DUMBO
Par Parc Godin
Deux enfants d’un cirque aident un éléphanteau volant à retrouver sa maman. Une œuvre magique sur des freaks, où Burton te prend par la main et te serre le cœur. Welcome back, Tim
Longtemps considéré comme un auteur majeur, exposé au MoMA, président du festival de Cannes, célébré à la Cinémathèque française, Tim Burton, 60 ans, star des gothiques et des enfants, est sur la pente descendante depuis une quinzaine d’années (en gros, depuis Big Fish).
Il faut dire que l’échevelé d’Hollywood qui avait commencé en tricotant des films zinzins peuplés de zombies facétieux et de chauves-souris en plastoc gérait sa carrière comme un épicier.
Avec son fonds de commerce gothique, il a enchaîné les produits standardisés, boursouflés, sans âme : La Planète ses singes, Sweeney Todd, Charlie et la chocolaterie, Alice au pays des merveilles et autres Dark Shadows…
Vache à lait des studios, accro au succès, il était incapable de s’attaquer à un scénario original et n’usinait plus que des remakes, des adaptations, des variations. Burton bégayait, radotait, comme si son inspiration s’était évaporée… Il recyclait donc de vieux machins à coups de palette graphique, qu’il ripolinait avec un peu de brume, des décors gothiques, une musique pin-pon signée Danny Elfman et avec Johnny Depp, maquillé comme une voiture volée, faisant la folle pour tenter de masquer le vide.
Un monument d’émotion
Pourtant en 2012, Burton remonte la pente avec Frankenweenie, somptueux film d’animation, en stop motion ET en noir et blanc (donc un vrai un suicide commercial). Puis avec Big Eyes, œuvre éminemment personnelle, doublée d’une réflexion sur l’art et la création. 2019 marque l’heure de la résurrection, avec Dumbo, adaptation live d’un dessin animé de Disney dont on n’attendait absolument rien, surtout après sa version dégoulinante d’Alice au pays des merveilles.
Pourtant, Dumbo est tout le contraire de cette boursouflure numérique : un vrai film de Burton sur des freaks, une tuerie sur le plan visuel et un monument d’émotion.
Drôle, spectaculaire et poétique
Scénariste inégal, capable du meilleur (Arlington Road, Ghost in the Shell) mais surtout du pire (trois Transformers au compteur), Ehren Kruger dépoussière l’histoire originale de 1941.
Il est toujours question d’un bébé éléphant doté de grandes oreilles, adorable pachyderme aussi léger qu’une plume, mais également de toutes les personnes, des freaks, qui l’entourent : deux enfants, un vétéran de la Première Guerre mondiale mutilé, un directeur de cirque à la ramasse, une trapéziste malheureuse en amour, une sirène cogneuse et un vrai monstre en la personne de V.A. Vandevere, magnat pour le moins perturbé.
Et, surprise, tout fonctionne. Le film est drôle, rythmé, accumule les séquences spectaculaires ou poétiques, et bien sûr fait une large part à l’émotion.
On frémit, on pleure, on rit
Avec ce matériau superbement ciselé, Tim Burton retrouve la grâce, la magie d’Edward aux mains d’argent et fait une nouvelle fois l’apologie de la différence. Pendant près de deux heures, on décolle, on frémit, on pleure, on rit : Burton te prend par la main et serre le cœur. Bref, on a à nouveau cinq ans et des larmes plein les yeux quand Dumbo est séparé de sa maman.
Burton a retrouvé sa créativité, son génie de la composition du cadre, la pureté de sa mise en scène, son goût pour les belles images. D’ailleurs, il a tenu à faire construire un maximum de décors dans les studios de Pinewood, refusant le traditionnel écran vert, et réussit le grand écart entre Méliès et l’image de synthèse. Il est épaulé par le chef op britannique Ben Davis (3 Billboards) et certains de ses fidèles techniciens comme le musicien Danny Elfman, le monteur Chris Lebenzon ou le génial production designer Rick Heinrichs qui contribuent à faire de Dumbo une splendeur.
Il a également réuni plusieurs acteurs de sa troupe, Eva Green, l’excellent Danny DeVito, Michael Keaton et de petits nouveaux comme Colin Farrell ou Alan Arkin. Des acteurs merveilleux qui parviennent à ne pas se faire voler la vedette par l’éléphanteau aux grands yeux ou par les SFX. Un exploit.
Tim Burton, un punk !
Même s’il perd ses cheveux, Tim Burton reste toujours un punk dans l’âme. Déjà viré trois fois par Disney, il accepte de travailler à nouveau pour la firme aux grandes oreilles. Mais il ne peut s’empêcher de cracher dans la soupe. Ici, V.A. Vandevere, incarné par Michael Keaton, entrepreneur qui rêve de monter des parcs à thèmes, est ni plus ni moins Walt Disney, un sociopathe reptilien, manipulateur, qui rachète les entreprises et les gens, avant de les virer.
Comme le Disney de 1941 qui avait renvoyé les animateurs grévistes qui bossaient sur Son Dumbo. Que Disney laisse passer un tel message en dit long sur leur appétit mercantile. Comme aurait dit Lénine, « les capitalistes nous vendront même la corde pour les pendre ». Trop fort !
Welcome back, Mister Tim.
Sortie : 27 mars 2019 – Durée : 1h52 – Réal. : Tim Burton – Avec : Cloin Farrell, Danny DeVito, Michael Keaton… – Genre : aventure – Nationalité : américaine
Vache à lait des studios, accro au succès, il était incapable de s’attaquer à un scénario original et n’usinait plus que des remakes, des adaptations, des variations. Burton bégayait, radotait, comme si son inspiration s’était évaporée… Il recyclait donc de vieux machins à coups de palette graphique, qu’il ripolinait avec un peu de brume, des […]