Le jeu de la dame
En pleine Guerre froide, le parcours de Beth Harmon, jeune orpheline et prodige des échecs. Bienvenue chez Netflix qui nous propose une mini-série pleine de créativité et d’originalité, signée Scott Frank et Allan Scott.
Par Charlotte Engel
À bien des égards, la jeune orpheline Elizabeth Harmon au destin imprévisible, aussi noir et blanc que l’échiquier qui fera sa renommée, nous pique en plein cœur.
Le scénariste écossais Scott Frank, à la filmographie « vintage » refait son apparition, en duo avec Allan Scott. Ils signent une adaptation du roman de Walter Tevis, paru en 1983. Thriller psychologique, ancré dans un contexte historique fort, Le jeu de la dame en dit long sur la place d’une femme pendant la guerre froide et sur un milieu régi par la masculinité, où tous les coups sont permis.
Adieu l’insouciance
« Vous voulez bien m’apprendre ? » Ces mots prononcés avec ardeur par Mademoiselle Harmon, neuf ans, suffisent à transformer le destin de cette jeune fille brillante et audacieuse.
La réponse aux accents misogynes : « Une fille ne joue pas aux échecs », prononcée par celui qui deviendra son mentor, ne la restreint pas pour autant. Espiègle et obstinée, Elizabeth Harmon, surnommée « Beth », incarne la figure féministe et persévérante qui ne laisse rien transparaitre de son ultra-sensibilité. Face à un échiquier, elle dit se sentir invulnérable et infaillible.
Les revendications ne manquent pas, dans cette série qui place également Jolene, jeune femme noire, dans le cercle proche de Beth. Incarnée par l’actrice américaine Moses Ingram (à l’affiche d’une prochaine adaptation du Mcbeth de Shakespeare), Jolene prend conscience de sa « différence » et l’accepte en clamant ouvertement les raisons de son séjour prolongé à l’orphelinat : « Peut-être que je suis trop noire. »
Deux actrices, deux périodes
C’est à neuf ans que tout démarre, d’où la logique de ne pas négliger la figure de l’enfance, incarnée par la prometteuse Isla Johnston, quinze ans. Quant à l’énigmatique Anya Taylor-Joy, son rôle de Beth adulte la propulse au sommet de son art. L’actrice au regard perçant – ce regard intense et pétillant qui est aussi celui de Beth Harmon – connue pour son rôle de Gina dans la série à succès Peaky Blinders, revêt parfaitement le costume d’époque, mais le film Split, avec James McAvoy, la présentait sous un tout-autre registre.
Les pions de la série
Tout comme la pièce est l’âme du jeu d’échecs, la série ne serait pas ce qu’elle est sans sa distribution. La mère adoptive, alias Marielle Heller, se fond à merveille dans ce rôle de femme au foyer – humiliée par un mari absent et sans pitié – qui retrouve sens à sa vie grâce à la passion de Beth. Parmi les adversaires impitoyables que Beth défie lors des tournois, s’affrontent des visages connus, comme celui de Thomas Brodie-Sangster (Game of thrones, Love actually) alias le maitre Benny Watts. Harry Melling, interprète de Dudley Dursley dans Harry Potter ou Bill Camp (Dark waters, Joker, Vice), incarnation de Mr.Shaibel.
Dans un décor très sixties à la Mad Men, habité par des personnages attachants et pourvus d’humanité, Le jeu de la dame, en plus de réveiller notre instinct de joueur, ne craint pas de dépeindre les facettes du monde réel : tout n’est pas blanc ou noir, tout est blanc et noir.
Sortie : Depuis le 23 octobre sur Netflix – Durée : 7 épisodes – Réal. : Scott Frank, Alan Scott – Avec : Anya Taylor Joy, Chloe Pirrie, Marielle Heller… – Genre : drame – Nationalité : Américaine
La réponse aux accents misogynes : « Une fille ne joue pas aux échecs », prononcée par celui qui deviendra son mentor, ne la restreint pas pour autant. Espiègle et obstinée, Elizabeth Harmon, surnommée « Beth », incarne la figure féministe et persévérante qui ne laisse rien transparaitre de son ultra-sensibilité. Face à un échiquier, elle dit se sentir invulnérable […]