En compétition au festival de Cannes 2023, cette fable de Wes Anderson joue à plein la carte de la loufoque mélancolie dont il a le secret. Poétique et beau, Asteroid City est un condensé du style clivant du réalisateur et de fait, dans son genre, l’une de ses œuvres les plus réussies.

Par Christelle Laffin

Un film, sur un programme télévisé, qui nous plonge dans les coulisses de la création d’une pièce de théâtre à Broadway. Puis nous embarque dans un trou-d’Astéroid- perdu du Far-West, une petite ville qui s’avère être le décor de ladite pièce qui va se jouer sous nos yeux. Des acteurs vont jouer des acteurs qui jouent eux-mêmes des acteurs, donc. Surtout, ne pas se laisser rebuter, comme certains festivaliers de Cannes, par cet imbroglio narratif ! En tant que spectateurs à triple titre, il est recommandé de se laisser embarquer dans ce « Anderson Unlimited » co-écrit avec Roman Coppola et photographié en  format 1.33 noir et blanc racé, dans des prises de vue diorama en technicolor poudrés, sublimes.

Car cette comédie dramatique relève de l’expérience contemplative. Ici, comme souvent chez le plus français des réalisateurs américains, les émotions sont tenues à distance-surtout quand on parle de deuil.

Les adolescents précoces se confrontent à des adultes qui peinent à grandir et tous parlent en dialogues écrits « d’une même voix », sur un ton distancié désormais proverbial. Voici le décor posé : en 1955, Asteroid City ressemble à s’y méprendre au Radiator Springs de Cars : un no man’s land, USA, au milieu d’un désert du sud-ouest, mais célèbre pour son gigantesque cratère de météorite tombé là quand le Bon Dieu devait encore être jeune homme. Un motel, une station-service, un mini- diner, une rampe d’autoroute inachevée, et des essais nucléaires qui explosent au loin… Jusqu’ici, tout va bien !

Mais la guerre froide bat son plein et la peur des aliens, c’est-à-dire des communistes, le dispute aux ambitions de conquête spatiale américaine. D’ailleurs, l’évènement de l’année, c’est le festival des jeunes prodiges de la science attendu ce week-end : cinq enfants sont invités à y présenter leurs inventions, à faire pâlir d’envie les ingénieurs de la NASA. Ils débarquent ainsi, accompagnés de leurs parents, grands-parents, fratrie, et enseignants.

© Universal

Une pluie d’étoiles

Un joli bazar que ce savoureux castings étoilé : les habitués comme Adrian Brody en metteur en scène névrosé ou Tilda Swinton en astronome passionnée y côtoient Steve Carell gérant de motel serviable, Tom Hanks dans le rôle d’un grand-père délicieusement bougon, des « nouvelles venues » comme Maya Hawke ou Scarlett Johansson mais surtout Jason Schwartzman, son acteur fétiche depuis Rushmore, un peu le Jean-Pierre Léaud de ce grand fan de Truffaut.

Après avoir joué les éternels ados, aujourd’hui, c’est à son tour d’incarner un père, Augie Steenbeck, photographe de guerre (aux faux airs de Dustin Hoffman au même âge) qui a fait le chemin jusqu’à Asteroid City avec ses enfants et les cendres de leur mère dans un Tupperware, sans leur avoir encore annoncé sa mort. Il y rencontre une actrice hollywoodienne, Midge Campbell (Scarlett Johanson, éclatant mix de  Marilyn, Ava Gardner et Kim Novak) qui cherche à se réinventer entre divorces et une carrière qui bégaie.

Un joyeux Chaos

Survient le joyeux chaos d’une quarantaine imposée par l’armée à la suite d’une visite d’un troisième type décalée. Des idylles et des relations fortes vont se nouer, aidant tout un chacun à sortir de son ultra moderne solitude pour communiquer ses peines et mieux apprivoiser un futur aussi incertain qu’un champignon nucléaire.

Avec cet hommage visuel et scénaristique à des films qui lui sont chers, de Fenêtre sur Cour à l’Argent de Poche ou Rencontres du Troisième Type, Wes Anderson radiographie une époque charnière de l’histoire américaine, pour le cinéma et le théâtre. Et nous offre le meilleur des deux, avec ce film doux et lumineux, comme un crépuscule dans le désert.

Sortie : Le 21 juin 2023  Durée : 1h44  Réal. : Wes Anderson Avec : Jason Schwartzman, Scarlet Johansonn, Tom Hanks, Tylda Swindon, Brian Cranston,  Maya Hawke… Genre : Comédie dramatique Nationalité : Américaine Distribution : Universal

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Car cette comédie dramatique relève de l’expérience contemplative. Ici, comme souvent chez le plus français des réalisateurs américains, les émotions sont tenues à distance-surtout quand on parle de deuil. Les adolescents précoces se confrontent à des adultes qui peinent à grandir et tous parlent en dialogues écrits « d’une même voix », sur un ton distancié désormais […]