Au nom de la terre
Par Tramber
A 25 ans, Pierre reprend la ferme familiale. Vingt années plus tard, après avoir agrandi l’exploitation, les dettes s’accumulent, il sombre peu à peu. Edouard Bergeon signe un premier film poignant, plus témoin que militant et basé sur sa propre histoire.
Au milieu du marasme créatif du cinéma Français, il y a parfois une bonne surprise, un film qui ne soit pas une énième comédie pas drôle, un énième drame amoureux ou existentiel déguisé en film d’auteur, ou encore une énième fresque issue du patrimoine historique. Au nom de la terre fait partie de ces bonnes surprises tout en abordant une thématique assez rare : le milieu agricole.
Ici, excepté l’univers, pas ou peu de similitudes avec le très beau Petit Paysan d’Hubert Charuel sorti en 2017. Edouard Bergeon, qui réalise ici son premier film, connait son sujet sur le bout des doigts puisqu’il nous raconte sa propre histoire, et contrairement à Petit Paysan, qui était construit comme une sorte de thriller rural sur fond de « vache folle », Bergeon nous narre une tragédie familiale.
L’enfer de la croissance
Dans le film, Pierre Jarjeau, incarné par Guillaume Canet, reprend avec fierté la ferme de son père. Cette dernière va prospérer tranquillement, mais va subitement basculer dans une surenchère d’équipement coûteux, largement financés par les banques à coups de prêts tout aussi coûteux, le tout pour rester concurrentiel au niveau européen.
Etranglé par les dettes, l’agriculteur va peu à peu sombrer dans la dépression, mais pourtant soutenu de manière inconditionnelle par sa femme et ses enfants dont Thomas, le fils ainé, l’inéluctable drame va vite se profiler.
Edouard Bergeon vient du documentaire, et malheureusement, sur le plan formel, cela se ressent un peu trop, la réalisation manque cruellement d’innovation et c’est pas avec Au nom de la terre que vous allez crier « wahou » sur un plan particulier, tant parfois, on est à la limite du téléfilm.
Des acteurs au diapason
Mais passé ce petit déficit de créativité, Bergeon a su diriger ses acteurs, à commencer par Guillaume Canet, dont à titre personnel, je trouve qu’il réalise ici la meilleure performance de sa carrière. On sent clairement que le comédien est habité par son personnage, qu’il en devient parfois totalement méconnaissable. Les seconds rôles sont également parfaitement à la hauteur, notamment Veerle Baetens qui joue la femme de Pierre, et surtout Anthony Bajon, brillant dans son incarnation de Thomas, le fils ainé, fier de son père et aveuglé par l’idée de reprendre l’exploitation plus tard.
Mais la palme du second rôle revient à Rufus, fondateur de la ferme familiale, père intraitable, difficile, émouvant, Rufus se fait décidément trop rare.
Au nom de la terre n’est pas seulement un film sur les difficultés du milieu agricole, c’est une saga familiale avec ses joies, ses drames, ses espoirs, et la relation père-fils y est traitée avec une sensibilité qui ne peut vraiment pas laisser indifférent.
Parfois drôle, souvent dur, l’œuvre est authentique, elle ne sombre jamais dans le pathos naïf, c’est une vraie photographie d’un univers qui est trop souvent, rarement traité avec vérité.
Sortie : 25 septembre 2019 – Durée : 1h43 – Réal. : Edouard Bergeon – Avec : Guillaume Canet, Veerle Baetens, Anthony Bajon… – Genre : drame – Nationalité : Française
L’enfer de la croissance Dans le film, Pierre Jarjeau, incarné par Guillaume Canet, reprend avec fierté la ferme de son père. Cette dernière va prospérer tranquillement, mais va subitement basculer dans une surenchère d’équipement coûteux, largement financés par les banques à coups de prêts tout aussi coûteux, le tout pour rester concurrentiel au niveau européen. […]