Lillian
Par Jean-Pascal Grosso
LE voyage impossible d’une jeune femme de New York à sa Russie natale. Photographe, documentariste, Andreas Horvath signe un « road movie » à pied, silencieux, captivant et funeste.
En 1927, Lillian Alling, une jeune femme russe désargentée, décidait de quitter la côte est des États-Unis pour se rendre en Russie à pied, par le détroit de Béring. Elle disparut à jamais dans la forêt boréale canadienne….
De cette étrange histoire, le photographe et réalisateur autrichien Andreas Horvath a tiré un conte moderne et sombre comme peuvent l’être certaines légendes populaires américaines. Lillian, c’est un anti-récit initiatique ; plutôt le sort couru d’avance d’une jeune femme entêtée jusqu’à l’impossible, doublé d’une parabole sur un pays composite et figé dans ses contradictions. On peut y être généreux tout en étant introverti, séditieux autant que fidèle à son drapeau.
Sans un mot, vivant principalement de larcins et des présents de Mère Nature, l’héroïne (Patrycja Planik, qui, comme le personnage qu’elle incarne arrive littéralement de nulle part) entreprend un voyage qu’il est difficile, dès le départ, dans un New York bruyant et gris, d’imaginer sous les meilleurs auspices.
Une ode aux paysages américains
On pouvait risquer à s’attendre, nourri par la méprisante et méprisable habitude hollywoodienne, d’un portrait au vitriol de l’Amérique profonde. Il n’en est rien. Dans Lillian, ce que cible le metteur en scène, outre de suivre la lutte permanente de son héroïne mutique contre la faim et les éléments, c’est de mettre en avant – plus qu’en valeur : elles le font d’elles-mêmes – les splendeurs naturelles du continent américain. Mais rien non plus d’esthétisant. Cette nature sublime peut aussi s’avérer d’une beauté glaçante, acérée, létale.
Lorsque Lillian croise des Américains, c’est avec plus d’indifférence que d’hostilité. Sa rencontre avec un shérif est plus étonnante encore et rappelle un long-métrage, certes d’un genre éloigné, mais au sous-texte panthéiste assez proche : le Rambo de Ted Kotcheff. L’homme de loi, un « non-acteur » comme aime à les appeler le réalisateur, après s’être enquis de son identité, la conduira aux frontières de l’État. Mais cette fois sans violence, torture, ni menace d’incarcération. Il lui offrira même son blouson et le conseil de se méfier d’une terre hostile. « Ce pays n’est pas pour les jeunes femmes » pourrait-on ajouter en référence aux frères Coen. Les clins d’œil cinéphiles s’arrêteront là. Horvath, lui, confie avoir parsemé son film de références à La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock.
Lillian, œuvre aux lectures multiples, à la fois élégiaque et d’un implacable pragmatisme, emporte son spectateur sur des chemins accidentés ; par l’érosion du temps comme les adversités de l’existence. Rassemblés à l’écran, ces antagonismes provoquent une explosion d’images, de sens et de sentiments tout simplement bouleversante.
A lire : notre entretien avec Andreas Horvath
Sortie : 11 décembre 2019 – Durée : 2h08 – Réal. : Andreas Horvath – Avec : Patrycia Planik – Genre : aventure – Nationalité : Autrichienne
Sans un mot, vivant principalement de larcins et des présents de Mère Nature, l’héroïne (Patrycja Planik, qui, comme le personnage qu’elle incarne arrive littéralement de nulle part) entreprend un voyage qu’il est difficile, dès le départ, dans un New York bruyant et gris, d’imaginer sous les meilleurs auspices. Une ode aux paysages américains On pouvait […]