Indiana Jones et le Cadran de la destinée
Dans la famille « film très attendu », le 5ème épisode de la saga Indiana Jones (15 ans !) se pose enfin là. Chargé de contenter fans et studio, James Mangold (Logan, Le Mans 66) signe un film « 3 en 1 » qui, visant à fédérer, s’avère inégal. Il n’empêche : riche en réjouissantes références à toute la série, Indiana Jones et le Cadran de la Destinée dépoussière le mythe, pour lui et nous offrir la dernière belle aventure qu’il méritait.
Par Christelle Laffin
Au début, on se croirait à nouveau « au bon vieux temps ». Un flash-back nous transporte en 1944, époque Les Aventuriers de l’arche perdue, où le Dr Jones, pilleur de tombe éthique, préservait le patrimoine de l’humanité en s’emparant d’artefacts aux pouvoirs magiques. (Sans oublier de casser du méchant nazi et du machiavélique soviet au passage).
Par la magie du rajeunissement numérique (merci George Lucas, et ses archives ILM), Harrison Ford-Indy est à nouveau quadra. Dans de sales, drap, comme d’habitude, face à des Allemands en déroute qui convoitent la même relique que lui et que son compère Basil Shaw (Toby Jones).
Magie du cinéma La scène d’action qui suit, où l’archéologue se fait un nouvel ennemi, un scientifique obsessionnel (campé impeccablement par Mads Mikkelsen), est parmi les plus réussis morceaux de bravoure-nombreux- du premier film de la saga non réalisé par Steven Spielberg, mais James Mangold (Copland, Logan).
© Walt Disney Company
Trois films en un
En succédant à Steven Spielberg, 15 ans après l’accident industriel critique et public d’Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Crystal le talentueux réalisateur nous propose de sauver et clôturer la série mais avec un pack de trois films en un, empilés comme des matriochkas.
Le premier, qui ouvre ce chapitre, a une esthétique de « cinématique » de jeux vidéo, certes AAA, mais dont des effets numériques piquent les yeux d’artificialité passé le côté « awww » de revoir Indiana Jones et fringant comme au premier jour. Ils virent à la faute de goût kitsch dans le troisième acte, dont nous ne spoilerons pas pour autant les enjeux.
On enchaîne donc sur le deuxième film. Back to the future : 1969, L’Homme marche sur la Lune mais notre héros est fatigué. Avachi dans son salon. Un long traveling panoramique de son appartement nous révèle une vie de senior aigri et solitaire. Pincement au cœur. Mais le jour de sa retraite du Hunter College, à New York, l’honorable professeur Jones reçoit la visite surprise de sa filleule British, Helena Shaw (Phoebe Waller Bridge, inoubliable Fleabag, Amazon Prime).
Apprentie archéologue, elle est à la recherche d’un artefact rare que son père a confié à son parrain par le passé : le cadran d’Archimède, une relique qui aurait le pouvoir de localiser les fissures temporelles. Arnaqueuse de haut vol, Helena dérobe l’objet et quitte précipitamment le pays. Indy n’a d’autre choix que de renfiler son fedora, sortir son blouson en cuir du placard, et sans oublier son fouet, se lancer à sa poursuite…
Le troisième film peut commencer : celui dont Phoebe Waller Bridge est la piquante l’héroïne. Elle dégage une classe et déploît un bagout et un abattage dans la veine des stars de screwball comedies des années 40 et 50, Katherine Hepburn, ou des femmes à poigne à la Barbara Stenwick. Cette Indiana Jonette a même l’équivalent marocain de Demi-Lune (Indiana Jones et le Temple Maudit) à ses côtés : un petit voleur de rue débrouillard qu’elle a pris la main dans le sac et sous son aile (Ethann Isidore).
© Walt Disney Company
Le « coup de fouet » Phoebe Waller Bridge
Depuis Marion Ravenwood, la « best » Indy girl ! A sa hauteur. Car Phoebe Waller Bridge amène le vent frais -le coup de fouet- qui manquait à ce vieux bougon de Dr Jones pour remonter en selle. On imagine déjà même une « sequel » : Helena Shaw à la poursuite d’un genre (et d’un artisanat de cinéma) perdu. Et dont la place est au musée.
Car au fond, c’est de cela dont il est question. Comment comparer cet opus avec, par exemple, ce chef-d’œuvre de blockbuster qu’était Les Aventuriers en 1981 ?
Les sagas de super-héros (eux aussi Maison Mickey) sont passés par là, les effets spéciaux et montages hystériques ont envahi nos écrans, parfois au détriment de ce qui faisait le charme et la force des deux premiers Indiana Jones : des films d’action et d’aventure « à l’ancienne », tels que les avaient conçu George Lucas et Steven Spielberg d’après les serials de leur enfance, déjà surannés dans les années 80.
A la parfaite imperfection, aux failles aussi apparentes et assumées que les rides d’Harrison Ford à 80 ans, et l’éternelle désinvolture de son sourire en coin. De ce dernier rendez-vous avec l’aventurier les plus acclamé du 7ème art, le plus intimiste, c’est ce que l’on retiendra avant tout : un dernier vrai regard sur sa star vieillissante, mais plus vivante que jamais. Rien que pour cela, tirons un grand coup de chapeau à James Mangold. Un Fedora, bien-sûr.
Sortie : 28 juin 2023 – Durée : 2h22 – Réal. : James Mangold – Avec : Harrison Ford, Phoebe Waller Bridge, Mads Mikkelsen, Antonio Banderas – Genre : film d’aventure – Nationalité : américaine – Distribution : Disney
Magie du cinéma La scène d’action qui suit, où l’archéologue se fait un nouvel ennemi, un scientifique obsessionnel (campé impeccablement par Mads Mikkelsen), est parmi les plus réussis morceaux de bravoure-nombreux- du premier film de la saga non réalisé par Steven Spielberg, mais James Mangold (Copland, Logan). © Walt Disney Company Trois films en un […]