The Lost City of Z
Par Marc Godin
Au début du XXe siècle, un explorateur obsessionnel veut se perdre dans la jungle sud-américaine. Une fresque intimiste sur la frustration et l’échec.
Sur l’affiche de The Lost City of Z, un aventurier, ou plutôt une silhouette, chapeau et besace (il manque juste le fouet d’Indy) sur le point de pénétrer dans une grotte, une fente bordée de végétations qui ressemble à s’y méprendre à un sexe féminin. Est-ce cela la Cité perdue de Z, le continent noir cher à Freud ? Et cette fuite en avant du héros obsessionnel, du refoulé, est-ce un retour dans le ventre maternel ?
Cette affiche, magnifique, donne une idée juste de l’œuvre de James Gray, un film d’aventures intimiste qui ne ressemble à aucun autre, un trip hypnotique bercé par les influences Conrad et de Kipling, du Guépard de Luchino Visconti, d’Apocalypse now, d’Aguirre, la colère de dieu, du cinéma de David Lean et de Stanley Kubrick. Une œuvre opératique zébrée de morceaux d’anthologie, de fragments de génie, avec ce plan final insensé, un des plus beaux, des plus audacieux, vus au cinéma depuis des années.
Sublimée par la photo venue d’ailleurs de Darius Khondji (en 35 mm, c’est plus pratique dans la jungle), c’est une œuvre radicale, élégiaque, mais d’une durée un poil exagérée (2h 21). De plus, James Gray multiplie les obstacles en choisissant un héros obsédé par l’ailleurs, un continent perdu, la fuite, qui rêve de s’enfoncer dans la jungle pour oublier sa famille et son rang social, un homme qui va d’échec en échec.
Comment s’identifier avec un tel personnage ? Comme James Gray est censé ciseler un film d’aventures, il réalise – sûrement à contrecœur – les scènes obligées : la descente du fleuve en pirogue, l’attaque des piranhas, la baston avec les Indiens…
sienna miller © studio canal
Mais surtout, il s’ingénie à filmer une fresque miniature, une aventure intérieure avec des séquences étranges, avortées, où son héros obsédé est sans cesse confronté à la frustration, l’échec.
A la recherche d’une civilisation inconnue, une cité d’or, il ne trouve que désolation, entraperçoit trois pauvres poteries, des silhouettes d’Indiens. James Gray refuse le spectaculaire, cadre les visages plutôt que la jungle, écourte les expéditions de son héros et le plonge le plus souvent possible en Angleterre, au sein de sa famille ou de la Société géographique royale, avant de le jeter dans les tranchées françaises de la Première Guerre mondiale. Coïtus interruptus !
robert pattinson © studio canal
Au sein de la filmo de James Gray, The Lost City of Z détonne, entre des polars dépressifs et des histoires d’amour désespérées. Projet de longue date (le film a failli se monter il y a dix ans avec Brad Pitt qui a jeté l’éponge au dernier moment), le film est un peu la cité perdue qu’essaie de trouver son héros.
Après plusieurs arrêts, dix ans de déception, d’échec, de frustration, voici donc cette œuvre vibrante sur la déception, l’échec, la frustration. The Lost City of Z serait-il son autoportrait en aventurier ? Et maintenant que James Gray a trouvé son Graal, que va t-il devenir, quelle sera sa nouvelle étape, un film de SF dépressif sur l’échec ?
Date de sortie : 15 mars 2017 – Durée : 2h21 – Réal. : James Gray – Avec :Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller… – Genre : aventure – Nationalité : Américaine
Sublimée par la photo venue d’ailleurs de Darius Khondji (en 35 mm, c’est plus pratique dans la jungle), c’est une œuvre radicale, élégiaque, mais d’une durée un poil exagérée (2h 21). De plus, James Gray multiplie les obstacles en choisissant un héros obsédé par l’ailleurs, un continent perdu, la fuite, qui rêve de s’enfoncer dans […]