La Voix Humaine
Après son dernier film, le splendide Douleur et Gloire, Pedro Almodóvar revient au court métrage avec La Voix Humaine, adaptation libre du monologue créé par Jean Cocteau en 1930. Interprété par la charismatique Tilda Swinton, La Voix Humaine présente une femme, ses conversations au téléphone avec son ex-compagnon, sa cohabitation avec le chien de ce dernier, tout autant abandonné qu’elle, par l’homme qu’elle aime encore. La Voix Humaine sort en vidéo et VOD le 19 mars.
Par Grégory Marouzé
Soixante-trois ans après le court opéra, inclassable et angoissant, de Francis Poulenc, le cinéaste de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988) s’approprie à son tour La Voix Humaine de Jean Cocteau, pour y projeter ses obsessions d’homme et d’artiste.
Célébration de la femme
La Voix humaine, revu et corrigé par Almodóvar, célèbre la femme, forte, multiple, combattante, fragile, brisée, qui passe par tous les états, meurt symboliquement, avant de renaître. Tilda Swinton (magnifique : c’est un euphémisme), prête ses traits, son corps, sa voix, son ambiguïté, à une héroïne qui synthétise tous les personnages féminins du réalisateur.
On n’apprend pas grand-chose de cette femme. Tout au plus, sait-on qu’elle est comédienne et/ou mannequin, que son âge la taraude (elle se définit comme un « débris »). Pour autant, on continue de l’employer car elle est intemporelle. Almodóvar dénonce les violences que les femmes subissent au quotidien, la pression de l’âge, dans les professions artistiques et ailleurs.
Vertiges de l’amour
L’homme – hors champ – ne sort pas grandi de cette conversation téléphonique d’une vingtaine minutes. Il quitte sa compagne, abandonne son chien Dash, désespéré, lui aussi, par son absence.
Pour autant, Pedro Almodóvar refuse le schématisme et les lieux communs. Oui, l’homme a trompé sa compagne, mené des vies parallèles tout au long de leurs quatre ans de relation, mais elle les a acceptées en connaissance de cause. On peut tout subir par amour, nous dit Almodóvar, qui en sait long sur les tourments du cœur.
Hommage au 7e Art
La Voix Humaine prend la forme d’une mise en abime. Sommes-nous dans la réalité, sur une scène de théâtre, ou au coeur d’un tournage, dont l’équipe technique se trouverait hors champ de la caméra ? Les décors ne sont pas dissimulés. Almodóvar les filme de haut, par derrière, en dévoile fondations et artifices.
La Voix Humaine se révèle en un chant d’amour pour le cinéma, dès le générique, via la musique du vieux complice Alberto Iglesias. Elle renvoie aux scores de Bernard Herrmann pour Alfred Hitchcock. Almodóvar cite certaines de ses influences majeures de façon directe (des DVD de films de Douglas Sirk, le maître du mélodrame flamboyant, sont filmés).
Exercice de style
On sent que Pedro Almodóvar s’est amusé à tourner ce film court en langue anglaise, a pris plaisir à filmer Tilda Swinton, à explorer toutes les possibilités de mises en scène qu’offraient ses décors.
Si cet exercice de style peut être vu comme un film mineur dans la filmographie de son auteur (le temps nous le dira), il n’en est pas moins cohérent dans l’œuvre du cinéaste, et y trouve une belle place.
Sortie : DVD, Blu-ray et VOD – Durée : 29 min – Réal. : Pedro Almodóvar – Avec : Tilda Swinton – Genre : drame – Bonus : Conversation avec Pedro Almodóvar et Tilda Swinton, présentée par Mark Kermode (45 min) – Format image : 1.85 – Nationalité : Espagnole – © Pathé Films
On n’apprend pas grand-chose de cette femme. Tout au plus, sait-on qu’elle est comédienne et/ou mannequin, que son âge la taraude (elle se définit comme un « débris »). Pour autant, on continue de l’employer car elle est intemporelle. Almodóvar dénonce les violences que les femmes subissent au quotidien, la pression de l’âge, dans les professions artistiques […]