Placé sous le signe du deuil, le film de Zack Snyder revient en streaming, gonflé aux stéroïdes, shooté à l’adrénaline. Une excellente surprise et une incroyable maestria formelle.

Par Marc Godin

Datant de 2017, Justice League était un échec sans nom. Un truc morne, bas du front, avec des super-héros désincarnés qui se foutaient sur la gueule entre deux vannes pourries et des effets spéciaux crados. Un film indigne du talent de Zack Snyder, dépassé par le pognon, les différentes mythologies à faire coexister et un drame personnel, le suicide de sa fille de 20 ans.

A l’époque, Snyder quitte le plateau en plein tournage et il est remplacé par Joss Whedon, employé du mois chez Marvel. La Warner annonce quelques scènes additionnelles à terminer et le respect absolu de l’œuvre de Snyder mais Whedon retourne plus de 80% du film, coupe dans le scénario, change le ton.

Lors de la sortie en salles, Justice League se fait étriller par la critique, le public, et le film, une énorme bouillie, tombe dans les limbes.

Quatre années plus tard, grâce à l’acharnement des fans, un director’s cut vient d’être finalisé pour 70 millions de dollars avec Zack Snyder aux manettes et aucune image de Whedon. Diffusée depuis le 18 mars partout dans le monde en streaming, la Snyder Cut est – contre toute attente – une excellente surprise…

Noir et mélancolique

Pourtant, le scénario est toujours aussi… basique avec au programme la mort de Superman, un objet mystique capable d’éradiquer l’univers, les trois Boîtes Mères (comme le Cube cosmique d’Avengers), un méchant flashy, Steppenwolf, sous-fifre du super-super-méchant Darkseid, des armées de nuisibles, les Paradémons et un groupe de super-héros dans une orgie de bastons en images de synthèse.

Noir et mélancolique, ce Zack Snyder’s Justice League débute par l’interminable hurlement de douleur de Superman et se parachève par une dédicace de Snyder à sa fille morte : c’est donc un requiem, une messe pour une enfant défunte, un film hanté par la mort et le deuil où l’on ouvre des tombeaux pour faire revivre les cadavres, où les pères se sacrifient pour leurs fils, où des familles se recomposent au-delà de la mort, où l’on se recueille en pleurs sur des mausolées…

Avec une durée qui passe de deux à quatre heures, des séquences rajoutées, rallongées, modifiées, remontées ou retirées, le scénario change radicalement, se métamorphose et certains personnages deviennent parfois autre chose que des clichés en lycra. Ainsi, Steppenwolf, doté de vraies motivations, devient un méchant beaucoup plus séduisant car comme l’assurait Hitchcock, « meilleur est le méchant, meilleur est le film… » D’autres personnages s’étoffent, deviennent plus subtils, notamment Flash ou Cyborg, le grand vainqueur de cette version. Dommage que le Batman soit toujours aussi monolithique, comme absent au film et à lui-même.

Un art néo-riefenstahlien

Mais c’est sur le plan formel que la satisfaction est totale. Réalisateur de 300 et de Watchmen, un des meilleurs films de super-héros, Zack Snyder déploie son art néo-riefenstahlien dans une série de plans iconiques, de ralentis à rallonge, avec la photo hyperréaliste de Fabian Wagner.

C’est donc une splendeur et comme dans ses précédents longs-métrages, Snyder parvient à nous brûler la rétine, avec des dizaines de séquences magiques : des Amazones en furie bandent leurs arcs, une douille d’obus s’envole, Wonder Woman dans le ciel de Londres, Aquaman surfant sur une de ses victimes et pulvérisant un immeuble, Superman dans un champ de blé ou lors d’une pose christique dans l’espace…

Fan de BD, Snyder dessine lui-même tous ses story-boards et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il sait composer un plan. D’ailleurs, l’idée la plus excitante, la plus novatrice du film, c’est son changement de format. Filmée en CinemaScope, cette nouvelle version de Justice League est proposée en 1 : 33 (ou 4/3), format du cinéma muet qui offre quasiment une image carrée, encore utilisé pour quelques films d’auteur intimistes (American Honey, Ida, Fish Tank, Post Tenebras Lux ou Elephant de Gus Van Sant).

Aux sources du 7e art

En revenant aux sources du 7e art, en profitant de ses racines premières et solides, Snyder fait pousser de nouveaux fruits, éclore des fleurs encore inconnues. La différence avec la première version est énorme et pas du tout gadget. On a l’impression de se retrouver propulsé dans une planche de Jack Kirby, de Jim Lee ou d’Alex Ross. Alors que les cinéastes de la Marvel font dans le panoramique à outrance, avec une action souvent brouillonne et illisible, Zack Snyder cadre serré, sublime les séquences épiques avec une mise en scène BD absolument miraculeuse (il n’a pas réalisé 300 de Frank Miller pour rien), pour un film de super-héros premier degré, frontal où il iconise des demi-dieux (bien plus difficile à faire exister sur un écran que les super-héros de Marvel), avant de déchaîner l’enfer.

Hautement recommandé.

Sortie : 2021, disponible en VOD – Durée : 4h02 – Réal. : Zack Snyder – Avec : Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot…  – Genre : action – Nationalité : Américaine – Distribution : Warner Bros

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