A l’heure où les salles de consommation à moindre risque (SCMR) font plus que jamais débat, Ici, je vais pas mourir, documentaire sur ce qu’on appelle communément les “salles de shoot”, sort au cinéma le 20 octobre. Le film nous fait passer les portes d’une salle de consommation et rencontrer des usagers de drogues. Pudique, intelligent, le docu porte un regard tout à la fois bienveillant et équilibré, sur des femmes et des hommes, aux parcours différents, mais tous accidentés.

Par Grégory Marouzé

Cécile Dumas, journaliste et auteure de documentaires, vit depuis plusieurs années Gare du Nord. Voyant au quotidien les tensions liées au trafic et à la consommation de stupéfiants, elle a un jour l’idée de consacrer son premier documentaire en tant que réalisatrice à la salle de consommation à moindre risque (créée par l’association Gaïa) présente dans son quartier. Ce film, elle en propose la coréalisation à Edie Laconie. Le cinéaste, rompu aux documentaires sur des sujets sociaux, a notamment réalisé L’Esquimaude, consacrée à Perrine, une jeune fille trisomique.

Plusieurs mois de repérage, un an et demi de tournage

Pour Ici, je vais pas mourir, d’abord diffusé d’abord à la télévision sur LCP-Assemblée nationale, les deux réalisateurs ont dû se faire accepter par les consommateurs. On imagine qu’il n’est pas facile de se laisser filmer face caméra, pour raconter ses fêlures, blessures, son quotidien de toxicomane. Durant plusieurs jours, Cécile Dumas et Edie Laconie viennent à la salle de consommation sans caméra, ni micro. Le documentaire demande plusieurs mois de repérages, durant lesquels des personnalités vont émerger, et un an et demi de tournage.

L’intégralité du film se déroule à huis clos, dans la salle de consommation. Si les spectateurs peuvent se poser légitimement des questions, interrogations, avoir des craintes, sur ces lieux de consommation, et les personnes qui les fréquentent, le film tend à apporter des réponses, sans jamais faire œuvre de propagande.

Ici, je vais pas mourir, dévoile une réalité souvent dure, mais aussi émouvante et drôle (plusieurs intervenants du film ont de l’humour à revendre), sans voyeurisme, ni fascination morbide. La caméra est toujours à bonne distance des personnages (on parle aussi de personnages pour un documentaire).

Un lieu de rencontres, de repos, de soins

Ainsi, le spectateur découvre qu’une salle de consommation est aussi, et surtout, un lieu d’échanges, de rencontres, de repos, de soins. Quand on vit dehors, en hiver, en pleine canicule, dans la plus grande des précarités, au contact du danger et de la violence, il est bon de trouver un îlot de quiétude. L’écoute, les soins prodigués par le personnel d’association, sont plus que nécessaires : ils sont vitaux.

Des parents, des étudiants ; des enfants nés en prison

La force de Ici, je vais pas mourir, est de nous montrer des visages, de filmer des corps se mouvoir (parfois dans la plus grande des souffrances), de nous faire entendre les voix de ceux que l’on considère comme des marginaux. En nous ouvrant les portes de ce lieu de vies, Cécile Dumas et Edie Laconie recueillent la parole de femmes et d’hommes, que la société ne refuse de voir, et écouter.

D’abord réticents, puis timides, les malades se livrent : « Ici, je vais pas mourir », sourit Marco, «Dans la rue, je suis presque invisible », dit Jeff en dessinant la géographie de sa vie dans la rue. « Je suis redevenu quelqu’un de social », confie Baguette. Comme pour toute existence, les parcours sont divers et variés.

Ces personnes en souffrance, qui nourrissent tant de fantasmes et de peurs, sont parents, étudiants, quand d’autres sont nés en prison, d’une mère consommatrice et dealeuse, morte à 38 ans.

Un regard humaniste mais jamais binaire

Si les auteurs ont un regard humaniste et bienveillant sur ces femmes et hommes (la moindre des choses que l’on demande à un documentaire, c’est bien de porter un regard), leur film n’est jamais binaire, militant, schématique. Au spectateur de se faire sa propre opinion, de réfléchir, une fois les 70 minutes du métrage terminées.

Ici, je vais pas mourir a le mérite de nous faire découvrir, de l’intérieur, ces salles de consommation, qui continuent de susciter idées reçues et clichés, dans un sens comme dans un autre. Ici, je vais pas mourir aidera, peut-être, à dépassionner le débat, pour que la question des salles de consommation à moindre risque, soit posée sereinement, objectivement, intelligemment, de part et d’autre de l’échiquier.

Sortie : Le 20 octobre 2021 – Durée : 1h10 – Réal. : Cécile Dumas et Edie Laconie – Genre : Documentaire – Nationalité : Française – Visuels : Look at Sciences / Les Alchimistes 

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