Par Marc Godin

La lutte d’un officier, incarné par Jean Dujardin, pour faire libérer de prison Alfred Dreyfus. Un gros téléfilm, avec un énorme budget moustaches et rouflaquettes, rendu obscène par la volonté de Roman Polanski de se comparer à Dreyfus. Beurk…

Difficile d’envisager, de penser J’accuse sans évoquer le contexte et la situation de Roman Polanski. Je me garderai bien d’émettre un avis sur l’« affaire » Polanski, ou plutôt les affaires Polanski. Mais si on s’en tient au cinéma, J’accuse pose néanmoins problème.

Lors de la présentation du film à Venise, on trouvait dans le dossier de presse une interview de Polanski, 86 ans, par un Pascal Bruckner, que l’on a connu plus inspiré, qui posait la question suivante :« En tant que juif pourchassé pendant la guerre, que cinéaste persécuté par les staliniens en Pologne, survivrez-vous au maccarthysme néo-féministe d’aujourd’hui ? »

Bref, si Polanski déclare aujourd’hui le contraire, notamment dans L’Obs, Dreyfus, c’est lui, victime expiatoire de la justice et de la presse. Pourtant, si Alfred Dreyfus était innocent et a passé cinq années en prison, Polanski s’est bel et bien rendu coupable en 1977 d’avoir drogué une enfant de 13 ans avant de la violer. Il a plaidé coupable et a été emprisonné 42 jours. Tourner un film sur le capitaine Dreyfus, faire une petite apparition clin d’œil (pourquoi ?), oser se comparer à lui, c’est juste obscène. Et dégueulasse. D’ailleurs, le dernier qui s’y était risqué, c’est Tariq Ramadan

Du cinéma archi-classique, prévisible, sans saveur ni odeur

Comment ensuite regarder J’accuse et le critiquer sereinement ? On pourra commencer en annonçant tout d’abord que le film est indigne du talent de Polanski, qui n’a pas signé un chef-d’œuvre depuis une quarantaine d’années (depuis Le Locataire, pour être plus précis). Très vite, Polanski délaisse Dreyfus quand il est déporté sur l’île du Diable et s’intéresse à celui qui va reprendre l’enquête et tenter de faire triompher la vérité, l’officier Marie-Georges Picquart, interprété par Jean « Je-veux-un-César » Dujardin.

C’est habile, mais le truc s’apparente à un luxueux téléfilm, avec un énorme budget moustaches et rouflaquettes et la moitié de la troupe de la Comédie française qui vient cachetonner, parfois l’espace de quelques secondes. C’est du cinéma archi-classique, prévisible, méticuleux, sans saveur ni odeur, mais avec d’interminables scènes de procès, des gros plans signifiants sur le visage impénétrable de Louis Garrel pris au piège d’une machine infernale, tandis que l’intégralité du casting tire pendant 132 interminables minutes des tronches encore plus constipées que Bashar al-Assad.

Malgré la qualité formelle de l’ensemble (Hervé de Luze au montage, Pawel Edelman à la photo, Jean Rabasse à la direction artistique et une musique signée Alexandre Desplat), le film ne décolle jamais. La faute à Polanski, trop occupé à ciseler un film à thèse « indispensable » comme on dit en ce moment, un monument d’obscénité à sa gloire, mais totalement dénué d’émotion, ce qui est un comble.

A fuir…

Sortie : 13 novembre 2019 – Durée : 2h12 – Réal. : Roman Polanski – Avec : Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner… – Genre : drame – Nationalité : Française – Polonaise – Britannique

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Bref, si Polanski déclare aujourd’hui le contraire, notamment dans L’Obs, Dreyfus, c’est lui, victime expiatoire de la justice et de la presse. Pourtant, si Alfred Dreyfus était innocent et a passé cinq années en prison, Polanski s’est bel et bien rendu coupable en 1977 d’avoir drogué une enfant de 13 ans avant de la violer. […]