Adults in the Room
Par Marc Godin
Lors de la crise grecque de 2015, le ministre des Finances Yánis Varoufákis affronte les banquiers et les ministres des finances de la Commission européenne qui rêvent mettre son pays à genoux. Un uppercut balancé par Costa-Gavras.
En cette fin d’année, les vieux tuent le game. En effet, Marco Bellochio (Le Traître), 80 ans, Ken Loach (Sorry we missed you), 83 ans, Costa-Gavras (Adults in the Room), 86 ans, sans compter le mois prochain Terrence Malick (Une vie cachée), petit jeunot de 76 ans, reviennent pour un petit tour de piste et signent les films les plus excitants du moment.
Dans le cas de Costa-Gavras, c’était assez inespéré. Adults in the Room est son premier film depuis sept ans et cela fait bien deux décennies que Costa sucre les fraises. Pour son flamboyant come-back, le cinéaste de Z ou L’Aveu revient en Grèce, après 60 années d’exil suite à la dictature des colonels et adapte le livre de Yánis Varoufákis, ancien ministre des Finances du gouvernement Tsiprás.
La Grèce ayant annoncé sa faillite en 2010, l’Europe accorde un premier prêt au pays. La Grèce plonge dans l’austérité et un second prêt en 2012 alourdit encore la dette. La situation sociale et humanitaire est catastrophique et en 2015, Syriza, le parti de gauche radical d’Alexis Tsiprás, gagne les élections. Le Premier ministre charge alors Varoufákis de renégocier le remboursement de la dette avec l’Europe. C’est à ce moment que débute le film de Costa-Gavras.
Mettre la Grèce à terre
Pendant deux heures, dans des dédales de couloirs, de sombres salles de réunion, Varoufákis affronte ministres, conseillers, banquiers, la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil européen, l’Eurogroupe, la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international. Leur but, mettre la Grèce à terre, faire payer Syriza qui cherche à éviter l’austérité et à protéger son peuple. D’escarmouches et combats sanglants, Varoufákis affronte l’inflexible ministre allemand, Wolfgang Schäuble, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, croise le très lâche Michel Sapin ou Emmanuel Macron. Christine Lagarde, à la tête du FMI, semble bénéficier de l’indulgence de Costa-Gavras.
D’ailleurs, c’est elle qui prononce la phrase qui donne son titre au film. Seul contre tous, le novice Varoufákis se heurte à l’empire néo-libéral qui veut expulser la Grèce de l’Europe, à la loi du profit pour un pamphlet comico-absurde où des mecs en costard ont droit de vie ou de mort sur des millions de citoyens.
Un thriller kafkaïen
Didactique, parfois un poil obscur, Adults in the Room mérite définitivement que le spectateur s’accroche, entre le déferlement de chiffres et d’infos contradictoires. Très intelligemment, Costa-Gavras adopte la forme du thriller et chaque réunion se transforme en un combat sans merci dans un huis-clos qui ressemble au labyrinthe du minotaure.
C’est une danse de mort drôle, violente, insoutenable, en un mot, kafkaïenne. Le film n’est pas exempt de défauts (trop long, la ridicule séquence dansée qui représente la réédition de Tsiprás), mais Costa bastonne tous azimuts et sa rage fait chaud au cœur.
C’est cela l’Europe qui nous avons voulue, construite au fil des années : un consortium de technos accros à leurs PowerPoint, des banquiers avides prêts à jeter une génération aux enfers, l’Europe du fric aux mains de personnalités douteuses comme Jean-Claude Juncker ? En mettant tous les rouages à nu, Costa-Gavras nous passionne pour son sujet et parvient même à nous faire rêver : et si une autre Europe était possible ?
Sortie : 6 novembre 2019 – Durée : 2h04 – Réal. : Costa Gavras – Avec : Christos Loulis, Alexandros Bourdoumis, Ulrich Tukur… – Genre : drame – Nationalité : française – grecque
La Grèce ayant annoncé sa faillite en 2010, l’Europe accorde un premier prêt au pays. La Grèce plonge dans l’austérité et un second prêt en 2012 alourdit encore la dette. La situation sociale et humanitaire est catastrophique et en 2015, Syriza, le parti de gauche radical d’Alexis Tsiprás, gagne les élections. Le Premier ministre charge […]