprès de son beau-fils, l’absence de tendresse de sa femme, jouée par Claire Maurier. « Elle a été un peu dure avec toi ces temps-ci mais forcément, elle est très nerveuse… il faut se mettre à sa place. Elle a beaucoup à faire… (…) elle t’aime, tu sais. Elle t’aime. » […]