Les Plus belles années d’une vie
Par Tramber
Il y a 50 ans, Jean-Louis et Anne ont vécu une histoire d’amour fulgurante. Aujourd’hui, Jean-Louis a la mémoire qui s’éparpille et son fils Antoine sollicite Anne pour le voir et réveiller leur souvenir amoureux. Du Lelouch « made in » Lelouch.
« Claude Lelouch, retenez bien ce nom, vous n’en entendrez plus jamais parler ».
Ainsi s’exprimait la critique des Cahiers du Cinéma en 1960 quand le cinéaste sortait Le Propre de L’homme, un premier film entièrement autoproduit.
Six années et cinq films plus tard, le nom de Claude Lelouch était mondialement célébré et remportait deux Oscars avec Un Homme et une Femme, œuvre magistrale et majeure du cinéma français avec deux jeunes acteurs fulgurants de beauté et d’émotion, Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée.
Des pépites aux Ferrero !
La suite, on la connait, une carrière jonchée de pépites, le sous-estimé Un homme qui me plait en 1969, Le Voyou en 1970, le fantastique La Bonne année en 1973 avec Lino Ventura et Françoise Fabian, l’incontournable Le Bon et les Méchants, Robert et Robert, forcément Les Uns et les Autres ou encore Itinéraire d’un enfant gâté en 1989, et la leçon d’acteur donnée par Belmondo au sommet de sa forme.
Seulement Lelouch, c’est aussi le pire avec, du début des années 90 à l’amorce du XXIe siècle, une grosse décennie d’errance cinématographique plus qu’aléatoire : le très hasardeux Hasards ou coïncidences, Le Courage d’aimer, Les Parisiens, Une pour toutes, le totalement incompréhensible And Now… Ladies and Gentleman… autant de film qui sont à la cinéphilie ce que les Ferrero Roche d’Or sont à la chocolaterie de luxe.
La rédemption
Suite à cette série de films et d’échecs, l’homme ne lâche rien, s’acharne et trace sa route comme un coureur de fond imperturbable et en 2007, la magie opère à nouveau avec Roman de gare, un film compact, à la narration fluide et qui met en scène une toujours fabuleuse Fanny Ardant et Audrey Dana, qui par la suite, ne tiendra pas les promesses d’actrice qu’elle livre dans ce premier rôle au cinéma, mais le réalisateur lui, a enfin retrouvé son « mojo ».
Trintignant magnétique
Alors en 2019, nous voilà plus de cinquante ans après Un Homme et une Femme avec sa suite, Les Plus belles années d’une vie, titre inspiré d’une phrase de Victor Hugo : « Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues ». Mais plus que de Hugo, ce 49e film du réalisateur s’inspire surtout de lui-même, de l’homme et évidemment de son œuvre.
Plus lelouchien que n’importe quel film de Claude Lelouch, ce long métrage résonne comme un testament du cinéaste. Lelouch filme avec une tendresse infinie un Jean-Louis Trintignant amoindri par l’âge, mais avec une voix quasi intacte, comme si le réalisateur, dans sa démarche testamentaire voulait démontrer une dernière fois le talent magnétique du comédien de 88 ans, que l’on retrouve ici aussi subjugant que dans Amour de Michael Haneke.
Lelouch ne se limite pas à cette simple démonstration, il remplit également le bagage émotionnel du spectateur avec cette histoire d’amour qui au fond, depuis tout ce temps, et malgré l’éloignement, n’a jamais cessé d’exister dans le cœur de l’un et de l’autre.
Un testament aussi car le cinéaste se cite lui-même, nous livre de larges extraits d’Un Homme et une Femme – émotion et nostalgie garanties -, intègre son sidérant court métrage C’était un rendez-vous, et le plaque, le fond, le mélange au reste de son œuvre comme une métaphore de la vie d’un homme, une vie amoureuse bien sûr, mais pas seulement.
La vie en 2cv
Mais la vie d’un homme ne suffit évidemment pas à faire de ce film le bagage émotionnel qu’il est. Anouk Aimée, que l’on a peu vue sur grand écran ces dernières années, est sidérante de beauté et de grâce, et elle transcende cette histoire au volant de sa 2cv, comme si avec l’âge, on pouvait enfin prendre son temps et se passer d’une Ford Mustang, probablement trop rapide et incontrôlable. Elle illumine l’écran en même temps qu’elle ramène de la vie, de l’amour un peu de mémoire à Jean-Louis Trintignant alias Jean-Louis Duroc, l’ancien coureur automobile, qui malheureusement ne courrait pas qu’après les voitures.
Claude Lelouch a également eu l’excellente idée pour ses seconds rôles, de reprendre Antoine Sire et Souad Amidou, respectivement Antoine et Françoise, les enfants de Jean-Louis et Anne qui avaient dix ans dans Un Homme et une Femme.
A l’arrivée, il y a bien peu de chances que les réfractaires au réalisateur se découvrent une admiration sans faille, mais pour les autres, Claude Lelouch livre ici 1h30 de beauté amoureuse et également une ode au temps qui passe, mais qui prouve qu’avec le temps, tout ne ne s’en va pas forcément.
Alors Claude Lelouch, vous avez déjà retenu son nom, mais malgré cette œuvre testamentaire, peut-être que ses plus beaux films sont ceux qu’il n’a pas encore tournés.
Sortie : 22 mai 2019 – Durée : 1h30 – Réal. : Claude Lelouch – Avec : Jean-Louis Trintignant, Anouk Aimée, Antoine Sire, Souad Amidou… – Genre : comédie dramatique – Nationalité : française
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