Madame Claude
Netflix s’est lancé dans une approche moderne du film Madame Claude de Just Jaeckin sorti en 1977. Inspiré du procès légendaire de cette femme de pouvoir aux pratiques clandestines, la réalisatrice Sylvie Verheyde (Stella) signe une œuvre audacieuse, convaincante et aboutie.
Par Charlotte Engel
Fernande Grudet de son vrai nom, dite Madame Claude.
Nous sommes à la fin des années 60 et une seule femme a le pouvoir de faire éclore un réseau de prostituées de luxe dans les abysses du Tout-Paris. Les clients affluent. Les demandes foisonnent. Fuyant son destin tout tracé de jeune mère, Madame Claude s’insère dans une société régie par les hommes, exploit dont elle s’avoue méritante, dans le film. « Les gens commencent à me faire confiance. »
Dès lors, elle ne compte plus les heures de travail. « Je ne bois pas », avoue-t-elle à celle qui deviendra sa favorite. « C’est parce que vous travaillez trop », lui répond Sidonie, dont le tempérament et l’assurance, n’excluent pas certains traumatismes.
Une fille de joie, une fille de rien ?
Pas moins de 300 jeunes filles viennent proposer leurs faveurs dans cette maison close, voire y trouver refuge.
Des filles de tous bords, selon des critères de beauté bien précis, sont traitées dans un respect tout relatif par leur maitresse. Le rapport qu’entretien Madame Claude avec ses recrues est semée d’ambiguïtés et de contradictions. La proximité, l’exclusivité, ne la rendent pas moins imprévisible, dépourvue de tout sens moral.
L’autorité de Madame Claude est sans foi ni loi, le destin de ses « protégées » entre ses mains. Des marionnettes qu’elle manipule à tout va et n’hésite pas à les faire payer à sa place. Il y transparait l’âpreté de l’époque de ce monde impitoyable que fut le paysage politique et criminel français, incarné ici par des personnalités du cinéma hexagonal. Karole Rocher, intraitable dans le rôle phare de Madame Claude, autant que Garance Marillier (César du meilleur espoir féminin pour Grave, de Julia Ducournau en 2017) éblouit dans sa prestation. Croisent aussi la trajectoire de Madame Claude : Roschdy Zem, dans le rôle de Jo Attia, Benjamin Biolay ou encore Hafsia Herzi (Tu mérites un amour).
Noirceur et décadence
Tout du long règne un climat baigné de noirceur, monopolisé par les vices, implanté dans un décor du Paris des sixties, ne négligeant aucun code de cette époque. Carrosserie, tenues, mobilier vintage, tout y passe. Un saut réussi au cœur du Paris de George Pompidou, mondain et clandestin. Un scénario, des personnages aussi crédibles que vrais, sur fond de procès qui tourne au cauchemar. L’énergie déployée à faire de cet univers malsain une œuvre sensible et actuelle, est une prouesse inespérée, à en oublier la version de 77 avec Françoise Fabian. Scènes de sexe, scènes de violence, tout est dosé au millimètre. Probablement l’une des meilleures sorties Netflix en ce début 2021.
Sortie : 2 avril 2021, exclusivement sur Netflix – Durée : 1h52 – Réal. : Sylvie Verheyde – Avec : Karole Rocher, Roschdy Zem, Garance Marillier… – Genre : Drame, Biopic – Nationalité : Française
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