Dans la brume
Par Mathias Lebœuf
Anna (Olga Kurylenko) et Mathieu (Romain Duris) sont séparés. Ils ont une fille, Sarah (Fantine Harduin), atteinte d’un syndrome d’immunodéficience qui l’oblige à vivre dans un caisson stérile installé à domicile. Mathieu s’est juré qu’un jour sa fille pourra retrouver une vie normale.
Alors qu’il rentre du Canada où il pense avoir découvert un nouveau protocole médical révolutionnaire, une brume sépia (c’est très chic à l’image) sortant de terre envahit Paris, zigouillant sur son passage tout ceux qui ont la bonne idée de la respirer, c’est à dire la majeure partie de la population.
Carnage donc. Attention ça rigole pas ! Coup de bol, Mathieu en réchappe et trouve refuge avec Anna dans l’appartement d’un couple d’octogénaire (Michel Robin et Anna Gaylor, parfaits), au dernier étage de son immeuble, là où la brume n’est pas (encore) montée.
Les 20 premières minutes d’exposition sont plutôt prometteuses : un film de science fiction catastrophe français c’est déjà suffisamment rare pour le rendre attrayant.
Un Romain Duris Affuté
L’idée de départ est un peu pompée sur The Mist, une nouvelle de Stephen King adaptée au cinéma en 2007, puis en série dix ans plus tard, mais bon … pourquoi pas. Et puis il y a Romain Duris, plus affuté que jamais ; l’homme de la situation, hiératique face à la catastrophe. Super !
Seulement voilà, la vraie catastrophe c’est le film. La suite ? Rien. Ou presque : Mathieu monte sur le toit pour voir l’étendue des dégâts. Mathieu descend dans un appartement envahi par la brume d’un voisin décédé car atteint d’un insuffisance respiratoire, pour récupérer son masque à oxygène (bravo l’idée !). Puis Mathieu peut alors atteindre celui dans lequel sa fille est restée pour changer la batterie du caisson (taaaaadaaaam suspens !).
Puis il remonte discuter un peu avec les vieux dont le fils est probablement mort mais peut être pas, hein, on sait jamais. Puis enfin il se décide avec Anna à trouver une combinaison de survie pour sa fille afin qu’elle puisse sortir de sa bulle et se réfugier dans le Morvan avec papa et maman (Ca c’est du plan !).
Réalisateur québecois, auteur notamment de La peau blanche (2004) et de Funkytown (2011), Daniel Roby donne l’impression de ne pas avoir su quoi faire de son film faute de parti pris cohérents : catastrophe naturelle, acte terroriste, effet de la politique des transports d’Anne Hidalgo … le réalisateur prend soin de ne pas livrer l’explication de la brume létale et la clef métaphorique de son film. Soit. Au spectateur de mouliner un peu, parfait !
Tout le monde est cané mais y a pas de souci
Sauf que là, il lui faut faire tout le boulot pour recoller les morceaux d’un film dont une impression d’étrangeté mal maîtrisée se dégage : Roby décide par exemple d’éviter le psychologisme qui englue souvent les films hexagonaux. Très bien. Mais les décors hyperréalistes (la ville, les appartements parisiens) ramènent sans cesse le spectateur à la réalité la plus concrète. On ne peut alors s’empêcher de se demander pourquoi les protagonistes pris dans la catastrophe ne s’inquiètent à aucun moment du sort de leur entourage (Ils n’ont pas de parents ? Pas d’amis ?) Tout le monde est cané mais y a pas de souci.
Les 5 survivants (et le spectateur resté éveillé) se retrouvent ensuite coincés dans un huis clos où le dialoguiste est parti en vacances (on n’est pas loin de « et sinon toi ca va ? ») et où jamais un questionnement métaphysique (la vie, la mort, les catastrophes, quel sens donner à tout ça ? A quoi bon survivre ? …) pourtant possible et propice, ne prend le relais.
Quant à l’action, comment dire … ? Comme le budget de son film ne permet pas au québecois de tourner un film catastrophe digne de ce nom (à l’américaine, quoi !) le seul coup de pression sera donné par une poursuite dans les rues embrumées avec … un chien rendu enragé par le gaz ! Whaou, frissons garantis !
Que faire alors quand pratiquement tout le monde est mort, que les survivants sont limites autistes, et que l’histoire part en c… ? Courir ! Pour trouver une combinaison étanche et un peu d’oxygène, Romain Duris va cavaler dans la brume tandis que le spectateur y plonge. Car c’est le problème du film : lui aussi est mortel ! Et rien ne viendra sauver le spectateur enfermé, lui, dans la salle de cinéma, sinon le générique.
Date de sortie : 4 avril 2018 – Durée : 1h29 – Réal. : Daniel Roby – Avec : Romain Duris, Olga Kurylenko, Fantine Harduin… – Genre : drame – Nationalité : Française
Un Romain Duris Affuté L’idée de départ est un peu pompée sur The Mist, une nouvelle de Stephen King adaptée au cinéma en 2007, puis en série dix ans plus tard, mais bon … pourquoi pas. Et puis il y a Romain Duris, plus affuté que jamais ; l’homme de la situation, hiératique face à la […]