Bien que différent du point de vue scénaristique et de la mise en scène, Anti-Squat reprend une ligne directrice similaire à celle de Corporate : une jeune femme doit affronter une entreprise carnassière et faire face à un danger. Nicolas Silhol a l’envie d’accompagner de nouveau un personnage féminin. Il veut poursuivre son observation de notre société, son évolution (régression ?), tel un entomologiste.

Un décor comme personnage

Le décor de Corporate, fait de bureaux déshumanisés, mais grouillants de vie, laisse place dans Anti-Squat à un bâtiment monstrueux, désincarné, à l’abandon. Personne n’y vit, n’y travaille. L’immeuble semble être le vestige d’une société archaïque, qui se serait anéantie sous le poids d’un consumérisme forcené, du manque d’amour et de considération. Nicolas Silhol peut alors déployer son récit : Inès (Louise Bourgoin), jeune mère célibataire, cherche un travail pour ne pas être expulsée de son logement. Elle accepte le poste en CDD que lui propose Anti-Squat, société logeant des personnes dans des bureaux inoccupés pour les protéger des squatteurs. Le rôle d’Inès est de recruter les résidents et de faire respecter un règlement très strict. La jeune femme est-elle prête à tout pour se faire embaucher et s’en sortir avec son fils, Adam ?

Corporate abordait (de façon sous-jacente) la tragédie des suicides chez France Télécom, en utilisant la forme du thriller. Comme l’histoire d’Anti-Squat est d’une grande noirceur, Nicolas Silhol a le souci de ne pas laisser le spectateur sur le bord de la route. Il fait de son décor principal un véritable personnage. L’immeuble semble vivant, prêt à dévorer, de façon symbolique, les personnes qui le traversent. La mise en scène est travaillée. Silhol sait placer sa caméra, nourrir son cadre, utiliser les espaces. Anti-Squat  joue avec nos nerfs tel un film de genre lorgnant du côté du cinéma fantastique.

© Julien Panié – Kazak Productions

Un film qui pose des questions

Ainsi, Nicolas Silhol aborde un sujet brûlant, peu traité dans les médias : la loi Anti-Squat « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite ». D’abord inscrite à titre expérimental dans la loi ELAN, la loi Anti-Squat, proposée à l’Assemblée Nationale par Guillaume Kasbarian et Aurore Bergé, est votée le 27 juillet 2023.¹

La loi, présentée au départ comme une défense des petits propriétaires, contient-elle des mesures régressives sur le plan humain ? A chacun de se faire son opinion. Si l’on sent que Silhol a un avis sur le sujet, il n’appuie pas son propos. Son film fait se poser davantage de questions, qu’il ne donne de réponses. En ces temps où trop de films livrent des avis tranchés ou binaires, il est bon qu’un cinéaste fasse confiance à l’intelligence de ses spectateurs. Brillamment interprété par Louise Bourgoin (l’intériorité lui va bien), Samy Belkessa (habité dans le rôle d’Adam), et d’excellents seconds rôles, Anti-Squat confirme le talent de son réalisateur. See Mag aime. Beaucoup !

Sortie : 6 septembre 2023 – Durée : 1h35 – Réal. : Nicolas Silhol – Avec : Louise Bourgoin, Samy Belkessa – Genre : drame  – Nationalité : française – Distribution : Diaphana Distribution – Production : Kazak Productions