Alpha The Right to Kill
Jean-Pascal Grosso
Prenant prétexte la guerre menée par le gouvernement philippin contre les trafiquants de drogue, Brillante Ma. Mendoza livre un drame social minutieux sous le vernis du polar. Au final, Alpha the Right to Kill parvient à viser juste.
Moses est un policier efficace qui, dans les quartiers les plus pauvres de Manille, fait la chasse aux dealers. Mais c’est aussi un flic corrompu qui, en tandem avec un jeune indic répondant au nom d’Elijah, fait fructifier le butin récupéré après chaque arrestation…
Drogue, corruption, misère endémique figurent parmi les thèmes de prédilection du cinéaste Brillante Ma. Mendoza, scellant le destin des personnages désœuvrés de son Kinatay (2009) ou du plus récent Ma’Rosa (2016). A l’instar de feu son immense compatriote Lino Brocka, il n’hésite pas à s’accaparer de prétendus codes d’un cinéma de genre pour exprimer sa vision d’une société comme en permanence sur la brèche, confrontée aux dilemmes liés à sa survie.
Ici, sous l’ombre tutélaire du dictateur auto-proclamé Rodrigo Duterte, la police livre une guerre sans merci contre un prolétariat de trafiquants qui pourrit l’enfiévrée Manille ; elle-même excellemment mise en scène.
Après une opération exécutée – et filmée – avec énergie, c’est sur la réalité des deux personnages principaux, le flic et le dealer/indic, que le réalisateur va poser toute son attention.
Des taudis aux hautes-sphères
C’est donc le portrait de ces deux hommes, non pas que « toute oppose » mais réunis, malgré eux, par le désir d’un avenir meilleur pour leur famille et un sens certain du risque et du sacrifice, que dresse Mendoza.
Sous la menace de l’explosion de la vérité, leurs tentatives pour se hisser au milieu des taudis, de la violence de Manille, qu’il soit l’un policier de classe moyenne et catholique pratiquant, l’autre un minable mais inventif trafiquant de drogue, sont dépeintes avec patience et précision ; quotidien d’une ville-enfer délitée jusqu’à la trogne.
Certains y ont vu une apologie de la politique plus que musclée de Duterte – dont l’écho des discours, à l’instar de ceux de Barack Obama dans Cogan : Killing Them Softly d’Andrew Dominik, est omniprésent. On la cherche encore. Des journalistes ont affirmé même que Brillante Ma. Mendoza était proche des idées du cacique superstar en son pays. « Coupable, forcément coupable… » donc pour reprendre la formule durassienne.
Mais l’implacabilité de la fin tend à démontrer que l’avenir ne brille à Manille pour personne, si ce n’est les crapules des hautes-sphères, les plus gradées, les sur-médaillées. De quoi mettre pas mal d’eau dans le vin de grincheux détracteurs.
Sortie : 17 avril 2019 – Durée : 1h34 – Réal. : Brillante Ma. Mendoza – Avec : Allen Doza, Elija Filamor, Baron Geisler… – Genre : policier – Nationalité : philippine
Ici, sous l’ombre tutélaire du dictateur auto-proclamé Rodrigo Duterte, la police livre une guerre sans merci contre un prolétariat de trafiquants qui pourrit l’enfiévrée Manille ; elle-même excellemment mise en scène. Après une opération exécutée – et filmée – avec énergie, c’est sur la réalité des deux personnages principaux, le flic et le dealer/indic, que le […]