Dans les années 70-80, elle était, avec son mari télévangéliste, à la tête d’un empire médiatique unique au monde. L’ascension, la gloire et la disgrâce de Tammy Faye Messner est le sujet de ce biopic un peu sage mais cousu main pour une Jessica Chastain méconnaissable. Elle l’illumine par sa flamboyante performance, couronnée par l’Oscar de la meilleure actrice 2022. Le film est disponible sur Disney+ et en VOD

Par Christelle Laffin

A n’en pas douter, un rôle à Oscar se devine dès les premières lignes d’un script. Surtout « quand il est basé sur une histoire vraie », celle du destin fascinant d’une figure énigmatique que populaire, aux Etats-Unis : Tammy Faye Messner. On comprend donc pourquoi Jessica Chastain s’est battue pour interpréter le personnage-titre de Dans les Yeux de Tammy Faye, biopic adapté d’un documentaire éponyme dont l’actrice-productrice avait acheté les droits en 2012.

Star system et religion

D’origine modeste, comme Chastain, Tammy Faye et son premier mari le prédicateur Jim Bakker ont créé, dans les années 70 et 80, le plus grand réseau de chaînes câblées religieuses au monde, ainsi qu’un parc à thème qui concurrençait Disneyland en termes d’entrée ! Admirés et soutenus par les généreuses donations de millions de téléspectateurs, Tammy Faye et Jim étaient, pendant plus de 15 ans, les stars d’un talk-show, The PTL Club (Loué soit le Seigneur Club, ndlr), distillant avec ferveur leur message d’amour, de tolérance et de prospérité financière.

Enrichis durant l’Amérique de Nixon, puis de Reagan, qui ne taxe pas les deniers de l’Eglise, (toutes les églises), le couple mène grand train, entre Rolls, bling et luxueuse villa. Mais la cupidité de Bakker (excellent Andrew Garfield), ainsi que ses écarts de conduite conjugaux avérés ou supposés (une liaison gay avec son assistant) précipite leur chute. Scandales sexuels et fraude, le rêve américain des Bakker se mue en cauchemar qui ira jusqu’à la case prison pour Jim.

Infatigable, Tammy continue de chanter sa foi, devenant une icône gay autant pour son maquillage outrancier à faire rougir une Drag Queen que pour ses prises de position en faveur de la communauté LGBT pendant les années SIDA, pour le moins osées dans le milieu chrétien de l’époque. C’est cette générosité et sincérité, mâtinées d’une naïveté toute enfantine que Jessica Chastain célèbre ici. L’intégrité de Tammy Faye, aussi.

Jessica Chastain méconnaissable

Fan de marionnettes (elle avait débuté à la télévision dans un programme jeunesse avec une marionnette-fétiche) la jeune épouse et mère lutte pour exister face au système patriarcal incarné par l’ultra-conservateur Jerry Falwell (Vincent D’Onofrio), qui souhaite combattre « les ordres du jour libéraux, homosexuels, féministes… ».

La direction artistique est kitsch à souhait, même si on aurait aimé, de la part d’un réalisateur de comédies potaches comme Michael Showalter (Wet Hot American Summer, avec Paul Rudd, Netflix) une parodie plus piquante de ce milieu. On reste happés dans son film, jusqu’au bout, par le jeu de Jessica Chastain, méconnaissable.

Noyée dans des prothèses, perruquée, maquillée et « faux-cillée » comme un camion volé, l’actrice se cache pour mieux révéler la complexité d’une femme aussi ambitieuse et superficielle que tolérante et sincère dans sa foi inébranlable en la bonté de l’Humanité. Derrière les sourires figés et les rivières de mascara que Tammy Faye aimait pleurer à l’antenne, elle suscite cette belle empathie, en nous, au moins le temps du film. Ce qui, en cette époque troublée, est déjà pas mal en soi.

Sortie : Le 23 mars 2022 sur Disney+ et en VOD – Durée : 2h06 – Réal. : Michael Showalter – Avec : Jessica Chastain, Andrew Garfield, Cherry Jones… – Genre : Biopic – Nationalité : Américaine 

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